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    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). INFLUENCE DE LA PENSÉE GRECQUE

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Entin. trouve-t-on chez saint Paul, à côté des passages tirés de l’Ancien Testament, des éléments provenant des midraschim ou commentaires juifs ? La question, semble-t-il, doit être posée d’une façon plus large. Les idées et les traditions du judaïsme, en dehors de la Bible, ont-elles fourni à saint Paul des éléments se retrouvant dans ses épîtres, et présentés dans un but d’édification ? L’examen des textes nous permet seul de répondre. En exposant la théologie de saint Paul, nous ferons les rapprochements qui s’imposent. Il convient toutefois de mentionner ici quelques détails des épîtres offrant beaucoup d’analogies avec des traditions juives : a) La Loi promulguée par les anges. Gal., iii, 19 ; cf. Flavius Josèphe, Antiq., XV, v, 3 ; Philon. De Simm., i, 143 ; Jubilés, i, 27 : Act., vii, 53 ; Heb., ii, 2. — fr)Le « médiateur » entre Dieu et les hommes, Gal., iii, 19 ; cf. Philon, VitaMosis, ni, 159-166 ; cf. Heb., viii, 6 ; ix, 15 ; xii, 24. — c) Le rocher qui accompagnait les Hébreux dans le désert, I Cor., x, 4. Cf. Taryum d’Onkelos, In Num., xxi, 18 sq. ; Bammidbar Rabba, i, fol. 182ft ; article Rock dans le Dictionary of the Bible d’Hastings. D’après plusieurs interprètes, saint Paul ferait allusion à la légende rabbinique du rocher qui accompagnait les Hébreux pour leur fournir l’eau potable. Mais, en tout cas, si allusion il y a, l’Apôtre en spiritualise les données en montrant que le « véritable rocher était le Christ ». Cf. I Petr., iii, 20-21. — d) Ismaël persécutant Isaac, Gal., iv, 29 ; cf. Gen., xxi, 9 sq. La Genèse ne dit pas qu’Ismaël ait persécuté Isaac ; on trouve cette tradition dans Bereschith Rabba, lui, 15. — e) Les noms des magiciens d’Egypte, Jannès et Jambrès (ou Mambrès), II Tim., iii, 8 sq. Sur ce point, Origène se réfère à une tradition ou même peut-être à un apocryphe juif, In Matth., P. G., t. xiii, col. 1637 ; voir éd. Lommatzch, t. v, p. 29 ; Schùrer, Geschichte des Jùdischen Volkes, t. iii, p. 403-405. La tradition rabbinique est consignée dans le Targum de Jonathan, In Exod., vii, 11.

En toute hypothèse, ces allusions à des données extra-bibliques n’ont, aux yeux de l’Apôtre, que la valeur d’arguments ad hominem. Si saint Paul est parfois tributaire du rabbinisme pour sa méthode d’exégèse et la forme de son exhortation, il ne l’est point pour les idées essentielles de sa théologie. Sur ce point, il est aux antipodes du principe juif qui était « le salut par la Loi ». Il a sa doctrine propre du « salut par la foi dans le Christ » et, par suite, sa manière propre d’entendre l’Écriture. Pour lui, l’Ancien Testament a préparé le Christ. Il interprète donc l’Écriture à la lumière de son Évangile, évangile qu’il n’a point appris des hommes, mais qu’il doit à la révélation divine ; cf. Gal., i, 11-12 rapproché de Dent., xviii, 22 ; Rom., xi, 25 ; xvi, 25 ; I Cor., ii, 7 ; xv, 51 ; II Cor., v, 16 ; Eph., i, 9 ; iii, 3-4, 9 ; Col., i, 26 ; ii, 2 ; iv, 3. Sa manière d’entendre le plan divin dans l’Ancien Testament, d’y découvrir les preuves de sa thèse sur le salut est neuve et originale ; elle fixe la direction et les grandes lignes de l’interprétation chrétienne pour l’avenir. Sur ce point, l’épître aux Galates et l’épître aux Romains sont deux documents de la plus haute importance.

4° Influence de la pensée hellénique et du monde païen. — La pensée hellénique et le monde païen ont marqué, à des titres divers, la pensée de saint Paul.

