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PAUL (SAINT). LA PAROUSIE


des deux catégories, les morts et les vivants ? Les premiers participeraient-ils au bonheur messianique et à quel moment ? D’ailleurs, comme le montre l’exposé de l’Apôtre, la question ne se posait qu’à propos des fidèles qui étaient déjà morts, ou qui seraient morts avant la « venue » du Christ glorieux. Cf. I Cor., xv, 22.

Saint Paul les rassure en leur rappelant le dogme chrétien de la résurrection et de la vie future pour tous les fidèles. Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront. La résurrection du Christ en est la garantie ; Dieu, en l’opérant, a donné aux chrétiens la certitude de leur propre résurrection ; cf. I Cor., xv, 1-3. Voilà l’espérance chrétienne, qui doit remplacer le pessimisme et la tristesse sans espoir de l’âme païenne. I Thess., iv, 13 : « Si, en effet, nous croyons que Jésus est mort et ressuscité [nous croyons] également [que] Dieu amènera avec Jésus ceux qui sont morts en communion avsc lui. »

La phrase grecque est un peu embarrassée, on pourrait la traduire également : « Dieu, par Jésus, amènera avec Lui ceux qui sont morts. » Mais cette manière est moins conforme à la pensée de saint Paul. Sans doute, l’expression 81à toû’iYjaoû n’est pas l’équivalent de èv tcô’LrçaoO ; cependant, les Pères grecs l’ont rendue par èv ifi etç tôv’Irjaoôv nlaxei, cf. Knabenbauer ; et de plus, dans I Cor., xv, 2, Si* oS, et xv, 1, èv w expriment des idées analogues. Pour l’emploi de ces deux prépositions, cf. Rom., iii, 30 ; I Cor., jeu, 8 ; II Cor., iii, 11. Le but de l’union au Christ, du salut par le Christ, c’est d’être transformé comme lui, Rom., viii, 23 ; I Cor., xv, 51 ; Phil., ni, 21, et d’être avec lui, I Thess., iv, 17 ; Phil., i, 23. La résurrection aboutit ainsi à la réunion avec le Christ, £7uauvaycL>Y7) ètc’ocùtov. II Thess., ii, 21.

Ici, la doctrine mystique de l’union au Christ, être èv Xp’.OTw, c’est-à-dire le fond même de la doctrine spirituelle de l’Apôtre, est sans aucun doute plus importante que les traits qu’il emprunte à la tradition apocalyptique pour dissiper les craintes de ses lecteurs. Mais, tout d’abord, il rattache son enseignement à celui de Jésus : « Car, nous vous disons, sur la parole du Seigneur, nous, les vivants, laissés jusqu’à l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas les morts. Le Seigneur lui-même, à un signal donné, y.sXsucjia, à la voix d’un archange, au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et ceux qui sont morts dans le Christ, oî vsxpoî èv Xpic-rw, ressusciteront d’abord, 7rpcÔTov. Puis nous, les survivants, ëicsiToc ^pisïç oE ÇgSvtsç, nous serons enlevés avec eux, <xjjt, a oùv ocù-rotç, dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans l’air ; et, ainsi, nous serons toujours avec le Seigneur, 7ràvTOT£ oùv Kupîw. » I Thess., iv, 15-17.

Quelle est cette « parole du Seigneur » sur laquelle l’Apôtre appuie sa doctrine ? Plusieurs exégètes ont pensé à un agraphon. Cf. Dibellius, Frame. En tout cas, il faudrait le limiter au ꝟ. 15, car dès le ꝟ. 16 nous trouvons l’expression èv Xpiaxco qui caractérise le style de saint Paul. D’autres y voient une allusion à l’enseignement évangélique consigné plus tard dans Matth., xxiv, 30-31 ; Marc, xiii, 24 ; xiv, 62 ; Joa., v, 25. Mais il est peu probable qu’il y ait là une allusion à une parole déterminée. C’est plutôt l’appel à une doctrine garantie par l’autorité du Christ, comme dans I Cor., ix, 14, et Rom., xiv, 14 ; cf. I Cor., vii, 10, 25. Saint Paul fait appel au Seigneur, comme à l’auteur de la doctrine qu’il enseigne, quelle que soit la manière dont cette doctrine a été transmise. « A la venue du Seigneur, les survivants n’arriveront point au bonheur avant les morts ; car les morts ressusciteront d’abord, puis tous, morts et vivants, arriveront ensemble à la rencontre du Seigneur pour être avec lui. »

