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PAUL (SAINT). LA JUSTICE


cette loi est « écrite dans leurs ereurs ». La preuve en est fournie par leur conscience, qui porte un jugement sur la valeur morale de leurs actes. Elle est fournie aussi par « les pensées qui tantôt les accusent et tantôt les défendent ». Gela peut s’entendre de la psychologie de la conscience : l’homme discute avec ses propres pensées ; en lui s’engage comme un débat intérieur pour décider si tel acte est bon ou mauvais. On peut l’entendre également du verdict que les hommes portent sur les actes des autres : l’accord général des hommes sur la moralité d’un acte prouve l’existence de la loi naturelle. La première explication est plus conforme au sens du mot Xoyt.a(J-Oç.

Loin de posséder la justice à cause de la Loi, les Juifs n’en sont que plus coupables. En effet, tout en se donnant le rôle de docteur ou de rabbin, ils ne conforment pas leur vie à leur doctrine. Ils commettent ce qu’ils condamnent chez les autres, eux qui possèdent « la règle, [i.ôp9a>cji.v, de la science et de la vérité ». Cf. Matth., xxiii, 3 : « Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais n’imitez pas leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. »

Or, la vraie circoncision, celle qui fait le véritable Israélite, c’est celle du cœur. C’est pourquoi le païen observant les prescriptions de la loi naturelle jugera le Juif qui, avec sa lettre et sa circoncision, transgresse la Loi. Rom., îr, 17-29.

Ainsi, l’Apôtre énonce déjà sa doctrine de la justification du païen sans la loi mosaïque. L’important, c’est « la circoncision du cœur, dans l’esprit, non dans la lettre ». ii, 29. Les privilèges d’Israël se trouvent ainsi transférés à la descendance spirituelle d’Abraham : la foi et la valeur morale des actes rendent tous les hommes, sans distinction, membres du véritable Israël.

Les Juifs avaient bien reçu des privilèges et, en premier lieu, celui de posséder les « oracles de Dieu ». c’est-à-dire l’Écriture. Malgré cela, ils tombent sous le coup de la justice divine, iii, 1-8 : l’Écriture même prouve leur culpabilité comme celle des autres hommes. Elle montre que « le monde entier est sous le coup de la justice de Dieu ; que personne ne sera justifié par les œuvres de la Loi, car la Loi a seulement donné la connaissance du péché ». Rom., nr, 9-20 ; cf. Gal., iii, 8-10, 17-18, et surtout ni, 25-29. Sur le rôle de la Loi, voir plus haut, col. 2380 sq.

La justice de Dieu.

L’Apôtre avait énoncé son » thème » en disant que l’Évangile « est une force de

Dieu pour sauver tout croyant » ; qu’en lui se révèle « la justice de Dieu en raison de la foi ». Après avoir montré d’abord l’humanité entière hors du salut, il aborde ce thème essentiel : Dieu, en vue du salut, a donné ta justice à ceux qui croient en Jésus-Christ. « Or, maintenant, vuvt (actuellement, dans le nouvel ordre de choses), la justice de Dieu a été manifestée, indépendamment de la Loi, justice à laquelle rendent témoignage la Loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi, Sià tcîcttecoç, de Jésus-Christ, pour tous ceux [et à tous ceux] qui croient ; car il n’y a pas de distinction. Tous, en effet, ont péché et sont dépourvus de la gloire de Dieu [mais sont désormais] justifiés gratuitement par sa grâce, Swpeàv zf t ccùtoG /âpi-ri, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ, Sià T7)ç àTroX’jTpioascoç -rîjç lv Xpiarcj’Iyjctoù. » Rom., ni, 21-24. » Dieu l’a disposé (le Christ), TrposŒxo (ou l’a destiné par une resolution éternelle, cf. Eph., i, 4 sq., i, 9) comme moyen de propitiation, lXacrrr)pt, ov, par la foi, dans son sang (cf. II Cor., v, 18-21), afin de montrer sa justice — car au temps de la patience de Dieu (dans l’ancienne économie), il avait supporté es péchés passés sans les punir — pour montrer [dis-jej sa justice dans le temps présent, afin qu’il soit lui DICT. DE THÉOL. CATHOL.

même juste (qu’il soit reconnu comme juste) en justifiant celui qui a la foi en Jésus-Christ. » Jbid., 25-27.

