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    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). LA LOI ET L’EVANGIU.

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pas détruire la Loi, mais « l’accomplir », n~Ar)ç>Cooou, c’est-à-dire la rendre parfaite, ou lui faire donner tous ses fruits en lui faisaint atteindre sa tin ; Matth., v, 17-18 ; Luc, xvi, 17 ; cf. Rom., x, 4, tsXoç yàp ioxou Xpia-ôç. Parler de la supprimer eût paru un blasphème ; mais, en réalité, Jésus prépare sa suppression non seulement en lui faisant atteindre sa liii, mais en la transformant, en lui donnant un esprit nouveau : il remplace la lettre par l’intention et par la valeur morale du précepte.

Pour le Juif, la Loi, prise dans la matérialité de sa lettre, était comme un bien de famille inaliénable : « Si nous sommes privés de nos biens, de nos villes ou de nos autres avantages, il nous reste notre Loi immortelle », s’écrie Flavius Josèphe, Contr. Apion., n, 38, éd. Naber, t. vi, p. 287. Après la ruine de Jérusalem, l’auteur de l’Apocalypse de Baruch dira : i Nous n’avons plus rien si ce n’est le Très-Haut et sa (Loi. » Apoc. de Baruch, lxxxv, 3.

En fait, la Loi était, pour le Juif, non seulement la règle de toute la vie, mais le gage du salut dans le’monde à venir. Cf. Ps. xix, 8 ; IV Esdr., vii, 129 (dans le texte latin : v. 57-59) ; ix, 31 ; xiv, 22. La Loi devait être, pour le Juif, à la fois un remède au filial physique et au mal moral, c’est-à-dire au péché. Elle devait garantir, par son observation, l’accomplissement des promesses faites dans l’Ancien Testament et, par suite, mettre l’Israélite fidèle en possession des biens messianiques dans le royaume de Dieu futur. Rabbi Gamaliel III (vers 250, fils de rabbi Juda le Prince) disait : « Il est avantageux de joindre l’étude de la Thora aux occupations du siècle, car la peine que l’on prend en ces deux choses etïace les péchés. » Pirkê Abboth (principal traité de la Mischna), ii, 2, éd. Beer-Holtzmann, p. 38-39.

Le livre de l’Ecclésiastique, en identifiant la Loi avec la sagesse divine, semblait en faire une hypostase. Eccli., xxiv, 8. La Loi apparaissait ainsi à cette époque comme l’expression la plus parfaite de la « sagesse », de la « parole » divine. Par ailleurs, le livre de la Sagesse présentait la « sagesse » comme « une pure émanation de la gloire de Dieu tout-puissant ». Sap., vii, 25-26. Aux yeux des Juifs, cette sagesse était la Loi elle-même ; en la recevant, Moïse avait vu un reflet de la « gloire » de Jalvweh. Ex., xxxiii, 18-23 ; xxxiv, 1 sq. On comprend pourquoi les Juifs regardaient la Loi comme éternelle et divine. Les textes dans ce sens abondent dans les écrits du judaïsme : « Celui qui affirme que la Loi n’est pas venue du ciel, celui-là n’aura point de part au monde à venir. » Sanhédrin, x, 1. « Celui qui dit que Moïse a écrit un seul verset en le tirant de son propre fond, celui-là est un menteur et un contempteur de la parole de Dieu. » Ibid. « Que l’étude de la Loi soit la règle de ta vie. » Schammaï, dans le Pirkê Abboth, I, 15, p. 28-29. Celui qui a acquis les paroles de la Thora, a acquis la vie du monde à venir. » Hillel, dans Pirkê Abboth, n, t7, éd. Béer, p. 46-47. On trouvera de nombreuses châtions rabbiniques sur la valeur et la durée de la Loi dans L. Strack et P. Billerbeck, Das Evangelium nach Matthàus erldutert aus Talmud und Midrasch, Munich. 1922, p. 244 sq.

Ceui qui ne connaissait pas la Loi était même regardé comme maudit ; le quatrième évangile y fait allusion : « Cette populace qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits. » Joa., vii, 49. Aussi, les écoles élémentaires pour les enfants, les synagogues et les écoles de scribes avaient pour but principal d’assurer l’étude et la pratique de la Loi. Le psaume i, qui est un hymne à la Loi, résume le programme religieux du pieux Israélite : Bealus vir, qui non abiit in consilio impiorum, …sed in lege Domini voluntas ejus, et in lege ejus meditabitur die ac nocte. Ps. i, 1-2.

