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PATRIARCATS RÉCENTS


manière absolue, comme pourraient le faire supposer les paroles de Balsamon. La différence entre la pratique ancienne et la pratique moderne n’est sans doute pas aussi considérable qu’il paraîtrait à première vue ; on pourrait la formuler ainsi : autrefois, le patriarche gouvernait son Église par le synode ; maintenant le synode la gouverne par le patriarche. En fait, le patriarche a toujours eu un honneur et un pouvoir prépondérant, sans toutefois pouvoir se passer des autres métropolites. D’ailleurs, il y aurait à distinguer entre patriarcats et patriarcats ; il semble que, dans ceux de fondation récente, le rôle personnel du patriarche soit plus effacé que dans les anciens patriarcats byzantins. Mais, encore une fois, les différences entre la pratique moderne et la pratique ancienne ne sont pas tellement considérables. Sur l’organisation de la haute administration ecclésiastique chez les orthodoxes, cf. Milasch, op. cit., p. 338-350.

Dans la théorie, par contre, on ne peut pas ne pas voir une manière nouvelle de concevoir le gouvernement ecclésiastique. La conception synodale, appliquée à tous les degrés de l’administration ecclésiastique, est plutôt étrangère au Moyen Age byzantin, et, même de nos jours, certains auteurs n’en sont point partisans. Jugie, t. iv, p. 253. Peut-on dire que cette théorie a dû en partie le jour à la réforme ecclésiastique de Pierre le Grand ? Il semble qu’il faille l’affirmer. La suppression du patriarcat moscovite a porté un coup sensible au prestige personnel des patriarches. Il suffit de lire la première partie du Règlement ecclésiastique de Pierre le Grand pour s’en convaincre. Ce n’est qu’une longue plaidoirie pour montrer la supériorité d’un gouvernement synodal sur le gouvernement personnel d’un patriarche. Qu’il nous sutfised’en citer quelques lignes : « De même qu’on trouve dans ce gouvernement (synode ) plus de lumières pour la connaissance des alfaires, de même les décisions qu’on y prend ont une plus grande force, car la sentence d’un concile dispose mieux à la persuasion et à l’obéissance qu’un décret émanant d’une seule personne… » Règlement ecclésiastique de Pierre le Grand, traduction française, par le P. Tondini. Paris, 1874, p. 19. L’on conçoit que de telles paroles aient dû ancrer dans les esprits orientaux l’importance et la supériorité des synodes ecclésiastiques. Notons d’ailleurs que l’histoire de l’idéologie synodale chez les orthodoxes est encore à faire ; elle vaudrait la peine d’être entreprise. Notons enfin que la conception patriarcale chez les catholiques orientaux n’est peut-être pas aussi modifiée par les idées conciliaires. En fait, l’on n’en trouve point auprès des patriarches catholiques de synodes, au moins dans la forme et avec l’importance qu’ils ont chez les orthodoxes. En théorie et juridiquement le patriarcat catholique moderne est plus monarchique.

3. Les patriarcats orthodoxes récents.

Un dernier point à noter dans l’évolution du patriarcat orthodoxe est la constitution de patriarcats nouveaux aux dépens de Constantinople. Sur le principe qui a régi ce développement, à sivoir le phylétisme, cf. Jugie, t. iv, p. 241-249 : Spâôil, op. cit., p. 64, 65.

a) Patriarcat russe. — Nous avons déjà parlé de l’établissement du patriarcat russe en 1589. Ce patriarcat fut* supprimé en 1700 par Pierre le Grand. Mais l’institution garda ses partisans et, . notamment en 1905, on recommença à parler de la restauration du patriarcat. On pourra consulter sur ce mouvement d’idées, Palmieri, La Cliiesa russa, le sue odierne condizioni e il suo re/ormismo dollrinate, Florence, 1908, et Bois, L’Église russe et la réforme projetée, dans Échos d’Orient, t. x, 1907, p. 112-122. Le patriarcat moscovite fut effectivement rétabli en 1917. Le métropolite Tikhon, élu patriarche le 28 octobre 1917, fut intronisé le 21 novembre. Le patriarche mourut le 7 avril 1924

et il n’a pas été remplacé, la division des Églises russes et la persécution soviétique s’y opposant. Toute une fraction de l’Église russe, l’Église synodale, est par définition, si l’on peut dire, opposée à la constitution patriarcale. Sur la restauration du patriarcat russe, cf. P. M. Volkonsky, La reconstitution du patriarcat en Russie, dans Échos d’Orient, t. xx, 1921, p. 195-220.

