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PAUL (SAINT). LA RÉDEMPTION


avec celle que l’on obtient par la foi du Christ, tJjv Stà tûcttscûç XptoToG, justice qui vient de Dieu, ttjv ex 0eoû, et qui est accordée à la foi, ènl tï) tuo-tei, c’est-à-dire fondée sur la foi.

Le passage, Rom., x, 3-4, n’est point contraire à cette interprétation : « Ne connaissant pas la justice de Dieu et cherchant à établir leur propre justice, ils (les Juifs) ne se sont pas soumis à la justice de Dieu. » On croirait, de prime abord, que l’Apôtre parle de la justice, attribut par lequel Dieu punira les Juifs. Mais aux ꝟ. 5 et 6 il oppose la justice qui vient de la Loi, èx vojxoo, à celle qui vient de la foi ex TTiarecoç. Cf. ix, 30 sq.

En résistant à la justice de Dieu, les Juifs ont refusé d’accepter le Christ qui est source de justice pour tout croyant, eîç Sixoaoaûvrjv Travxt tco KiGzzùovri, ꝟ. 4. L’accent est donc mis sur la justice communiquée, qui n’est point celle de l’homme, par contraste avec la justice légale. Mais cette justice est le fruit de l’activité salviflque de Dieu, non de sa volonté d’exercer sa justice par des châtiments. Cf. v, 21 ; xiv, 17.

Ainsi, de Rom., iii, 21, rapproché de Phil., ni, 9-10, et des autres passages de l’épître aux Romains, il ressort que la justice de Dieu « révélée dans l’Évangile en vue du salut » ne saurait être une justice vindicative, infligeant des châtiments. Le thème n’est plus celui de la colère comme dans i, 18-in, 20, c’est celui de la grâce, qui contraste avec le premier, à partir de ni, 21.

De plus, cette justice n’est pas uniquement la justice, de Dieu, attribut, en lui-même, mais aussi une qualité qui vient de Dieu, est donnée à l’homme et le rend juste.

Or, cette qualité est accordée à titre de don, Scopeâv. in, 24. C’est là un principe général dominant toute l’économie du salut. Rom., v, 15, 17. Toutefois, l’expression ij) aÔTOÛ x<ipt-Tt., jointe à Stopeccv, au ꝟ. 24, exprime-t-elle simplement, avec emphase, la gratuité du don, ou représente-t-elle une réalité qui est précisément le don de Dieu, sa « grâce » entendue au sens objectif ?

Dans saint Paul, le mot x^P 1 ? s’oppose à oyzïkf}La. « ce qui est dû », Rom., iv, 5 ; à ëpya, « œuvres », Rom., xi, 6 ; il traduit la gratuité, la faveur. Il signifie en outre l’état du chrétien qui a reçu le don de Dieu : cf. Rom., v, 2 : « La grâce dans laquelle vous êtes établis » ; c’est un état ou une réalité permanente accordée gratuitement par Dieu. Dans le texte, Rom., m, 24, le mot « grâce » signifle-t-il la justice communiquée, cause formelle de la justification, ou simplement la faveur de Dieu, Dieu justifiant gratuitement, par bonté ? Cette seconde manière est admise par beaucoup de commentateurs modernes. Cornely admet la première, contre Estius : Sunt quidem, qui verbis per gratiam ipsius solam effïcientem causant designari dicant, quum nomine grati/e hic « graluitam Dei bonitatem » signiflcare velint (Estius, etc.) ; licet auteni non negemus, hanc signiflcationem vocabulo aliquoties competere, nu.Ua tamen hic est ratio, qua a frequentiore recedere coacli gratuitum donum divinum, quo formaliter justificamur, intelligere prohibeamur (cf. Lyr., Salm., Toi., etc.). Cornely, In Rom., p. 187. Cf. concile de Trente, sess. vi, c. 7 ; et Rom., v, 1, 19, 21.

Dans le même passage, Rom., iii, 21-27, aux ꝟ. 2520, l’Apôtre revient sur la manifestation de la justice de Dieu : Dieu a disposé le Christ comme victime de propitiation dans son sang, afin de manifester sa justice, et de manière à être (reconnu) juste en justifiant celui qui a la foi en Jésus-Christ.

