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PAUL (SAINT). AUTRES RÉVÉLATIONS


même. Ainsi les côtés positif et négatif de sa doctrine lui sont déjà acquis dès le premier moment de sa vie d’apôtre. Il est en possession de son « évangile » et il pourra dire en toute vérité que cet évangile « n’est pas d’un homme », qu’il ne l’a « ni reçu, ni appris », mais qu’il le tient « d’une révélation de Jésus-Christ ». Gal., i, 12. Il n’aura plus qu’à en faire l’exposé ou, pour ainsi dire, la théorie, au fur et à mesure que les circonstances l’exigeront. Ces développements se rattacheront à divers moments de son apostolat : le rôle de la Loi sera exposé à l’occasion de la crise galate ; la doctrine de la justification et du salut de l’homme formera la partie essentielle de l’épître aux Romains ; les développements de la christologie trouveront place dans les épîtres de la première captivité.

Les historiens qui se réclament de la méthode dite de l’histoire des religions, c’est-à-dire de l’évolutionnisme rigide appliqué à l’origine et au développement du christianisme, cherchent dans les mythes païens l’origine de la foi de saint Paul au Fils de Dieu, mort et ressuscité pour le salut de tous les hommes. Voir E. Jacquier, Les mystères païens et suint Paul, dans le Dictionnaire apologétique, t. iii, col. 96& ; A. Schweitzer, Geschichte der paulinischen Forschung ; C. Clemen, Der Einfluss der Mysterienreligionen auf das atteste C.hristentum ; Burton Scott Easton, The pauline Theology and Hellenism, dans Americ. journ. of theology, t. xxi, p. 358 ; Bartmann, Paulus. Die Grundzùge seiner Lehre und die moderne Religionsgeschichte ; Mangenot, La doctrine de saint Paul et les mystères païens, dans la Revue du clergé français, t. lxxxiv, 1913, p. 1-32, 257-289 ; Lagrange, Le sens du christianisme, p. 269 ; L’école du syncrétisme judéo-païen ; L’épître aux Romains, éd. 1916, p. 17 ; A. Wikenhauser, Die Christusmystik, p. 92 sq. v

S’il y a entre les dieux souffrants, morts et ressuscites du paganisme, et Jésus-Christ mort et ressuscité pour sauver les hommes, certaines analogies, elles sont beaucoup trop vagues et lointaines, pour que l’on puisse songer à une dépendance, soit par emprunt direct, soit même par réaction de la part de saint Paul. Attis, Osiris et les autres personnages mythologiques mis en avant ne sont pas, au temps de saint Paul, des dieux morts et ressuscites. En outre, comme l’ont fait remarquer Sehweitzer, Jacquier et Lagrange, le syncrétisme que l’on rapproche du christianisme est une construction artificielle faite d’éléments empruntés à diverses religions, mais qui n’a jamais existé telle quelle au I er siècle ; la thèse syncrétiste s’appuie sur un anachronisme.

En outre, les souffrances des dieux païens, et c’est le point essentiel, ne sont point supportées en vue du salut des hommes, ni regardées comme utiles pour ce salut. Bien plus, la notion même de salut diffère essentiellement chez saint Paul et dans les religions païennes. Le mot oco TY)pîa, au sens eschatologique, ne se rencontre que dans la littérature hermétique, tout au plus au ne siècle après Jésus-Christ. Dans les hymnes orphiques, le sens des mots « sauveur », « sauver », est très vague, et cette littérature ne date point d’avant l’ère chrétienne. Dans les mystères païens, le salut consiste à échapper aux périls de l’enfer, c’est-à-dire aux embûches des esprits infernaux, non à recevoir le pardon et à être délivré du péché avec ses suites. Chez les païens, on cherche à se rendre favorable la divinité pour traverser sain et sauf les périls qui attendent l’âme après la mort ; tandis que, chez saint Paul, on se libère du péché, et on évite ainsi la condamnation, la perle, la mort. La doctrine de l’Apôtre a une portée morale qui ne se rencontre pas chez les auteurs païens et qui vient en partie de l’Ancien Testament.

D’autre part, l’idée mystique de participation à la vie d’un Dieu sauveur n’est pas un emprunt aux

cultes d’Adonis et de Mithra ; car la ressemblance ne s’étend ni à la conception du salut, ni à son mode de réalisation. Le point essentiel de la doctrine paulinienne, c’est-à-dire la foi en Jésus crucifié, Fils de Dieu, envoyé par son Père pour sauver l’humanité par sa mort rédemptrice, est une conception étrangère au paganisme.