b) Patriarcal serbe. — En 1920, a été fondé le patriarcat serbe d’ipek qui englobe tout le nouveau royaume de Yougoslavie. De la constitution qui l’a établi, nous citerons quelques articles qui contirmeront ce que nous avons dit de la conception moderne des patriarcats orthodoxes :

Art. 2. A la tête de l’Église serbe se trouve, en qualité de chef, le patriarche serbe. — Art. 3. Le saint concile des évêques est formé de tous les évêques diocésains sous la présidence du patriarche. — Art. 4. Le saint concile des évêques est le corps hiérarchique le plus élevé et l’autorité suprême dans les questions de foi, de culte, d’ordre ecclésiastique et d’administration intérieure en général.

Nous citons d’après l’article de I. Ivanovitch, Statuts du patriarcat serbe, dans Échos d’Orient, t. xxi, 1922, p. 186-202. Ces statuts montrent bien que l’on ne considère plus le patriarche comme le véritable chef de l’Église, mais seulement comme le président du synode.

Avant la constitution du patriarcat serbe en 1920, il y avait plusieurs autonomies ecclésiastiques serbes, celles du Monténégro, celle de Dalmatie, celle de liosnie-Herzégovine, le patriarcat de Carlovitz (1848° et enfin l’Église de Serbie proprement dite, qui jouit à plusieurs reprises de la dignité patriarcale et dont les démêlés avec le patriarcat de Constantinople ont formé le plus clair de l’histoire. Toutes ces autonomies viennent d’être fondues dans le patriarcat d’ipek. On trouvera dans Janin, Les Églises orientales et les rites orientaux, 2e édit., Paris, 1926, p. 242-268, un précis de l’histoire des différentes autonomies serbes qui ont constitué le patriarcat moderne d’ipek, dont le patriarche de Constantinople a reconnu la totale indépendance. Cf. Ivanovitch, op. cit., p. 186.

c) Patriarcat roumain. — Les Roumains ont un patriarche depuis 1925 ; cf. Janin, op. cit., p. 284-286. Sur les luttes anciennes pour se détacher de Constantinople, on pourra consulter l’art. Constantinople (Église de), col. 1446. Parvenue à l’indépendance ecclésiastique par rapport à Byzance en 1885 — le tomos synodique du patriarche de Constantinople qui reconnaît la nouvelle autocéphalie est daté du 13 mai 1885.

— l’Église roumaine était, jusqu’en 1925, gouvernée par un synode présidé par le métropolite primat de Bucarest. Il faut noter qu’avant la guerre plusieurs communautés roumaines étaient sous le joug étranger. La guerre « a fait rentrer la plupart des Roumains dans le cadre de la patrie reconstituée, Janin, op. cit., p. 285, et on a voulu donner à la Roumanie ainsi unifiée un patriarche. Le patriarcat fut fondé le 23 février 1925. Constantinople a dû donner son approbation. Cf. Grégoire, La constitution de l’Église roumaine orthodoxe, dans Échos d’Orient, t. xxix, 1926, p. 61-71. On y trouvera les lois sur l’institution et l’organisation du patriarcat roumain ; signalons l’art. 5 de la loi sur l’organisation de l’Église orthodoxe roumaine : « A la tête de l’Église orthodoxe roumaine est placé le saint-synode, la plus haute autorité dans les questions spirituelles, et for suprême pour les questk ns ecclésiastiques, de quelque nature qu’elles soient, qui d’après les lois et les règlements sont de sa compétence. Le saint-synode se compose de tous les métropolites, évêques résidentiels et auxiliaires en exercice. Son président est le métropolite d’Oungro-Valachie en tant que patriarche de l’Église orthodoxe roumaine. » On ne