N’avons-nous point ici la conception d’une justice de Dieu, attribut divin poursuivant le péché et exigeant l’expiation ? Dans ce cas, comment admettre à deux versets d’intervalle un changement aussi brusque dans la pensée de l’Apôtre ? Ne faudrait-il pas en

conclure qu’au ꝟ. 21 il s’agit également de la justice attribut divin ?

On ne peut nier que dans les ꝟ. 25-26 il s’agisse de l’exercice d’un attribut divin ; mais, si l’on s’attache bien au sens du ꝟ. 26, on verra que cet attribut s’exerce pour justifier, qu’il aboutit à la justification, non au châtiment. Il est donc question de la justice salviflque de Dieu, qui a comme principe l’attribut divin et comme terme la justification ou communication de justice. Il n’y a pas là un brusque changement ; seulement l’Apôtre veut montrer comment cette justice de Dieu est source de justice pour l’homme tout en atteignant le péché. Cf. Rom., v, 2 et 5.

En effet, comment Dieu peut-il accorder la qualité de juste à ceux qui ne le sont pas et ne peuvent le devenir par leurs propres moyens ? Peut-il le faire sans manquer aux exigences de sa propre nature et de ses perfections ? Saint Paul, comme les Juifs, savait que la justice de Dieu exige une satisfaction pour le péché. Dieu ne pouvait faire autrement que de revendiquer ses droits. Juge intègre, ne se devait-il pas à lui-même de traiter les hommes selon leurs mérites ? L’Apôtre devait donc montrer que la justice de Dieu n’avait subi aucune atteinte du fait de la justification de l’homme. Satisfaction ayant été donnée par le Christ, dans son sang, Dieu accepte ses mérites comme étant ceux des hommes devenus, en lui, solidaires avec lui. « Dieu a fait le Christ péché pour nous, ÛTtèp yjjjiwv, afin que nous devenions en lui justice de Dieu », II Cor., v, 21, c’est-à-dire justes de la justice de Dieu. C’est là tout le mystère du Christ sauveur, la clef de la doctrine paulinienne sur la justification.

3° L’œuvre du Christ : la rédemption. — Les hommes sontj us ti fiés gratuitement par la grâce de Dieu, « par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ ». Rom., iii, 24.

Par le Christ, Dieu a réalisé le salut de l’humanité : « Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ. » I Cor., xv, 57. Il s’agit explicitement de la victoire sur la mort et indirectement sur la Loi et le péché, causes de la mort.

Le Christ a accompli cette œuvre par sa mort : « Le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures. » I Cor., xv, 3. C’est là une doctrine connue de tous, élément essentiel de la prédication de l’Apôtre, TrapéSwxa yàp ôfjùv èv Trpa>TO(.ç. Il l’a reçue du Seigneur, au moins indirectement. Elle fait partie du premier enseignement apostolique et remonte à la prédication de Jésus lui-même. Cf. Marc, x, 45 (Matth., xx, 28) ; Matth., i, 21 ; Luc, xix, 10 ; Matth., xx, 18-19, 29 ; xxvi, 28 et parallèles. En invoquant les Écritures, saint Paul pense probablement à Is., lui, 4 sq. ; Ps., xxii, 1-5 ; Zac, xiii, 7 ; cf. Matth., xxvi, 31.

Le Christ est mort pour donner la vie, c’est-à-dire arracher les hommes à la mort : « Il est mort pour tous afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes. » II Cor., v, 14 : « Si tous n’avaient été morts, le Christ ne serait pas mort pour tous », dit saint Jean Chrysostome, h. t. ; de même saint Thomas, Théophylacte.

Tous étaient morts à cause du péché ; saint Augustin prouve par là l’existence du péché originel même chez les enfants : eux aussi étaient morts et le Christ est mort pour eux. Cont. Jul., VI, iv, P. L., t. xiiv, col. 825 ; De pecc. mer. et rem., i, xxvii, 43, P. L., t. xliv, col. 133.

Une autre interprétation l’entend dans le sens mystique : grâce à la mort du Christ, tous les hommes sont morts au péché et à l’ancien état de vie, au vieil homme. Par le rite du baptême, le chrétien participe