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PAUL (SATNT). L’EUCHARISTIE


comme participation à ce sacrifice, dans son corps et son sang.

Saint Paul explique cette communion en l’opposant à la communion aux idoles et aux démons. Ce n’est point, certes, le milieu païen qui lui suggère cette conception de l’eucharistie, car c’était une donnée traditionnelle. Mais l’Apôtre en montre toute la valeur mystique : cette union des fidèles au Christ fait qu’ils ne forment plus avec lui qu’un seul corps. Cf. Col., 1, 18, 24, et surtout, ii, 19. Cf. aussi Eph., i, 10 ; il, 16-22 ; iii, 6 ; v, 23.

Enfin, l’Apôtre entend la communion au corps et au sang du Christ comme une participation réelle à la victime du sacrifice. Cela suppose la réalité du corps et du sang du Christ dans le mystère eucharistique.

Plus loin, en parlant de l’ordre dans les assemblées, saint Paul revient sur le thème de l’eucharistie. D’une façon tout à fait occasionnelle, il nous fournit la plus ancienne relation que nous ayons sur son institution et il en expose la doctrine. I Cor., xi, 17-34.

Ce passage se divise nettement en deux parties. Dans la première, 17-22, l’Apôtre blâme la conduite des Corinthiens dans la célébration de la cène. Dans la seconde, 23-34, il donne la doctrine de l’eucharistie.

1. Les fidèles, au lieu de se réunir pour leur bien, le font pour leur préjudice, ꝟ. 17. Il y a parmi eux des divisions ; la charité n’y règne pas. Ils s’assemblent pour « manger le repas du Seigneur », xuptocxov SeZnvov çocyew, ꝟ. 21, cf. ꝟ. 33 : « pour manger », sousentendu : « le repas du Seigneur », car il s’agit des mêmes réunions. Or, ce n’est point ce qu’ils font. Au lieu de manger « le repas du Seigneur, chacun, dans ce repas, èv tô cpayeïv, commence par prendre d’avance son propre repas, ëxaaxoç yàp to ÏSiov Ssïtcvov 7rpoXa(16àveo ; de sorte que les uns ont faim et d’autres sont ivres ». N’ont-ils pas leurs « maisons, pour y manger et y boire » ? Pourquoi mépriser ainsi « l’Église de Dieu », en faisant « un affront à ceux qui n’ont rien ».

Saint Paul reproche-t-il aux fidèles de transformer le repas eucharistique en un repas ordinaire, ou simplement de manquer à la charité chrétienne et à la tempérance dans ces sortes de réunions ? La première interprétation nous paraît de beaucoup la plus probable. Les fidèles transforment le repas du Seigneur, xupiaxôv, en leur propre repas, ÏSwv. D’un repas sacré, ils font un repas profane ; ils lui enlèvent son véritable caractère, qui consiste strictement dans « la fraction du pain », comme le montre Act., xx, 7-11. Ils y prennent une nourriture ordinaire qu’ils devraient prendre chez eux, et non dans ces assemblées : « N’avez-vous pas de maisons pour y manger et y boire ? » ꝟ. 22.

Cependant, on peut objecter le ꝟ. 33 : « Lorsque vous vous réunissez pour manger, sic, to çocyeïv, attendez-vous les uns les autres », ce qui suggérerait que l’Apôtre leur reproche simplement leur manque de charité : to 9ayetv, sans autre précision, indiquerait un repas ordinaire, au cours duquel on célébrait l’eucharistie. Il faut reconnaître que ce verset modifie un peu la première impression, celle que nous avons dégagée. Mais, ici, le tô cpaysiv peut très bien signifier « manger le repas du Seigneur » comme au ꝟ. 21, puisqu’il s’agit des mêmes réunions. Si les fidèles doivent s’attendre, ce n’est point pour partager fraternellement leurs provisions — l’Apôtre ne le dit pas — mais, plutôt, ils doivent attendre, sans occuper leur temps à prendre des repas profanes qui sont déplacés en pareille circonstance. Le ꝟ. 33 semble bien indiquer que telle est la véritable explication : « Si quelqu’un a faim, qu’il mange chez lui, afin que vous ne vous réunissiez pas pour votre condamnation. »

