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PAUL (SAINT). ÉPOQUE DE LA PAROUSIE


un adversaire d’ordre politique, et déjà existant, ce qui est probable, saint Paul corrige cette notion dans leur esprit, en montrant que son action sera d’ordre religieux et que son véritable animateur sera Satan. La puissance qui empêche ce débordement d’impiété sera donc également d’ordre religieux. Elle s’oppose non pas tant à tel personnage déterminé, qu’à Satan lui-même et à tous ses suppôts, quels qu’en soient’la nature ou le nombre. Cette situation peut se prolonger au gré de la puissance divine, et il n’y a rien là qui doive faire croire à une lutte imminente et suprême des forces du mal contre le Christ et ses fidèles. Une telle transformation, qui dégage ainsi de la politique l’idée d’antéchrist, pour l’universaliser en quelque sorte, est bien conforme au génie de l’Apôtre.

3° L’époque de la parousie ; parousie et théologie. — Jésus n’avait point fait connaître aux apôtres l’époque de la venue du Fils de l’homme, cf. Marc, xiii, 32, et parall. Il s’était borné à leur prêcher la vigilance. Les apôtres n’avaient donc, sur ce point, aucun enseignement précis à donner aux fidèles ; leur action devait se borner à les exhorter, comme avait fait Jésus, à la pratique des devoirs chrétiens : ainsi, quoi qu’il arrivât, les fidèles seraient toujours prêts au jugement. Tout ce que saint Paul savait sur ce point était contenu dans la prédication des premiers apôtres : <> le Seigneur devait venir soudainement, comme un voleur pendant la nuit » ; cf. I Thess., v, 1 sq. C’est là ce que l’on pourrait appeler un lieu commun de la prédication chrétienne.

Toutefois, saint Paul n’a-t-il pas le sentiment qu’il sera encore au nombre des vivants lorsque le Christ reviendra ? Citons les passages qui semblent de prime abord, imposer une réponse affirmative ; nous verrons ensuite ceux qui s’opposent à une telle solution et nous dégagerons la pensée de l’Apôtre sur ce point.

Dans la I re aux Thessaloniciens, iv, 15, l’Apôtre déclare : « Nous, les vivants, laissés pour l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas les morts… », cf. ꝟ. 17. Dans la I re aux Corinthiens, il dit, en parlant du conseil de la virginité, I Cor., vii, 26 : « Je pense donc, à cause des difficultés présentes, Sià rrjv èveoTÛCTav àvàyx^v, qu’il est bon pour un homme d’être ainsi », cf. ꝟ. 40 ; et ꝟ. 29-31 : « Le temps est devenu court ; que ceux qui ont une femme vivent comme n’en ayant pas ; ceux qui pleurent, comme ne pleurant pas ; ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant pas ; ceux qui achètent, comme ne possédant pas ; et ceux qui usent du monde (c’est-à-dire des choses qui sont dans le monde, choses périssables et passagères), comme n’en usant pas. Car la figure de ce monde disparaît, Tiot.pii.yei y<*P T0 a X^f xa T °û x6a(j.ou toutou. » Dans la même épître, x, 11, l’Apôtre, après avoir rappelé certains événements de l’histoire d’Israël, déclare : « Toutes ces choses leur sont arrivées en figure, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes arrivés à la fin des temps, elç oûç Ta tsX ?) twv alcôvwv xaTTjvrrçxEV, in quos (nos) fines sseculorum devenerunt. » A la fin de la même épître, xvi, 22, la formule araméenne Maran alha, « Notre-Seigneur vient » ou : « Seigneur, viens ! » cf. Apoc, xxii, 20, semble indiquer l’attente du jugement à brève échéance. Enfin, l’avis de saint Paul à Timothée, II Tim., ni, 1 : « Sache que, dans les derniers jours, il viendra des temps difficiles, xcupol ^aXsirol », confirmerait encore cette impression.

Par contre, d’autres passages montrent que saint Paul n’avait point la conviction d’être au nombre des vivants lors de la parousie. Citons d’abord le passage I Thess., v, 10 : « Afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions », c’est-à-dire « morts ou vivants, nous vivions avec lui (le Christ) » ; cf. Théodoret, S. Ephrem. Ce passage s’oppose à ce que l’on entende « nous les vivants » de iv, 15 et 17, en ce sens que saint Paul aurait eu la conviction ferme d’être encore en vie lors de la venue du Seigneur.

