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PAUL (SAINT). LA FORMATION CHRÉTIENNE


II Cor., xii, 4 ; « une révélation » le détermina à monter à Jérusalem pour y exposer son évangile. Gal., ii, 2. Au cours de la deuxième mission à Troas, il eut une vision qui le détermina à passer en Macédoine, Act., xvi, 10 ; il en eut une autre à Corinthe, où le Seigneur lui dit : « Sois sans crainte, mais parle, et ne te tais point. Car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal ; car j’ai un peuple nombreux dans cette ville. » Act., xviii, 9-10. A la fin de la troisième mission, l’Esprit-Saint l’assure que des chaînes et des persécutions l’attendent. Act., xx, 23 ; cf. xxi, 4. Enfin, pendant sa captivité à Césarée, le Seigneur lui apparaît et lui dit : « Courage ! de même que tu as rendu témoignage de moi à Jérusalem, il faut aussi que tu me rendes témoignage à Rome. » Act., xxiii, 11.

Ainsi, l’Apôtre avait conscience, non seulement d’avoir reçu de Dieu son évangile ou sa doctrine, mais d’être éclairé et guidé par lui dans son apostolat, d’accomplir son œuvre sous l’action de l’Esprit-Saint (cf. Act., xiii, 9), de recevoir d’en haut les révélations et les impulsions divines qui seules faisaient sa force et son succès.

Voir bibliographie à la fin de la section iii, col. 2364.

III. De la conversion au concile de Jérusalem. La catéchèse. 1° Expérience et réflexion.

2° Contact avec les milieux chrétiens après la conversion. 3° Première mission : la catéchèse.

1° Expérience et réflexion. - Dès sa conversion saint Paul possède les éléments essentiels de sa doctrine. A Damas, il se met « aussitôt à prêcher dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu », à démontrer aux Juifs « qu’il est le Christ ». Act., ix, 20, 22. Il parle « avec assurance au nom du Christ », « au nom du Seigneur ». Act., ix, 26-28. Dès le commencement de son apostolat, le Christ est l’objet essentiel de sa prédication : Jésus est Fils de Dieu, Messie glorieux ; c’est en son nom, par son autorité qu’il faut prêcher l’Évangile. L’Apôtre s’applique moins à exposer l’œuvre de Jésus pendant sa vie mortelle, qu’à le présenter comme ressuscité, comme le Seigneur glorieux exerçant son action sur les fidèles et sur l’Église. Toutefois, il importe de le remarquer, saint Paul n’oppose jamais le Christ glorieux au Christ historique. Le texte qu’on invoque souvent pour soutenir cette thèse, II Cor., v, 16, n’a point la portée qu’on veut lui donner. D’après ce passage, le Christ est mort « pour tous ». puis il est ressuscité pour eux et devenu principe de vie, non selon la chair, mais selon l’Esprit. Ou on peut l’entendre encore : la notion que saint Paul avait du Christ avant sa conversion, notion charnelle. s’est évanouie avec les préjugés du pharisaïsme pour faire place à une notion qui n’est point selon la chair ; cf. Gal., i, 13 ; I Tim., i, 13. En tout cas, saint Paul reconnaît non seulement la réalité, mais l’efficacité de la vie et de la mort de Jésus dans l’ordre du salut ; seulement la personne du Christ est désormais pour lui une réalité d’ordre spirituel et transcendant.

Entre le ꝟ. 20 et le ꝟ. 22 du c. ix des Actes, il y a une nuance significative qui marque probablement un changement de situation. Au ꝟ. 20, les premières déclarations de l’Apôtre excitent surtout la surprise, tandis qu’au ꝟ. 22 il est plein de courage « et confond victorieusement les Juifs de Damas, leur démontrant que Jésus est le Christ ». Dans le premier cas, il s’agit vraisemblablement d’un simple exposé ; dans le second, on a l’impression d’une argumentation en règle avec toute les ressources tirées de l’Écriture et de la dialectique. C’est entre ces deux versets qu’on place vraisemblablement le séjour en Arabie mentionné Gal., i, 17. Après ce séjour dans la solitude, l’Apôtre revenu à Damas, y parle avec plus de maîtrise et de

maturité, et il y accomplit un ministère assez prolongé, ꝟ. 23, yjiJ.Ép’X !. ixoevai.