1. La pensée hellénique.

7 L’influence grecque se reconnaît dans son style et aussi dans sa dialectique. Sa manière de traiter les sujets, surtout dans l’épître aux Romains, rappelle la méthode de la diatribe stoïcienne. Cette méthode, en usage dans l’enseignement de la philosophie morale, tenait le milieu entre le dialogue et le traité. Cependant, la ressemblance n’est pas aussi frappante que plusieurs le croient. Voir

Bultmann, Der Stil der paulinischen Predigt und die kynisch-stoische Diatribe ; Lagrange, Hpitre aux Romains, introduction, p. lui sq. ; Wendland, Die hellenistiseh-rômische Kultur, p. 75 sq. ; Xorden, Die antijce Kunstprosa, t. 1, p. 129.

Les écrits de Sénèque (né l’an 3 ou 1 de l’ère chrétienne ) contiennent un certain nombre de passages offrant des analogies, au moins verbales, avec les épîtres de saint Paul, comme aussi avec les évangiles et d’autres livres du Nouveau Testament. Faut-il conclure à une dépendance ? D’abord, Sénèque, mort sous Néron, n’a pu avoir connaissance des écrits johanniques ni de l’épître aux Hébreux, et la dépendance, si dépendance il y a, serait donc plutôt du côté du Nouveau Testament. Mais, en ce qui concerne saint Paul, les passages invoqués sont souvent des expressions qui se trouvent déjà chez des écrivains antérieurs et surtout, la ressemblance est plutôt dans les mots que dans les idées. Le panthéisme matérialiste et l’absence d’une conception morale du péché placent les écrits de Sénèque et, en général, les doctrines stoïciennes trop au-dessous du christianisme, pour que l’on puisse parler d’emprunts ou d’influences directes. Les coïncidences verbales entre les écrits de saint Paul et ceux de Sénèque sont dues probablement à l’influence des milieux fréquentés à Tarse par l’Apôtre, une fois son éducation terminée à Jérusalem. Il dut connaître les mélhodes de l’enseignement philosophique et retenir un certain nombre d’expressions courantes, par exemple la phrase èyù> 8è /^Siara SaTravy ; aco xatèy.SaTravïjOrorjij.au II Cor., xii, 15. Cf. Robertson and Plummer. I C.orinthians, p. 84, 156, 167, 178, 195, 277, 377 ; Plummer, // Corinthians, p. 104, 106, 126, 139. 152. 153, 209, 259. Voir bibliographie à la fin de la section v. Mais il leur donne une signification beaucoup plus élevée, conforme à ses idées religieuses, qu’il tenait pour la plupart de l’Ancien Testament, de la tradition chrétienne et de ses révélations personnelles. Il serait facile de montrer que les idées essentielles du christianisme, chez saint Paul, sont inconciliables avec les doctrines stoïciennes. En effet, la conception de la divinité chez les stoïciens excluait celle de paternité divine en même temps que celle de providence et d’amour divin à l’égard des créatures ; il n’y avait aucune place chez eux pour l’idée de salut et de sauveur. Leur doctrine sur la vie future était assez incertaine ; dans cette survivance, l’àme ne pouvait être que soumise à des changements et à des vicissitudes sans fin, guère plus enviables que les expériences de la vie présente. Si saint Paul emprunte des formules à cette philosophie, c’est donc un pur moyen d’expression pour traduire des idées différentes. On reconnaît l’influence de la philosophie stoïcienne principalement dans le discours à l’Aréopage, Act., xvii. Or, on voit clairement qu’il y a là un procédé oratoire plutôt qu’un emprunt doctrinal. Dans la première partie de son discours, ꝟ. 22-25, l’Apôtre enseigne l’existence d’un Dieu non seulement créateur de toutes choses, mais distinct des créatures et transcendant ; dans la seconde partie, ꝟ. 2629, en exposant les rapports entre Dieu et l’homme, il montre l’action de la Providence dans l’histoire et il arrive au salut par le Christ, ꝟ. 30-31. Avec une doctrine religieuse si nettement exprimée, il serait puéril de voir dans le v. 28 une doctrine panthéiste, lui citant Cléanthe et Aratus, l’Apôtre use d’un procédé littéraire courant, mais sans compromettre l’intégrité de sa doctrine, et sans faire une concession qui aurait été dans le cas présent de fort mauvais aloi. Sur saint Paul et le stoïcisme, voir J.-B. Lightfoot, J’hilippians. p. 278 sq. : S. Paul and Seneca ; W.-L. Davidson, The stoic Creed ; Norden, Agnostos Theos ; Rose, Les Actes des apôtres, p. 181 ; Jacquier, Les Actes