S’il fallait rechercher les antécédents des doctrines pauliniennes, on trouverait déjà la notion de Fils de Dieu dans l’Ancien Testament. Le Messie avait été proclamé par Dieu « son Fils », engendré par lui ; Ps. ii, 4, 7-8 ; cf. Ps. ex. Puis, Jésus lui-même s’était révélé Fils de Dieu Matth., xi, 25-30 = Luc, x, 21-24. Ce passage des synoptiques sur les rapports entre le Père et le Fils suppose une tradition riche en enseignements christologiques. Ces enseignements devaient fournir le thème du IVe évangile, cf. Joa., xx, 30-31 ; Joa., x, 34, où la notion de Fils propre de Dieu est rattachée à l’Ancien Testament. Ps. lxxxii (héb.), 6-7. Ainsi, Jésus-Christ réalisait aux yeux des chrétiens les prophéties de l’Ancien Testament. La notion de Fils de Dieu est insinuée dans les discours de saint Pierre, Art., n ; cf. Matth., xvi, 16-17 ; xxii, 41-46, et parallèles ; xxvi, 63-64, et parallèles. Saint Paul la mettra plus en relief dans sa catéchèse. Nous sommes ici sur un terrain plus solide qu’en cherchant dans certains rites d’initiation l’origine de cette notion.

L’idée de la mort salvifique du Christ pouvait avoir son origine dans la doctrine juive de l’expiation. Puis, cette mort avait été prédite dans Isaïe, lii-liii, prophétie exposée dans l’enseignement des premiers apôtres ; cf. I Petr., ii, 21-25. Surtout, Jésus avait attaché à sa mort cette signification, qui fut dès le commencement un article de la foi chrétienne. Cf. Marc, x, 45 (Matth., xx, 28) ; Marc, xiv, 24 (Matth., xxvi, 28). Saint Paul, déjà avant sa conversion, avait pu avoir quelque connaissance de cette doctrine, tout en la repoussant comme blasphématoire, injurieuse à l’égard de Dieu et du Messie. La révélation sur le chemin de Damas la lui fit accepter comme vraie, en lui faisant connaître d’une manière expérimentale le Christ et son œuvre de salut. Plus tard, ses relations avec les chrétiens et de nouvelles révélations lui en feront comprendre toute la portée. Il la rattachera alors à l’Ancien Testament, comme avaient fait les premiers apôtres. I Cor., xv, 3 ; Luc, xxiv, 25-27 ; 1 Petr., ii, 21-25.

Les autres révélations.

Les révélations del’Apôtre

ne se bornent pas à celle du Fils de Dieu avec ses conséquences. Il déclare, II Cor., iv, 6 : « Il (Dieu) a fait luire sa clarté dans nos cœurs, pour que nous fassions briller la connaissance de la gloire de Dieu, dans la face (ou : la personne) du Christ » ; et I Cor., n, 10 sq. : « C’est à nous que Dieu a révélé ces choses (la sagesse chrétienne, l’évangile du Christ) par son Esprit. » Ces deux textes visent la prédication chrétienne ; les vérités enseignées par saint Paul et les autres prédicateurs ne sont point une sagesse humaine, elles viennent de Dieu qui les a révélées par l’Esprit-Saint. D’ailleurs, Jésus avait promis à l’apôtre d’autres révélations, Art., xxvi, 16 : « Je te suis apparu pour te constituer ministre et témoin des choses que tu as vues et de celles pour lesquelles je l apparaîtrai encore ; » cf. Art., ix, 15 sq., et xxii, 15. L’Apôtre fait sans doute allusion aux paroles que Jésus lui fit dire par l’intermédiaire d Ananic, cf. Knabenbauer, Actus aposlolorum, p. 417 : mais il a aussi conscience d’avoir reçu du Christ ou de l’Esprit d’autres révélations. Au Temple de Jérusalem, Ait.. xxii, 18, il fut « ravi en esprit et vit le Seigneur » ; au commencement de sa première mission, il fut « ravi dans le paradis et entendit des paroles ineffables qu’il n’est pas permis à un homme de révéler »,