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    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). LE ZELATEUR DE LA LOI

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llexion. Mais, d’après le livre des Actes et les épîtres, le pharisien rigide ne perdit rien de son fanatisme. Lorsqu’il revint à Jérusalem, la culture grecque n’avait point atténué son attachement à la Loi, ni fait naître en lui une sorte de libéralisme religieux. Rien ne dénote chez lui un penchant à accepter une sorte de syncrétisme ou mélange de croyances et de pratiques empruntées à divers cultes.

Toutefois, au contact des milieux intellectuels de sa ville natale, son esprit s’ouvrit aux curiosités religieuses et philosophiques. Il acquit, par ses relations et par l’observation, la connaissance du monde grec. Le sens moral ne fut pas étouffé chez lui par une casuistique puérile. Très attaché à la Loi, il était déjà à même d’en comprendre l’esprit et la lettre, de distinguer entre la religion spirituelle et le légalisme étroit. Sa culture hellénique en faisait dès ce moment, à son insu, un instrument apte à présenter le christianisme au monde grec. Lorsque nous le retrouvons à Jérusalem, Act., vii, 58, 60, il est adjoint au groupe d’ « hellénistes ». A cause de son zèle, de son tempe-. rament ardent et de ses brillantes qualités d’esprit, il est choisi par les autorités juives de la capitale pour porter un grand coup aux chrétiens.

Le tableau ci-dessus, représentant l’éducation de saint Paul et son rôle de persécuteur, est tracé à l’aide des renseignements fournis par les Actes et les épîtres. Quelle en est la valeur historique ? Beaucoup d’historiens à tendance radicale contestent la valeur de ces renseignements. Ils refusent aux passages des Actes toute portée historique, et ils prétendent que les affirmations de l’Apôtre, dans ses épîtres, ne sont pas à prendre à la lettre. Paul, disent-ils, se défend d’être juif helléniste ; c’est donc précisément le grief que lui faisaient les judéo-chrétiens de Palestine, et sur ce point ils avaient raison contre lui. Pour se défendre, saint Paul est donc obligé de se présenter comme un pharisien zélateur fervent de la Loi ; mais, en réalité, il n’aurait été qu’un helléniste très libéral, déjà acquis à l’idée d’une religion universaliste indépendante de la Loi, et imbu de la mystique païenne. Ainsi sa conversion s’expliquerait tout naturellement. Il ne lui en coûtait pas d’abandonner le judaïsme auquel il n’était guère attaché et, d’autre part, grâce à la connaissance des mystères païens, il était déjà familiarisé avec les idées de Dieu sauveur et de mort mystique, idées fondamentales de sa théologie. Il ne lui restait plus qu’à en faire l’application à Jésus, devenu Christ glorieux par sa résurrection. — Il faut donc examiner de près :

1. la valeur des renseignements fournis par les Actes ;

2. la valeur des affirmations de saint Paul dans ses épîtres, spécialement dans l’épître aux Galates.

1. Les discours des Actes sont, dit-on. des morceaux d’éloquence dans le genre de ceux que les auteurs classiques mettent dans la bouche de leurs héros. Saint Luc ne les donne point comme des résumés de sténographie. C’est pourquoi ils demandent à être contrôlés à l’aide d’autres documents.

A cela on peut répondre qu’on ne songe pas à, nier la part du rédacteur dans la composition de ces discours, surtout lorsqu’il s’agit d’exprimer des idées qui cadrent avec une situation et qui résument une doctrine. Il y a là un procédé littéraire ou un genre sur lequel personne ne saurait se méprendre. Le discours à Antioche de Pisidie, Act., xiii, 13-41, par exemple, peut être regardé comme le type des exposés que saint Paul faisait d’ordinaire aux juifs pour leur montrer que Jésus est le Christ et que l’on est sauvé par la foi en lui. Il est, en effet, un exposé général qui rappelle, au moins dans la première partie, les discours de Pierre, Act., i, ii, et celui d’Etienne, Act., vu. C’est ainsi que Paul dut s’habituer à prêcher à Antioche, en compagnie de Barnabe, en y instruisant des foules

DICT. DE THÉOI.. CATHOL.

nombreuses pendant une année entière ; cf. Act., xi, 22-26 ; cꝟ. 19-20.