Ce qui frappe d’abord à la lecture de ce passage, c’est l’importance donnée par l’Apôtre à l’action de Dieu et à la manifestation de sa justice. La notion de justice de Dieu chez saint Paul est une idée essentielle. mais dont il est parfois difficile de saisir toutes les nuances. Elle a donné lieu, autrefois, à des controverses passionnées qui ne trouvent point leur place dans cet exposé. Nous nous bornerons à dégager, par l’analyse des textes, ce que nous croyons être la pensée de l’Apôtre.

Dieu, en mettant l’humanité dans la voie du salut, révèle sa justice. Rom., i, 17 ; iii, 21, 25. Par suite, l’idée de justice et celle d’action salvifique sont étroitement liées : Dieu sauve par sa justice. Ici la justice de Dieu est la contre-partie de sa colère ; cf. Rom., i, 18 ; m. 1 9-20. La colère agit pour condamner ; la justice, pour sauver, pour donner la vie. II ne s’agit donc point de la justice vindicative qui s’exerce au jour de la colère ; on ne trouve ce sens que dans Rom., ni, 5. Ce n’est pas non plus la justice qui acquitte les non coupables au jour du jugement, puisque c’est une justice qui donne la vie en raison de la foi, cf. i, 17, qui (ait que les hommes soient justes et qu’ils soient reconnus comme tels au dernier jour. Deux passages sont particulièrement significatifs : Rom., iii, 21. et Phil., iii, 9.

Dans Rom., iii, 21, ce n’est plus le thème de la justice qui punit, comme dans iii, 5-20, mais de celle qui justifie et sauve. « La justice de Dieu » est indépendante de la Loi ; / « pl. !  ; v6p.oo ne se rattache point à l’idée de manifestation, mais à la notion de justice, car, en fait, cette justice a été annoncée dans l’Ancien Testament, Rom., iii, 21, cf.lespreuves d’Écriture dans Gal., iii, 5sq. ; Rom., iv ; ix, 25-33 ; x, 16-21 ; xi, 1-10 ; 26-29 ; xv, 8-12. De plus, cette justice de Dieu atteint tous les croyants et se répand sur eux, etç nrcxvTaç xai sni 7râvxaç 7uaTeùovTa< ;. Rom., iii, 22. Ici on a déjà bien l’impression que cette justice de Dieu n’est pas la justice de Dieu considérée précisément comme attribut de son être. C’est plutôt le résultat de son action salutaire, le fruit de sa justice active : par le moyen de la foi on participe à cette justice. C’est la justice de Dieu, car il en est l’auteur, mais elle atteint l’homme et lui est communiquée. Toutefois, elle n’appartient pas à l’homme en propre, comme si elle était le résultat de son activité, de son mérite ou de ses œuvres ; elle lui appartient uniquement parce que Dieu la lui donne. Elle produit en lui la qualité de juste, elle le constitue juste, Rom., v, 19, comme le péché du premier homme avait constitué tous les hommes pécheurs. Mais elle n’en reste pas inoins pour cela « justice de Dieu ».

On a quelque peine à saisir pourquoi saint Paul appelle ° justice de Dieu » un don gratuit accordé à l’homme. Pour le comprendre, il faut se rappeler l’attitude de l’Apôtre à l’égard du système juif de justification. Le Juif ne demandait qu’à se présenter au tribunal de Dieu avec une ample provision de bonnes navres ; il acquérait ainsi la justice, et son salut était assuré. Saint Paul, à cette justice humaine, appartenant à l’homme, oppose la justice manifestée dans l’Évangile. Celle-ci, par contraste avec celle des Juifs, est « justice de Dieu », non de l’homme. Néanmoins, elle a ceci de commun avec la justice juive, qu’elle est dans l’homme, autrement elle serait purement fictive et illusoire ; elle donne à l’homme la qualité de juste que les Juifs cherchaient dans la pratique de la Loi. Elle est donc une réalité acquise à l’homme par la foi.

Le passage iii, 9. de l’épître aux Philippiens ne laisse aucun doute sur ce point. L’Apôtre veut être « trouvé dans le Christ ». non avec sa propre justice. s(i.r)v, celle qui vient de la Loi, ttjv êx v6[zou, mais

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