Un passage de l’épître aux Philippiens appuie cette interprétation, Phil., i, 20 : « Maintenant, comme toujours, le Christ sera glorifié dans mon corps, soit par ma vie, soit par ma mort ; car le Christ est ma vie et la mort m’est un gain » ; et ꝟ. 23 : « Je suis pressé des deux côtés, j’ai le désir de partir et d’être avec le Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ; mais il est plus nécessaire que je demeure dans la chair à cause de vous » ; et encore, ii, 17 : « Et même, dût mon sang servir de libation dans le sacrifice et dans le service de Votre foi, je m’en réjouis et vous en félicite. » Saint Paul, dans ces passages comme dans I Thess., v, 10, envisage donc l’éventualité de sa mort et même de sa réunion au Christ, à titre individuel, Phil., i, 23, avant le temps de la parousie.

Le passage II Tim., iv, 6-8, 18, donne la même impression : « Je suis déjà répandu en libation, aTCsv80[i.aa (c’est-à-dire offert en sacrifice, cf. Phil., ii, 17 ; Apoc, vii, 14 sq.), et le moment de mon départ, àvaXuæcoç, est arrivé… Désormais, elle m’est préparée la couronne de justice que le Seigneur, le juste juge, me donnera comme récompense, en ce jour-là, non seulement à moi, mais à tous ceux qui auront aimé son avènement. » II Tim., iv, 6-8. « Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera dans son royaume céleste. A lui soit la gloire dans les siècles des siècles ! AmenI » Ibid., ꝟ. 18. La mention du royaume céleste précise le genre de départ et de délivrance auxquels l’Apôtre s’attend. Il va mourir bientôt et recevoir la récompense de ses travaux. La perspective du jugement et de l’avènement du Christ reste indécise. Saint Paul ne dit point que ces événements coïncideront avec son « départ ». Par ailleurs, il espère que Dieu le » ressuscitera aussi avec Jésus », II Cor., iv, 14, ce qui suppose qu’il ne sera plus au nombre des vivants. Enfin, la pensée de mourir avant la venue du Christ lui arrache des gémissements : « Tant que nous sommes dans cette tente, nous gémissons, accablés, parce que nous voulons, non pas ôter notre vêtement (c’est-à-dire ne pas mourir), mais revêtir l’autre par-dessus » (être transformés sans passer par la mort). II Cor., v, 4. D’ailleurs, dans tout le développement II Cor., v, 1-10, la perspective de la parousie s’efface totalement, et l’Apôtre parle comme si la transformation du corps et l’union avec le Christ devait avoir lieu immédiatement après la mort. Nous comparerons plus loin ce passage avec I Cor., xv, en traitant de la résurrection.

Que l’Apôtre n’ait point eu la certitude d’être au nombre des vivants lors de la parousie, cela ressort de son long exposé sur le salut des Juifs, Rom., ix, x, xi ; la conversion des nations devant précéder celle des Juifs ; voir surtout xi, 13-15 et 25-26. Ces événements, dans sa pensée, devaient exiger un temps plus ou moins considérable.

Toutefois, le passage Rom., xiii, 11-14 n’enseignet-il pas la proximité de la parousie ? « Vous savez en quel temps nous sommes ; c’est l’heure de nous réveiller enfin du sommeil ; car, maintenant, le salut est plus près de nous qu’au moment où nous avons cru. La nuit est avancée et le jour approche. Rejetons donc les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de la lumière… » Ce passage est avant tout une exhortation morale à la vigilance. En affirmant que le jour du salut est « plus proche « l’Apôtre invite les Romains à se comporter comme pendant le jour, c’est-à-dire à marcher dans la lumière et non dans les ténèbres. Le passage est dans la même ligne que I Thess., v, 1-10, et Matth., xxiv, 36, 51 ; Marc, xiii, 32-33 ; Luc, xxi, 34-36 ; cf. Phil., iv, 5 ; Heb., x, 25, 37 ; I Pet., iv, 5, 7.