Que fit saint Paul en Arabie ? Nous n’avons aucun renseignement explicite sur ce point ; l’Apôtre mentionne le séjour uniquement pour marquer l’indépendance de sa mission. Mais il dut se préparer par la réflexion et la prière à remplir sa mission d’apôtre ; il dut recevoir du Seigneur une connaissance plus profonde de l’Évangile ; cf. Gal., i, 12 ; Eph., ni, 3. L’interprétation probable que nous avons donnée de Act., ix, 20, 22, fournit un point d’appui à cette hypothèse, proposée par Knabenbauer, In Act., p. 170, et Cornely, In Gal., p. 408. On peut se le figurer se livrant au travail de la réflexion sous l’influence de l’Esprit-Saint, pénétrant le sens de l’Ancien Testament, y découvrant, à rencontre de l’exégèse judaïque, le plan divin de salut par la foi en dehors de la Loi, esquissant dès ce moment une histoire religieuse de l’humanité d’accord avec le fait de l’Évangile ou le salut chrétien.

Mais il semble que la question soit plus large. Le travail de la réflexion chez l’Apôtre ne saurait se limiter à un moment de sa vie. Ayant le sentiment de la réalité, marque des intelligences fortes et des hommes d’action, il a développé et adapté en quelque sorte aux divers milieux, au cours de son apostolat, les principes chrétiens déposés en lui par ses premières révélations. On s’en convaincra facilement en examinant les motifs qui l’ont poussé à écrire ses épîtres, et en ont déterminé le caractère et le contenu. A chaque catégorie de lecteurs, il parle le langage qui convient, il expose les doctrines exigées par leur situation et leurs besoins religieux. Par exemple, il réconforte les Thessaloniciens, non seulement en leur rappelant les principes fondamentaux de l’Évangile sur le salut chrétien, mais en s’appuyant parfois sur des traditions de l’apocalyptique juive. Il adresse aux Galates une apologie indignée de son ministère et de son évangile. Il envoie à l’Église de Corinthe les réponses à de multiples questions de foi, de morale et de discipline, en y mettant les nuances doctrinales exigées par chaque cas. Aux Romains, il expose la doctrine du « salut par l’Évangile » en apportant des arguments suggérés par sa connaissance du monde juif et du monde païen. Aux Colossiens, il prouve la dignité divine du Christ et son empire souverain, compromis dans l’esprit de certains fidèles par des spéculations sur les « puissances ». Dans l’épître aux Éphésiens, il fait une synthèse du plan divin de salut et expose les devoirs de vie spirituelle qui en découlent. A Timothée et à Tite, il donne des instructions pour l’organisation et le gouvernement des Églises dont ils ont la charge. Tour à tour missionnaire, apologiste, moraliste, théologien, philosophe, il ne perd jamais de vue la réalité, il vise toujours à l’action religieuse, et cette action conditionne en grande partie ses développements théologiques. Aucune de ses lettres n’est un traité abstrait, toutes sont des moyens d’apostolat destinés à réaliser la vie religieuse. C’est donc l’histoire qui expliquera non l’origine, mais la variété et les nuances des doctrines exposées dans les épîtres. D’ailleurs, il n’est pas possible de préciser, dans ces développements doctrinaux, ce que l’Apôtre doit à des révélations directes ou au travail de la réflexion. Il suffit au théologien de savoir que les épîtres sont inspirées — ce qui ne veut point dire « révélées » dans tout leur contenu — et qu’elles renferment l’enseignement authentique de l’Esprit-Saint.

2° Contact avec les milieux chrétiens après la conversion. — A lire certains passages des épîtres, on serait tenté de conclure que saint Paul ne doit rien ou presque I rien à la tradition chrétienne primitive : « L’Évangile que j’ai prêché n’est pas de l’homme ; je ne l’ai ni