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PAUL (SAINT). LES CHARISMES

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L’homme spirituel est celui qui a reçu l’Esprit de Dieu et qui se laisse conduire par lui sans mettre obstacle à son action. Saint Thomas le définit : homo habens intellectum illustralum et afjectum ordination per Spiritum sanctum. lbid., p. 626. Celui-là est seul à même de saisir la « sagesse de Dieu », ses desseins intimes, son plan secret dans le gouvernement des choses. L’objet de ce plan est défini dans Rom., xvi, 25-27, et Eph., i, 3-14.

Parmi les Corinthiens, plusieurs avaient montré par leurs divisions, qu’ils étaient encore « charnels » ou « enfants dans le Christ ». Ceux-là ne sont pas capables, eux non plus, de saisir les mystères de la sagesse divine. Cependant. l’Apôtre ne les traite pas de « psychiques », puisque, étant chrétiens, ils ont reçu l’Esprit. Ilssontdonc, en principe, parmi les « spirituels » mais non parmi les « parfaits » ; ils ne se laissent pas conduire par l’Esprit mais plutôt par « la chair » ; cf. Rom., viii, 5-13, spécialement le ꝟ. 13. L’homme « charnel » n’est donc pas rigoureusement synonyme de l’homme « psychique » ; mais la condition du premier ne paraît guère supérieure à celle du second.

2° La véritable notion du ministère pastoral. - — Les divisions entre les fidèles de Corinthe au sujet des prédicateurs amènent l’Apôtre à définir la véritable notion du ministère pastoral, I Cor., iii, 5-iv, 21. Les prédicateurs ne sont que des instruments dans la main de Dieu ; car lui seul assure le succès. L’Apôtre a établi le fondement de l’édifice, c’est-à-dire Jésus-Christ. Les prédicateurs doivent continuer sa tâche en bâtissant sur ce fondement. Mais, s’ils construisent avec des matériaux de qualité inégale, de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois ou de la paille, l’œuvre de chacun sera dévoilée et sévèrement examinée au jour du jugement : « le jour (du jugement) la fera connaître parce qu’il se révélera dans le feu ». Si l’œuvre résiste, l’ouvrier recevra son salaire ; si elle brûle, il sera couvert de confusion ; et « il se sauvera, mais comme à travers le feu », ꝟ. 12-15.

De ce passage — qui a donné lieu à tant de controverses — paraissent se dégager les idées suivantes : Les prédicateurs édifient la communauté des fidèles par la prédication de l’Évangile, cf. ꝟ. 17. Mais l’édifice n’est pas à proprement parler l’Église, c’est plutôt la doctrine qui a pour fondement Jésus-Christ. Ce fondement, l’Apôtre l’a établi en enseignant Jésus-Christ, mort et ressuscité, sauveur des hommes. Les prédicateurs, en expliquant et en développant cette doctrine fondamentale, élèvent l’édifice. Parmi les matériaux employés par eux, c’est-à-dire leur manière d’expliquer la doctrine, il y en a d’excellents, d’autres qui sont légers et inconsistants. Ces derniers ne sont point des erreurs ou des hérésies de nature à détruire le « temple de Dieu » ; cf. ꝟ. 17. Ce sont plutôt des développements ou des idées futiles et même blâmables. Ceux qui les emploient travaillent en pure perte ; leur œuvre ne résistera pas au feu du jugement. Il ne semble être question ici, ni du feu de l’enfer, ni explicitement du feu du purgatoire. C’est le feu vengeur qui accompagne la théophanie ; qui éprouve les œuvres des hommes, bonnes ou mauvaises, et qui inflige parfois un châtiment. Voir plus haut. col. 2408.

Les ouvriers qui auront ainsi bâti avec des matériaux fragiles et périssables ne seront point condamnés, « ils se sauveront », mais non sans subir un dommage ou une peine. Ils seront couverts de confusion et ils se sauveront « comme à travers le feu », à la manière de celui qui, surpris par l’incendie, s’échappe à grand’peine et non sans brûlures, à travers les flammes. Un tel dénouement, ajouté à la confusion de voir son œuvre détruite, suppose que l’ouvrier imprudent, bien qu’il soit sauvé », non seulement ne recevra aucune récompense pour ses travaux, mais subira une

peine à cause de son œuvre avant d’arriver au salut. — Les théologiens ont vii, non sans raison, dans ce passage, un fondement à la doctrine du purgatoire.

