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PAUL (SAINT). NATURE DE LA LOI


culpabilité nouvelle car ils sont devenus la violation d’une nouvelle défense. « Les passions des péchés (qui poussent au péché, ), que la Loi excitait, se montraient actives dans nos membres afin de porter du fruit pour la mort », Rom., vii, 5 ; cf. I Cor., xv, 56 : « La puissance du péché, c’est la Loi. »

Avoir multiplié les fautes, avoir été l’auxiliaire de la chair pour porter des fruits de mort : voilà le résultat de la Loi d’après l’Ap ôtre. Ce triste bilan contraste avec celui de la Nouvelle Alliance, dont les ministres sont ministres non « de la lettre qui tue », mais de l’Esprit qui donne la vie ». Le ministère de l’ancienne alliance est un « ministère de mort », un « ministère de condamnation ». II Cor., iii, 5 sq. Aux Israélites, il n’est pas dévoilé que l’ancienne Alliance, et avec elle la Loi, a été abolie « dans le Christ ». Mais, jusqu’à ce jour, toutes les fois que Moïse est lii, « un voile est étendu sur leurs cœurs ». Toutefois, s’ils se convertissent au Seigneur, le voile sera enlevé. « Or, le Seigneur c’est l’esprit, et là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté. » Cf. II Cor., ni, 14-17.

C’est donc parce que Jésus-Christ a apporté la « vie dans l’Esprit » et la liberté, que la Loi se trouve abolie. Elle est devenue un obstacle à la justification, une puissance ennemie contre laquelle il faut lutter. C’est pourquoi saint Paul n’a pas hésité à l’abandonner pour chercher la justification dans le Christ. Gal., ii, 15-16. v

Les Galates, après avoir « commencé par l’Esprit », c’est-à-dire après avoir reçu l’Esprit-Saint au début de leur vie chrétienne, veulent « finir par la chair », en acceptant la Loi comme nécessaire au salut, Gal., m, 3’; l’Apôtre estime que c’est là une conduite insensée. Cf. Rom., vii, 5.

L’impuissance de la Loi est spécialement accentuée dans Gal., ni, 10-13. « En effet, tous ceux qui s’appuient sur les œuvres de la Loi sont sous la malédiction, car il est écrit : « Maudit quiconque n’est pas « constant à observer tout ce qui est écrit dans le livre « de la Loi », ꝟ. 10 ; cf. Deut., xxvii, 26.

En cherchant la justification dans la Loi, on encourt la malédiction au lieu d’avoir part à la bénédiction d’Abraham. Cette malédiction, prononcée par l’Écriture même, ne résulte pas de la pratique de la Loi ; mais elle demeure suspendue comme une menace pour le cas où l’on n’observerait pas toute la Loi ; or, l’expérience de chaque jour montrait qu’il en était ainsi. Cf. Rom., ii, 13 ; iii, 20 ; iv, 15 ; Act., xv, 10. La Loi est donc régime de malédiction et d’impuissance, au lieu d’être régime de grâce et de force morale.

Ce caractère ressort encore plus vivement dans la suite du passage : « Que par la Loi nul ne soit justifié devant Dieu cela est manifeste puisque le juste vivra par la foi. Or, la Loi ne procède pas de la foi, mais [elle dit] : Celui qui accomplira ces commandements vivra par eux. » Gal., ni, 11-12.

La pensée de saint Paul apparaît clairement si nous rapprochons ce passage de Rom., iv, 4 sq. : « A celui qui accomplit une œuvre, spyaÇofjLéva), le salaire est donné non comme une chose gratuite, mais comme une chose due. » En d’autres termes, le caractère de gratuité de la justice est incompatible avec le régime de la Loi qui promet une récompense à titre de salaire. Mais il est beaucoup plus difficile de saisir le fondement scripturaire de cette doctrine dans les deux textes de l’Ancien Testament invoqués par l’Apôtre, le premier tiré d’Habacuc, ii, 4, le second, du Lévitique, xvi ii, 5.