En parlant de la Loi, nous distinguons, d’un côté, l’obligation morale, c’est-à-dire le point de vue de la conscience lié à l’intention, et, de l’autre côté, l’élément rituel ou formel. Les prophètes les plus anciens avaient accentué le premier, en montrant qu’il était indispensable pour plaire à Dieu ; le service de Dieu était avant tout, à leurs yeux, atîaire de disposition morale et d’intention. Mais, après l’exil — Ezéchiel, au temps de l’exil, marque l’époque oùadéjàcommencé la transformation — le point de vue cérémonie ! ou légal occupa davantage les esprits. On en vint peu à peu à confondre la valeur morale de l’acte avec sa « sainteté » légale. De là, à ne plus viser qu’à l’observation matérielle de la Loi et des traditions, il n’j avait qu’un pas. Il fut vite franchi, et le point de ue moral se trouva fondu, pour ainsi dire, dans le point de vue légal, et absorbé en lui.

En fait, au I er siècle, le « système légal » distinguait le Juif et le séparait du païen. En observant la Loi à la lettre, l’Israélite faisait « la volonté de Dieu : il n’était donc point « pécheur » comme les autres hommes. Le païen, n’ayant point la Loi, ne pouvait faire la volonté de Dieu ; il était donc nécessairement pécheur aux yeux des Juifs.

Dans cette conception de la religion, les rapports de l’homme avec Dieu étaient réglés en vertu d’un contrat : ils étaient ceux d’un débiteur avec son créancier. Trop souvent, on croyait à la valeur d’un acte indépendamment des dispositions du cœur. Cf. Marc, vii, 1-13 et parallèles : le serment du Qorban. Voir aussi les reproches de Jésus aux pharisiens, Matth., xxiii, 23 sq. ; Luc, xi, 39 sq. Saint Paul dira des Juifs : « Ils ont du zèle pour Dieu, mais non selon la connaissance (ils ont un zèle mal éclairé). » Rom., x, 2. La vie des pharisiens était réglée jusque dans les moindres détails par la Loi et surtout par ses comnien t aires.

Au formalisme de la Loi, s’ajoutait le fanatisme national : pratiquer la Loi et haïr l’étranger, c’est-à-dire le pécheur, résumait les sentiments du Juif religieux, en Palestine, au I er siècle. La Loi était, en effet, regardée comme un patrimoine national. Elle garantissait l’accomplissement des promesses faites à Israël, promesses comprenant le salut de la nation, aussi bien que la vie dans le monde futur. Ainsi, dans l’esprit du Juif, l’intérêt de la nation était lié à la pratique de la Loi. Il fallait donc tout soulïrir plutôt que de la violer ou de l’abandonner. Cf. Flavius Josèphe, Cont. Apion., ii, 38 ; i, 8 ; i, 21, éd. Naber, t. vi. p. 287, 194, 213.

Toutefois, l’idée de pureté d’intention, de conscience morale n’avait point disparu. Une parole remarquable de Simon le Juste (antérieur à J.-C cf. Flav. Josèphe, Ant., XII, ii, 5, et iv, 10), rapportée par Antigone de Socco dans le Pirkê Abboth, en est la preuve : « II" 1 (Simon le Juste) avait coutume de dire : Ne soyez point comme des serviteurs qui servent leur maître dans le but de recevoir une récompense ; mais sovev comme des serviteurs qui servent leur maître d’une manière désintéressée ; et que la crainte du ciel soil sur vous. » Pirkê Abboth., éd. Reer, p. 7-9. Ce n’élail point là un cas isolé, il devait y en avoir bien d’autres. Mais, dans l’ensemble, les pharisiens étaient avant tout des serviteurs formalistes et intéressés. Quiconque observait la lettre de la Loi était à leurs yeux assuré de la récompense : « Ta récompense sera proportionnée à ton travail. » Pirkê Abboth, v, 26, parole de Ben-Hé-Hé, pseudonyme ou initiales ; la parole est conservée en araméen et doit venir de Hillel. Cf. édit. Béer, p. 156-157. Voir une formule analogue, mais ayant un sens tout différent, dans I Cor., iii, 8.

Ainsi toute pratique religieuse et morale était conditionnée par ta lettre de la Loi : l’idée d’obligation en