Par contre, malheur à qui détruira « le temple de Dieu », c’est-à-dire corrompra l’Église de Corinthe par des doctrines subversives : « Dieu le détruira lui-même. L’Apôtre répète le même terme « détruire » pour signifier que Dieu lui infligera en quelque sorte la peine du talion, peine proportionnée à la gravité de sa faute. Celui-là est exclu du salut ; pour lui, c’est la condamnation.

3° Les charismes ou l’action de l’Esprit-Saint dans l’Église. — L’Esprit de Dieu (le souffle de Dieu) est une notion qui occupe une grande place dans l’Ancien Testament. De là elle est passée dans le Nouveau et dans la doctrine chrétienne. Dans le Nouveau Testament, « l’Esprit, l’Esprit de Dieu, l’Esprit-Saint » apparaît à la fois comme une personne divine et un principe divin de régénération, de sanctification, de vie et d’action surnaturelle.

Promis par Jésus comme un bienfait du nouveau règne de Dieu, cf. Joa., xiv-xvi ; Luc, xxiv, 49 ; Act., i, 4, 5, 8, il devait être un principe de vie nouvelle, de force et d’action religieuse, un agent divin assurant aux sacrements leur efficacité, entretenant et accroissant la vie chrétienne, opérant la résurrection des corps, garantissant la vie éternelle. Il devait donc se manifester de la façon la plus variée dans le développement et la vie de l’Église.

Sa première effusion, à la Pentecôte, Act., ii, 23, avait été accompagnée de phénomènes religieux extraordinaires. Un état d’enthousiasme, d’exaltation et de joie surnaturelle, quelque chose d’analogue à l’extase, avait marqué la première présentation des apôtres et des fidèles devant le peuple de Jérusalem. Act., ii, 12-13 ; cf. I Cor., xiv, 23. Tout cela était l’accomplissement de la prophétie de Joël ; cf. Act., il, 17, 18.

Cette action extraordinaire de l’Esprit-Saint ne devait point être isolée et passagère ; elle devait se perpétuer et se traduire de bien des façons. D’abord, les apôtres étaient spécialement guidés et poussés par l’Esprit-Saint dans leur ministère ; cf. Gal., ii, 8 ; ICor., ii, 4-5. Ils répandaient l’Esprit et faisaient par lui des miracles ; cf. Gal., iii, 5 ; Rom., xv, 18-19. Leur apostolat était l’œuvre de l’Esprit ; ils étaient inspirés, dans leurs prédications comme dans leurs écrits. L’apostolat, tout en étant conféré par Dieu et le Christ, était accempagné de signes et de prodiges qui en montraient la légitimité ; cf. II Cor., xii, 12.

Mais l’apostolat était une institution divine peimanente, non une manifestation passagère, inteimittente de l’Esprit-Saint. Par contre, les nouveaux convertis qui recevaient le Saint-Esprit après le baptême étaient, par moment, gratifies de dons spirituels variés, ayant un caractère soit miraculeux, soit au moins surnaturel. Ces dons, appelés par saint Paul /aptajjtaxa, n’étaient point une grâce justifiante ou sanctifiante ; ils étaient accordés pour le bien commun des fidèles ; ils avaient en quelque sorte un caractère social. Le fidèle pouvait les désirer, les demander à Dieu, I Cor., xiv, 1, 13, mais leur fin était toujours « l’édification de l’Église ». Ibid., ꝟ. 12.

Ces dons avaient été largement accordés à l’Église de Corinthe, et leur manifestation faisait parfois de la communauté un milieu singulièrement agité. Les fidèles étaient portés à rechercher les dons les plus extraordinaires, au détriment du bon ordre et de la charité. En outre, cette intensité d’émotion religieuse et d’inspiration semble avoir eu son pendant dans les réunions du culte païen, auxquelles saint Paul fait allusion, I Cor., xii, 2. Des chrétiens en avaient sans doute fait l’expérience avant leur conversion.