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PAUL (SAINT). LES CHARISMES

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Certaines inspirations pouvaient donc avoir une origine suspecte, et l’usage même des charismes risquait, s’il n’était réglementé, de provoquer un désordre préjudiciable à la vie chrétienne. Sur ce point, comme sur les autres, l’Apôtre devait corriger les abus et prévenir les malentendus en exposant le caractère des « charismes » et en donnant dés conseils pour leur meilleur usage. L’essentiel de son enseignement sur ce sujet est contenu dans I Cor., xii, 1-xiv, 33, auxquels il faut ajouter Rom., xii, 3-8 ; Eph., iv, 7, 11-13 ; cf. I Petr., iv, 10-11.

Les Corinthiens, encore dans le paganisme, étaient « entraînés vers des idoles muettes » ; allusion sans doute à l’action des démons qui, par les effets extraordinaires qu’ils produisaient dans les réunions du culte païen, attiraient une foule d’adeptes comme par une force irrésistible. Cf. I Cor., x, 20 sq. ; Athénagore, Légat, 26, P. G., t. vi, col. 949-952.

Une certaine analogie entre les charismes et les phénomènes éprouvés par les païens pouvait donner lieu à de fâcheuses confusions. La marque à laquelle on devait reconnaître un homme « inspiré », c’est-à-dire vraiment sous l’action de l’Esprit-Saint, c’est la confession de la souveraineté de Jésus : si on est « dans l’Esprit », on ne peut dire : « Maudit soit Jésus » ; et on ne peut dire : « Jésus est Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit. » I Cor., xii, 1-3 ; cf. II Thess., ii, 2. SI l’on reconnaît Jésus comme Seigneur, comme maître souverain, l’inspiration que l’on a ne peut provenir que de son domaine qui est aussi celui de l’Esprit.

Une fois le critérium établi, l’Apôtre expose le caractère des dons spirituels. Il y a « diversité de dons, S’.cnpéastç)(apiau, dcTtov », mais il y a un seul et même Esprit ; il y a « diversité de ministères », mais il y a « un seul Seigneur » ; il y a « diversité d’opérations », mais il n’y a qu’un seul Dieu « qui opère tout en tous ». I Cor., xii, 4-5. L’Apôtre range-t-il ici les « ministères » et les « opérations » parmi les « charismes » ? La question est fort débattue. Dans ce passage, de prime abord, il semble que non ; la mention des « ministères » qui relèvent du Seigneur, et des « opérations » qui relèvent de Dieu, semblent être des termes de comparaison pour montrer comment il n’y a qu’un seul Esprit, principe de tous les dons.

Toutefois, dans Rom., xii, 7, le « ministère » est mentionné parmi les charismes, et Eph., iv, 12, montre qu’il comportait plusieurs fonctions, à savoir : upôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs. En outre, les « opérations » se retrouvent dans la suite du passage, ꝟ. 10 : « èvepYr)ii.aTa Suvàjxecov, opérations de miracles » ; et, comme le terme est au pluriel, il peut représenter plusieurs charismes. A y regarder de près, on est donc fondé à voir, dans les « ministères » aussi bien que dans les « opérations », des modalités ou des variétés de charismes. Mais, ceci une fois admis, on s’apercevra vite qu’il n’y a pas là une division rigoureuse en trois catégories, dont l’une relèverait de 1’ « Esprit », une autre du « Seigneur », c’est-à-dire du Christ, et une troisième de Dieu. En effet, au ꝟ. 7, l’Apôtre déclare d’une façon générale que « la manifestation de l’Esprit est donnée à chacun pour l’utilité » commune ; ce qui équivaut à rattacher tous les charismes à l’Esprit. De fait, dans l’énumération qui suit, tous les charismes dépendent de l’Esprit, même les « opérations de miracles », que l’Apôtre avait rattachées à Dieu dans le ꝟ. 6. Bien plus, au ꝟ. 28 du même chapitre, l’Apôtre énumère des charismes en les attribuant tous à Dieu, entre autres les charismes de prophétie, de guérison et de langues, qu’il a attribués plus haut (ꝟ. 9 et 10) à l’Esprit. Enfin, dans Eph., iv, 7, les charismes sont te don du Christ ; c’est lui « qui a fait les uns apôtres, d’autres prophètes, etc. », ꝟ. 11.