Mais, lorsqu’il s’agit de relater des faits précis, il en va tout autrement. On ne peut rejeter les renseignements d’un auteur en s’appuyant sur une simple conjecture ; il faudrait faire la preuve qu’ils sont faux. Or, les renseignements des Actes sont confirmés dans leur ensemble par les documents de l’histoire profane et de l’archéologie. Cf. article Actes des apôtres, dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible, col. 63 sq. Saint Paul, d’après les Actes, fut élevé dans la tradition du pur pharisaïsme et devint persécuteur des chrétiens. Ces données sont confirmées par les épîtres les textes ont été cités plus haut. Or, les épîtres sont des documents dont on ne peut suspecter ni la sincérité, ni l’exactitude.

On s’attaque spécialement aux notices sur Gamaliel, Act., xxii, 3 ; v, 34-40. Dans le dernier passage, nous voyons ce docteur faire un discours assez libéral en faveur des apôtres que l’on vient d’arrêter. Or, dans ce discours, il commet, dit-on, un anachronisme au sujet de Theudas et ses partisans. En effet, d’après Flavius Josèphe, Antiq., XX, v, 1, la révolte de Theudas devrait se placer vers l’an 45, sous le procurateur Cuspius Fadus, c’est-à-dire au moins dix ans après l’arrestation des apôtres mentionnée au c. v des Actes.

D’abord, à supposer — ce qui n’est point établi — que saint Luc ait fait commettre un anachronisme à Gamaliel en rapportant son intervention, cela ne prouverait nullement que celui-ci n’a point été le maître de saint Paul et il ne faudrait point pour cela rejeter le renseignement des Actes, xxii, 3. Sur ce dernier point, saint Luc avait des moyens d’information qui excluent toute possibilité d’erreur. Cf. A. C. Headlam, art. Acts oj the apostles, dans Hastings, Dictiotiary oj the Bible, t. i, p. 30 in fine. Mais, en réalité, d’une part, le discours de Gamaliel rapporté par saint Luc s’accorde avec le caractère de ce rabbin ; il en reflète le libéralisme et la modération. D’autre part, l’on peut estimer que saint Luc offre, comme historien, autant de garanties que Flavius Josèphe. C’est pourquoi plusieurs exégètes sont portés à lui donner la préférence lorsque ses récits ne s’accordent point avec ceux de l’historien juif. Mais, dans le cas présent, est-il bien certain que le Theudas d’Act., v, 36, soit le même que celui de Flavius Josèphe, Ant., XX, v, 1 ? En effet, d’après les Actes, la sédition de Theudas remonte à une époque déjà passée ; celle de Judas le Galilém est plus rapprochée ; cf. ꝟ. 36 : « avant ces jours », et t. 37 : « après lui ». Ainsi Gamaliel n’efface point la perspective des deux événements ; au contraire, il la précise. En outre, Flavius Josèphe donne l’impression que la révolte dont il parle fut réprimée avec plus de vigueur que ne le dit Gamaliel. Aussi, beaucoup d’exégètes se croient autorisés à distinguer deux événements. Cette position est confirmée par un argument philologique. Le mot Theudas ou Théodas n’est que la forme contractée deThéodoros, —-comme Cléopas, de Cléopatros, — il est donc l’équivalent grec de Mathias, nom très répandu chez les Juifs, qui portaient souvent deux noms, l’un hébreu, l’autre grec ou romain. C’est pourquoi on a proposé avec vraisemblance d’identifier le Theudas des Actes avec Mathias-ben-Margalot, qui provoqua une sédition sous Hérode le Grand. Cf. Flavius Josèphe, Ant., XVII, vi, 2 ; Bell, jud., i, xxxiii, 2 ; Pirot, art. Actes des apôtres, dans le Supplément au dictionnaire de la Bible, col. 75 ; Jacquier, Les Actes des apôtres, p. 177 sq ; Rose, Les Actes des apôtres, p. 49.

2. Enfin, dans ses épîtres, saint Paul, affirme-t-on, se défend d’être Juif helléniste. Or, c’est précisément le grief que lui font ses adversaires, les judéo-chrétiens. Ce sont donc eux qui ont raison et non l’Apô T. — XI — 7 1