Les termes TTpw-ov, ztzzixol, apia aùv marquent les

précisions que l’Apôtre apporte, au nom du Seigneur, pour dissiper l’anxiété des Thessaloniciens. On ne saurait voir dans l’opposition entre tepcùtov et Itteitoc, deux époques, comme s’il devait s’écouler un temps plus ou moins long entre la résurrection des morts et la venue du Christ glorieux. Il n’y a rien dans saint Paul qui soit en faveur de la conception millénariste d’un royaume temporaire, dans lequel les ressuscites attendraient le retour glorieux du Christ, ou encore jouiraient de sa présence avant le jugement et la fin des choses. Le passage de I Cor., xv, 23-24, nous le verrons plus loin, n’enseigne pas non plus une semblable conception. Les termes Tcpcorov, &m toc, au.a aùv marquent simplement des moments ou des actes différents dans le même événement général.

Quant aux détails de la description, à savoir : « le signal donné », » la voix d’un archange », « le son de la trompette de Dieu », ils sont là pour expliquer la puissance de la volonté divine opérant la résurrection des morts et le salut des vivants. L’élévation dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans l’air, c’est-à* dire probablement une partie déterminée du monde céleste, au-dessous d’un premier ciel (cf. Eph., ii, 2 : « Les puissances de l’air » ; Hénoch slave, iii, 1-2 ; Ascension d’Isaïe, vii, 9-13 ; x, 2), indique le passage à un monde transcendant incorruptible. Cela suppose, chez les « vivants », une transformation qui équivaut à la résurrection ; cf. I Cor., xv, 5 : « Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés. » Voir plus loin la discussion sur ce texte, dans 4° La résurrection, col. 2403. Avec la transformation en « corps spirituel », cf. I Cor., xv, 44, l’essentiel de la récompense pour saint Paul, c’est d’être « toujours avec le Christ ».

L’Apôtre continue son développement sur la parousie en insistant sur la nécessité de s’y préparer, car elle sera « le jour du Seigneur », c’est-à-dire l’époque du jugement, et elle arrivera àl’improviste, comme un voleur pendant la nuit. « Pour ce qui est des temps et des conjonctures, déclare l’Apôtre, vous n’avez pas besoin qu’on vous en écrive. Car vous savez très bien que le jour du Seigneur arrive comme un voleur (qui vient) pendant la nuit. Lorsque les hommes diront : paix et sécurité, c’est alors qu’une ruine soudaine fondra sur eux, comme la douleur sur la femme qui doit enfanter, et ils n’échapperont point. » iv, 1-3.

Dans l’enseignement apostolique, comme dans les traditions du judaïsme, la venue glorieuse du Christ devait marquer le temps du jugement. Ce serait le « jour du Seigneur » la ïjuipa Kupîou des Septante. Dans l’Ancien Testament, " c’était le jour où Jahweh devait exécuter de grands jugements, spécialement celui qui devait précéder l’établissement définitif du règne de Dieu. Dans le Nouveau Testament, le « jour du Seigneur » est celui où le Christ glorieux doit apparaître pour juger les vivants et les morts. Quand cet événement se produira-t-il et dans quelles circonstances ? Ce point entrait dans les préoccupations des Thessaloniciens. L’Apôtre, en disant qu’ils n’ont pas besoin « qu’on leur en écrive », veut-il simplement réprimer une curiosité inutile et même funeste à la vie chrétienne, ou bien leur laisser entendre qu’il n’a pas plus de précisions à leur donner sur ce point que le Christ lui-même n’en avait enseignées ? Matth., xxiv, 36, 43. Il se propose probablement ce double but. En tout cas, l’intention morale est manifeste et elle est dans la même ligne que celle de l’Évangile, Matth., xxiv, 37 sq. Saint Paul a autre chose à faire que de spéculer sur l’époque de cet événement : » ce jour est incertain ; il peut venir d’un moment à l’autre, comme il peut tarder encore longtemps ; cf. Matth., xxiv, 37 ; Luc. xvii, 26. Mais, en tout cas, il ne surprendra point les « fils de la lumière », ceux « qui veilleront », au sens moral, par la foi et la pratique des