Il est clair que l’on ne saurait partir de I Cor., xii, 4-5 pour établir une division parmi les charismes. D’ailleurs, les quatre listes que l’Apôtre en a données, I Cor., xii, 8-10 ; xii, 28-30 ; Rom., xii, 6-9 ; Eph., iv, 11, montrent bien qu’il n’a pas voulu faire un classement, ni une énumération complète, mais dégager les leçons et les avantages de vie chrétienne qui ressortent de ces manifestations.

La première liste énumérée, I Cor., xii, 8-10, comprend : le discours de sagesse, le discours de connaissance, yvwctswç, la foi (foi des miracles, comme dans I Cor., xiii, 2, cf. Matth., xvii, 20 ; et non foi, vertu théologale, comme dans I Cor., xiii, 13), les charismes de guérisons, les opérations de miracles, la prophétie, les discernements, Siaxpîaeiç, des esprits, les genres de langues (les variétés de glossolalie), l’interprétation des langues.

Parmi ces charismes, plusieurs, qui sont mentionnés au pluriel, pouvaient être multiples et comporter des subdivisions. Cette liste est donnée moins pour en préciser le nombre que pour montrer leur rôle dans l’Église.

En effet, à partir du ꝟ. 12 l’Apôtre parle non plus des charismes en eux-mêmes, mais des sujets qui en sont les bénéficiaires. Ceux qui les reçoivent, ayant été « baptisés dans un seul Esprit », forment un seul corps ; ils remplissent des fonctions différentes mais concourent tous à la vie de cet organisme qui est le corps du Christ, ꝟ. 27, c’est-à-dire l’Église, ꝟ. 28. Les membres de ce corps sont donc solidaires entre eux, et doivent concevoir une estime mutuelle. En donnant ainsi une leçon de morale, l’Apôtre expose un aspect de sa doctrine sur l’Église, corps mystique du Christ. Dieu a établi, sGeto, dans l’Église des membres « en premier lieu comme apôtres, en second lieu comme prophètes, en troisième lieu comme docteurs, puis d’autres qui ont le don d’opérer des miracles, d’autres celui de guérir, d’assister (faire des œuvres de miséricorde ou de charité, cf. Rom., xii, 8 ; Eph., iv, 28), de gouverner, de parler diverses langues ».xii, 28. Cette liste se compose de huit termes, et l’on pourrait y ajouter le don d’interprétation mentionné ꝟ. 30. Elle diffère sensiblement de la premièie en ce que l’Apôtre met en relief non les effets charismatiques en eux-mêmes, mais bien ceux qui possèdent des offices charismatiques et qui ont été établis à cette fin par Dieu même dans le corps du Christ, c’est-à-dire l’Église. Cf. Eph., i, 23 ; iv, 12 ; Col., i, 18.

Il y a donc des degrés parmi les « dons » ; il faut aspirer aux plus parfaits. Mais, si on les compare à la charité, les « dons » lui sont inférieurs. Us cesseront, tandis que la charité n’aura pas de fin. I Cor., xiii, 8. « Quand viendra ce qui est parfait, ce qui est imparfait disparaîtra », xiii, 10 ; « présentement, nous voyons comme dans un miroir, d’une manière obscure ; mais alors nous verrons face à face. Maintenant, je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu », c’est-à-dire comme je suis connu par Dieu, d’une façon parfaite et directe, ꝟ. 12 ; cf. Philon, De cherubim, p. 114-115, éd. Cohn-Wendland, t. i, p. 197. « Maintenant (en cette vie), ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité », ꝟ. 13. La foi en question ici ne peut être que la vertu théologale ; ce n’est plus la « foi des miracles », comme dansxii, 9, et xiii, 2 ; et de plus, Paul parle de cette vie, non de la vie future où seule la charité demeure ; cf. xiii, 8 ; II Cor., v, 7 ; Heb., xi, 1 ; Rom., viii, 24.

Dans cette conclusion, il veut enseigner que non seulement la charité est bien supérieure aux charismes, mais que les autres vertus théologales doivent être aussi grandement estimées, car elles sont le véritable fondement de la vie chrétienne ; les fidèles ne doivent