Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/599

Cette page n’a pas encore été corrigée

2331

    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). INTRODUCTION

2332

Sources.

La théologie de saint Paul a pour

sources les épîtres transmises par la tradition comme pauliniennes, et le livre des Actes des apôtres. Nous n’examinerons point l’authenticité des épîtres ni la valeur historique des Actes des apôtres ; on trouvera ces questions traitées aux articles sur chacun de ces écrits. Toutefois, nous regardons le livre des Actes comme un ouvrage historique, bien que le point de vue et les préoccupations de son auteur diffèrent parfois sensiblement de ceux des épîtres. Ce livre, après avoir raconté la première expansion du christianisme, grâce à l’activité de saint Pierre et des « hellénistes », rapporte la vie et l’apostolat de saint Paul depuis sa conversion jusqu’à sa première captivité. Dans cet exposé, l’auteur établit comme une sorte de parallèle entre les deux grands apôtres, il accentue surtout leur unité de vues sur la conception du salut chrétien. Mais il se borne souvent à un tableau d’ensemble, en négligeant les détails ou les faits qui ne vont point à son but. D’autre part, les épjtres__de saint Paul sont, pour la plupart, des lettres de circonstance, motivées par les besoins des Églises nouvellement fo ndées. Biles re présentent une des formes de son activité apostolique. Ce ne sont point des traités où la spéculation occupe pour elle-même une grande place, mais des lettres qui visent à l’action religieuse. Il n’y a donc point lieu de s’étonner en constatant des divergences de détail entre les épîtres et les Actes. En outre, les discours de saint Paul rapportés dans ce livre — ce sont les passages qui nous intéressent le plus dans cette étude — ne sont souvent que des résumés, mais des résumés de discours réellement prononcés. Ce ne sont point des compositions purement fictives, placées avec vraisemblance dans la bouche de l’apôtre et cadrant avec la situation. Si l’on ne peut dire que ces discours reproduisent toujours littéralement les paroles de l’Apôtre, ils traduisent, du moins, exactement sa pensée et sa doctrine.

Nous regardons également toutes les épîtres pauliniennes comme des sources authentiques de la pensée de saint Paul. La doctrine de la première aux Thessaloniciens ne nous paraît point en opposition avec celle de la seconde, si l’on tient compte des circonstances qui ont motivé l’une et l’autre, et du but surtout pratique ou moral visé par l’Apôtre. De même, la doctrine de l’épître aux Colossiens ne paraît point incompatible avec celle de l’épître aux Éphésiens. La seconde est comme un développement ou une adaptation de la première. Là encore, les circonstances et le but poursuivi par saint Paul l’ont amené à traiter différemment des sujets analogues. Enfin, les épîtres pastorales, si discutées actuellement, nous paraissent représenter la doctrine de l’Apôtre ; mais elles répondent à des préoccupations bien différentes de celles qui ont motivé les autres épîtres ; elles nous révèlent l’organisation primitive des Églises à l’âge apostolique. Les faits invoqués par beaucoup d’historiens contre leur authenticité sont diversement interprétés et ne sauraient motiver une conclusion ferme. Aussi, beaucoup de critiques, même en dehors du catholicisme, restent attachés à la thèse traditionnelle, thèse consacrée olliciellement par une réponse de la Commission biblique en date du 12 juin 1913. Sans préjuger des questions d’ordre littéraire qu’elles peuvent soulever, nous les regarderons donc, non comme représentant une « forme secondaire » du paulinisme, mais comme traduisant la pensée authentique de l’Apôtre.

La tradition des Églises orientales a reconnu, dès le commencement, l’épître aux Hébreux comme paulinienne, au moins dans un sens large. Cette épître offre beaucoup de ressemblance avec les autres épîtres de saint Paul, pour la doctrine et même parfois pour la méthode et la forme ; par exemple l’épilogue, xiii,

18-25, qui est tout à fait dans la manière paulinienne et donne à l’écrit le caractère d’une lettre : ènia-eiXa <j|xtv, ꝟ. 22. D’autre part, l’ensemble de l’épître, pour la composition et la rédaction, suppose un judéo-chrétien de culture hellénistique, formé à une école d’exégèse alexandrine. Origène disait que les pensées de l’épître sont « dignes de l’apôtre », sont « de l’apôtre », mais que le style et la composition appartiennent à un de ses disciples. Cf. Eusèbe, H.E., l, xxv. 11-14, P. G., t. xx, col. 583-586. Cette hypothèse, dans ses lignes essentielles, est communément admise par les auteurs catholiques ; saint Paul est vraiment l’auteur du fond et des pensées ; mais la forme ou la rédaction appartiennent à un de ses disciples. C’est à ce titre que l’épître aux Hébreux fait partie des sources de la théologie paulinienne. La Commission biblique, dans une réponse en date du 24 juin 1914, a consacré cette manière de voir.

Méthode et plan.

La théologie de saint Paul

n’est point une dogmatique abstraite, exposée pour elle-même, ni un système de théologie spéculative, élaboré sans contact avec les réalités concrètes de l’histoire. Elle est plutôt une théologie vivante, une théologie en action, exposée au fur et à mesure de l’apostolat. Elle est souvent une réaction au contact des choses ou des événements et, de ce fait, elle revêt un caractère, sinon relatif, du moins occasionnel, en ce sens que la formation, le développement et l’expression de la pensée de l’Apôtre sont étroitement liés aux grandes étapes de sa vie et de son œuvre. Par suite, l’on ne comprend bien cette pensée qu’en la rattachant aux causes qui lui ont donné naissance ou aux circonstances qui en ont motivé l’expression. Mettre d’un côté 1’ « apôtre » et d’un autre le « théologien » serait aussi impossible et aussi préjudiciable que d’arrêter le mouvement de la vie sous prétexte de mieux l’observer.

C’est pourquoi nous avons cru devoir exposer la doctrine de l’Apôtre en la laissant le plus possible dans le cadre réel de l’histoire, à partir du jour où Paul, de pharisien fanatique, devint le « vase d’élection », l’apôtre des gentils.

Cette méthode ne va point sans difficultés et peut prêter à des objections. La principale est que certains éléments de doctrine, par exemple la justification, le rôle de la Loi, l’eschatologie, et même la christologie, se trouvent dispersés dans plusieurs épîtres, c’est-à-dire se rattachent à des circonstances diverses et s’adressent à des milieux différents. Mais cette difficulté est plus apparente que réelle ; car si l’on y regarde de près, il y a toujours, dans la Vie de l’apôtre, un moment où telle doctrine atteint son plein développement et comme son point de maturité. C’est à ce moment de l’action apostolique que nous devrons la rattacher et il ne nous sera pas difficile de montrer comment elle a été préparée par des révélations ou des expériences antérieures, comme aussi complétée dans la suite pour les besoins du ministère.

Cette méthode a un autre inconvénient. En s’attachant trop à l’histoire elle sort du cadre de l’exposition systématique, si utile à la précision et au travail de la théologie. A cela on peut répondre que les sujets de théologie traités dans ce dictionnaire font à saint Paul, chacun pour son compte, la part qui lui revient. Et puis, l’inconvénient signalé est largement compensé par l’avantage de constater comment s’est fait le développement de la révélation sous l’influence des circonstances.

Enfin, pour comprendre la doctrine de l’Apôtre, il faut la rattacher, autant que possible, à ses origines. C’est pourquoi nous devrons mentionner les causes ou les influences diverses qui ont préparé saint Paul à sa mission, ou qui ont contribué à la formation de sa