Les reproches de l’Apôtre porteraient donc sur le fait et de prendre un repas en attendant le repas du Seigneur,

et de manquer de charité ainsi que de tempérance. On a cependant l’impression que l’Apôtre condamne ces repas préalables uniquement parce qu’ils sont contraires aux vertus chrétiennes. Si tout s’y était passé avec ordre et charité, il n’aurait peut-être pas blâmé cette pratique. En tout cas, il paraît clair que ces sortes de repas ne font point partie du « repas du Seigneur », puisqu’ils peuvent être supprimés. S’il en avait été autrement, l’Apôtre les aurait simplement réglementés. Au lieu d’inviter les fidèles à manger chez eux, il les aurait obligés à mettre en commun leurs provisions. Ce passage, rapproché de Act., xx, 7-11, nous paraîtrait plutôt contraire à la théorie de 1’ « agape ».

2. Après la condamnation des abus, l’Apôtre explique ce qu’est le « repas du Seigneur ». Ce repas a été institué par le Seigneur lui-même. Sur ce point, saint Paul a « transmis » aux Corinthiens ce qu’il a « reçu du Seigneur ». Veut-il parler ici d’une révélation directe ? Il avait certainement connu par la tradition là pratique de la « cène » ou « fraction du pain », ainsi que les circonstances de son institution ; c’étaient là des éléments essentiels de l’enseignement chrétien. Mais l’apparition du Christ et les révélations qu’il en avait reçues lui garantissaient précisément la valeur de tout l’enseignement chrétien. Tradition et révélation ne s’opposaient point toujours dans son esprit, comme deux modes différents de connaissance ; cf. Gal., ii, 2, et Act., xv, 2. Il y a plus, ses révélations lui avaient fait connaître toute la profondeur du mystère eucharistique, le « mystère chrétien », auprès duquel les autres « mystères » n’avaient aucune efficacité et n’étaient que des formes du culte rendu aux démons.

Dans sa relation de l’institution de l’eucharistie. l’Apôtre diffère très peu du troisième évangile, et a dû lui servir de source principale ; cf. I Cor., xi, 23-25, et Luc, xxii, 19-20. Toutefois, dans la formule : « ceci est mon corps pour vous, t6 û-rrèp û(i.wv », saint Luc, ajoute « SiSoj^evov, livré pour vous », qui ne se trouve point dans les autres synoptiques. Il accentue ainsi l’idée d’expiation déjà contenue dans le ûjïèp ûpiwv de l’Apôtre. Luc est également seul parmi les synoptiques à mentionner la phrase : « faites ceci en mémoire de moi », après la consécration du vin ; il s’accorde avec l’Apôtre.

Dans la consécration du viii, saint Luc et saint Paul diffèrent sensiblement. Paul dit : « Cette coupe est [la coupe de] la nouvelle alliance dans mon sang. Faites cela, toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. » Tandis que Luc ajoute au mot « sang », « répandu pour vous », en se rapprochant des deux autres synoptiques ; mais il omet : « Faites cela, etc. »

L’idée de sacrifice de la nouvelle alliance se trouve donc dans les quatre relations, et il n’y a de propre à saint Paul et saint Luc que la recommandation, deux fois répétée chez Paul et une fois seulement chez Luc : « Faites ceci en mémoire de moi. »

Nous avons déjà noté, à propos de I Cor., x, 14-22, comment l’Apôtre regarde la « communion » non seulement comme une union mystique au Christ — ce n’est là que le résultat — mais comme une participation effective au « sang » et au « corps » comme à des réalités. Ce qui implique qu’il regarde le « corps » et le « sang » du Christ comme réellement contenus dans le mystère eucharistique. Ici, il rappelle les paroles qui opèrent cette transformation merveilleuse ; ce sont les paroles du Christ lui-même. Cf. concile de Trente, sess. xiii, De ss. eucharisties sacramento, c. i.

La formule « faites ceci en mémoire de moi », deux fois répétée, est un ordre de faire ce que le Christ avait fait, c’est-à-dire de renouveler le mystère ou le sacrifice. En effet, l’expression « en mémoire de moi » s’éclaire par le ꝟ. 26 : en mangeant ce pain et en buvant