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PATRIE (PIÉTÉ ENVERS LA). AMOUR


Créateur passe avant les créatures : « Aimer les deux patries, celle de la terre et celle du ciel, de telle façon pourtant que la seconde affection dépasse la première et qu’aux droits de Dieu ne soient jamais préférés ceux des hommes, c’est pour les chrétiens un devoir très grand et comme un principe d’où dérivent les autres obligations. » Loc. cit.

Pie X observe que « l’amour du sol natal », les liens de fraternité patriotique… sont plus forts, quand la patrie terrestre reste indissolublement unie à l’Église ». Si, au contraire, un gouvernement la persécute, sans doute les fidèles continuent à observer tous ceux de ses ordres qui ne sont pas opposés à la loi de Dieu, leur religion elle-même leur prescrit pareille obéissance, mais alors la soumission, si elle peut devenir « plus méritoire », ne sera « ni plus tendre, ni plus joyeuse, ni plus spontanée » : jamais elle ne méritera le nom de vénération et d’amour. Au contraire, ces sentiments le citoyen catholique les éprouve tout naturellement pour un pouvoir civil qui entretient de bonnes relations avec l’Église, objet elle-même de sa vénération et de son amour. C’est parce que ces deux affections pour le pays et pour la religion se renforcent en s’unissant, que la patrie a toujours trouvé, parmi les fidèles enfants de l’Église, des serviteurs et défenseurs du plus grand mérite, et, parmi les saints « des pères de la patrie ». Discours à l’évêque d’Orléans : >t aux pèlerins français, Acta ap. Sed., t. i, p. 409-410.

3. Puisque l’amour de la patrie doit ainsi être dominé par celui de Dieu, il faut qu’il soit conforme à la justice. Déjà Pie X fut amené à faire observer que « le fait d’agir dans un but d’utilité humaine ne rend pas innocents » les excès des passions politiques, les violences et les attentats, les crimes contre les droits, les biens, la vie d’autrui, les séditions, les désordres et les actes qui troublent la paix publique. Le pape fit observer que l’emploi de pareils moyens, en provoquant des représailles, peut nuire à la cause que, par eux, on veut servir ; aussi, déclara-t-il, qu’un tel amour de la patrie est inintelligent. Lettre Poloniæ populum, 3 décembre 1905.

Benoît XV, en raison de la guerre, dut plus d’une fois rappeler solennellement les exigences du droit. Déjà, le 22 janvier 1915, une allocution consistoriale proclamait qu’il n’est permis A personne, pour aucune cause, de violer la justice. Aussi le pape, ajouta-t-il, réprouve énergiquement toutes les transgressions du droit, en quelque endroit qu’elles aient été commises. Acla ap. Sed., t. vii, p. 34. L’année suivante, le même pontife fit entendre, une seconde fois, semblable protestation publique : « De nouveau, nous réprouvons tout ce qui, en cette guerre, est accompli contre la justice, quels que soient l’endroit et l’auteur de l’attentat. « Alice, consist. du 4 décembre 1916, ibid., t. viii, p. 467-468. Faisant allusion à ces actes, Benoît XV, dans une lettre du 22 mai 1918, observa qu’il avait énergiquement condamné toutes les violations du droit et derechef il les condamna. Lettre Maximas inler., ibid., t. x, p. 274. Une fois encore, dans l’allocution consistoriale du 7 mars 1921, le pape s’écria : « Nous réprouvons, de quelque côté qu’en soient les auteurs, les crimes qui sont en désaccord avec les lois des mœurs et de l’humanité. » Ibid., t. xiii, p. 122.

La fin de la guerre était encore trop récente pour que Pie XI ne fût pas obligé, lors de son avènement, d’énoncer à son tour cette grave vérité. Après avoir loué le légitime patriotisme, il ajouta : « Si ce sentiment se transforme en un amour excessif de la nation, lequel ne respecte pas les limites du droit et de la justice, il devient une source d’injustices et d’iniquités. Il n’est pas permis de séparer l’honnête de l’utile. »

i Encycl. Ubi arcano, Acta ap. Sed., t. xiv, p. 682. C’est la même pensée qu’exprima le pape, un peu plus tard, en affirmant que la politique « est logiquement subordonnée à la morale ». Lettre Nous avons lu. 5 septembre 1926, ibid., t. xviii, p. 385.