Le texte d’Habacuc, dans l’Ancien Testament, n’oppose point la foi à la Loi. Il montre simplement la valeur de la foi ou fidélité à Dieu. Saint Paul tient avant tout à rattacher sa doctrine à un texte classique de l’Ancien Testament ; mais il ne prétend pas que ce

texte renferme explicitement cette doctrine. Le prophète annonce que la fidélité à Dieu et la confiance dans ses promesses délivreront les Juifs de la captivité de Babylone ; la conduite normale de Dieu est d’accorder la délivrance, le salut à la fidélité, à la foi de l’homme. L’Apôtre y trouve donc légitimement un enseignement sur la justification, qui est la délivrance la plus éclatante dans l’économie religieuse : L’homme est justifié en vertu de son adhésion à l’Évangile, adhésion qui est un acte complexe, analogue à la fidélité et à l’attachement des Israélites exilés, à l’égard de Jahweh et de ses promesses. Cf. Rom., i, 17 ; Heb., x, 38.

Le second texte, celui du Lévitique, est apporté pour prouver la mineure de l’argument, c’est-à-dire que la Loi ne procède pas de la foi mais ne tient compte que des œuvres. En effet, le Lévitique ne dit pas : « Celui qui croira », mais : « Celui qui fera. »

Toutefois, une objection vient naturellement à l’esprit : les justes de l’Ancien Testament, qui aimaient Dieu, ne pouvaient le faire sans pratiquer la Loi. Par suite, la foi et l’fmour commandaient la pratique de la Loi ; et, d’autre part, la Loi même commandait la foi et l’fmour. Comment l’Apôtre peut-il, dans ces conditions, faire contraster deux passages qui paraissent converger au même but ?

Notons d’abord que le Lévitique parle de tous les préceptes en général, et c’est bien ainsi que l’entend saint Paul, car il vise la Loi dans son ensemble. C’est ainsi également que l’avait entendu Ézéchiel, xx, 10-11 ; cette formule s’appliquait, dans sa pensée, à toutes les lois que Dieu avait données aux Juifs : « Je les fis sortir du pays d’Egypte et les conduisis au désert. Je leur donnai mes préceptes et leur fis connaître mes ordonnances, par lesquelles l’homme qui les pratique aura la vie. » Ez., xx, 10-11. On ne saurait donc résoudre la difficulté en restreignant le texte du Lévitique aux seuls préceptes cérémoniels. On a essayé également de distinguer une double signification dans l’expression « avoir la vie ». La vie promise dans le texte du Lévitique, xviii, 5, ne serait point la même que celle qui est attachée à la foi dans Habacuc, ii, 4. La vie garantie par la Loi ne serait qu’une longue existence terrestre, ou encore l’exemption de la peine de mort portée contre les violateurs de la Loi. Cette manière de voir est adoptée, avec des nuances, par un certain nombre d’anciens commentateurs, tels que l’Ambrosiaster, saint Jérôme, saint Thomas, Cajétan, Salmeron, Corneille de Lapierre. Saint Augustin l’admet également dans son commentaire, Expositio epist. ad Gal., h. L, P. L., t. xxxv, col. 2119 ; mais, ailleurs, il se rallie à l’opinion qui est celle de saint Jean Chrysostome, comme on le verra bientôt.

On ne peut nier que le but immédiat de la Loi, qui était un « code » pour un peuple, pour une nation, ne fût de procurer le bonheur de ce peuple comme tel, c’est-à-dire en cette vie. Cependant saint Jean Chrysostome, saint Augustin, Contra duas epist. Pelag., IV, v, 10, P. L., t. xliv, col. 616, in fine, Estius et d’autres sont d’avis que les deux textes cités par l’Apôtre concernent la même vie, c’est-à-dire la vie éternelle ; mais que l’observation des commandements ne tire point d’elle même sa valeur salutaire, elle la puise dans la foi à laquelle elle s’ajoute.

En fait, en citant ces textes, l’Apôtre n’oppose pas précisément deux « vies », l’une obtenue par la foi, et l’autre par la pratique de la Loi. Il fait seulement contraster deux principes ou deux régimes, l’un fondé sur l’adhésion confiante aux promesses divines, l’autre à base d’observance rigoureuse des prescriptions légales. Que ces deux éhments fussent mêlés dans l’économie religieuse des Hébreux à partir de