4. La doctrine chrétienne n’impose pas seulement aux peuples le respect de la justice, dans les relations internationales, mais encore celui de la charité. Déjà, Léon XIII a parlé de la « fraternité des peuples qui fait de l’humanité une grande famille ». Lettre sur les devoirs des catholiques. Et Pie X a fait observer que tous les hommes en sont membres, sans distinction de nation, de couleur ou de race : Indiens et Juifs ne sont pas exceptés. Encycl. Lacrimabili statu, 7 juin 1912, Acta ap. Sed., t. iv, p. 522 ; lettre Poloniæ populum.

Benoît XV surtout a dû recommander cette « charité qui nous lie à tous les hommes, même à nos ennemis » : il y a, dit-il, une « communion de la famille humaine et des rapports nécessaires de charité chrétienne. Pour cette vertu, il n’y a pas de frontière. » Lettre apost. Diulurni, Acta ap. Sed., t. xi, p. 306. Aussi, le pape invita-t-il évêques et prêtres à prêcher la doctrine de l’Évangile qui nous prescrit l’amour de nos ennemis, donc aussi de ceux de la patrie. Lettre Amor Me sinqularis, 7 octobre 1919, ibid., t. xi, p. 413. Les mêmes mots fraternité, famille humaine de tous les peuples se retrouvent dans l’encycl. Pacem Dei munus, 23 mai 1920. Pour justifier la doctrine qu’ils expriment, il est fait appel à l’enseignement et aux exemples de Jésus-Christ comme aux leçons des apôtres, car « il n’y a pas deux morales, une pour les individus, une pour les nations : la loi d’amour est la même pour les uns et pour les autres ». Acta ap. Sed., t.xii, p. 209-218. Voir encore A Hoc. consist. du 7 mars 1921, ibid., t. nui. p. 123.

C’est ce qu’a redit Pie XI : « Tous les peuples, en qualité de membres d’une famille universelle, sont unis entre eux par des rapports fraternels. » Encycl. Ubi arcano, ibid., t. xiv, p. 682. Donc « toutes les nations doivent s’aimer ». Leltre apost. Nova impendet, 2 octobre 1931, ibid., t. xxii, p. 394.

5. Il faut que cette charité s’exerce en tout temps, et d’abord pendant la paix, ne fût-ce que pour la maintenir. — En 1885, Léon XIII exerçait une médiation diplomatique entre l’Allemagne et l’Espagne. Puis, le Il février 1889, dans une allocution consistoriale, il souhaitait la pacification entre les peuples et rappelait le rôle joué par l’Église au cours des âges, comme messagère de la paix. I n peu plus tard, en 1899, le même pape se plaignait des charges, abus et périls de la paix armée, régime qui ne peut être l’état normal de la société. Aussi suppliait-il princes et peuples d’éviter la guerre et de recourir aux règles morales du droit, aux lois du christianisme, pour faire respecter la religion des traités, rétablir entre les nations l’antique concorde. Encyclique Pneclara gralulationis. 20 juin 1894.

De même, le souverain pontife applaudissait-il aux suggestions du tsar Nicolas II sur la Conférence de la paix : « Bendre plus rare et moins sanglant le terrible jeu de la guerre et préparer ainsi les voies pour une vie sociale plus calme, c’est une entreprise de nature à faire resplendir, dans l’histoire de la civilisation, celui qui a eu l’intelligence et le courage d’en être l’initiateur. » Alloc. consist. du Il avril 1899. A cette même Conférence internationale de la paix du 25 mai suivant, était donnéelecturepublique d’unelettredeLéon XIII. Le pape y rappelait l’œuvre pacificatrice des pontifes romains, au cours des âges, et leurs tentatives pour adoucir les lois malheureusement inéluctables de la guerre. Aussi revendiquait-il pour le Siège apostolique l’honneur de coopérer effectivement à l’œuvre de