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PATRIARCATS. LES ORIGINES, CHALCEDOINE


lisée entre les mains du pontife romain ; à quelle époque celui-ci est-il vraiment devenu, au sens technique, le patriarche d’Occident ? Nous traiterons ici la question en son entier pour ne plus avoir à y revenir.

a) Avant saint Léon le Grand. — Batiffol dit de l’Italie du Nord : « L’Italie non suburbicaire, tout en prenant part aux conciles généraux…, garde son régime conciliaire propre, règle ses affaires ecclésiastiques elle-même. » Le Siège apost., p. 177. Ce n’est pas encore précisément la centralisation. Même remarque pour l’Espagne, p. 195. En Gaule, l’action de Rome s’est fait sentir d’une manière plus effective par l’institution du Vicariat apostolique d’Arles. Duchesne, Origines du culte clirélien, p. 38-39 ; Batiffol, Le Siège apostolique, p. 210-216, où l’on trouvera la bibliographie du sujet. Mais l’institution fut éphémère. L’Église d’Afrique se centralise de plus en plus autour de Cartilage. Batiffol, op. cit., p. 244. C’est encore dans l’Illyricum que Tact ion de Rome se fait davantage sentir, grâce à l’institution du vicariat de Thessalonique. Batiffol, op. cit., p. 246, 265.

b) Le pontificat de Léon le Grand marque un progrès réel vers la centralisation. On en trouvera les preuves dans Batitlol, op. cit., p. 442-492. L. Duchesne résume ainsi ce pontificat : « Si l’empire d’Occident avait pu se maintenir, on aurait vu se produire de bonne heure, en Occident, une centralisation analogue à celle vers laquelle l’Orient avait déjà fait de si grands pas. Saint Léon avait mis cette concentration religieuse sous la protection des lois, en se faisant reconnaître par Valentinien III le droit de contraindre les évoques de toutes les provinces à comparaître devant son tribunal. » Origines du culte chrétien, p. 39.

c) La centralisation subira une % période d’arrêt avec les invasions barbares, qui aboutiront à la constitution des Églises nationales, franque et wisigothique. Duchesne, Origines du culte, p. 39-40, et surtout L’Église au VIe siècle, Paris, 1925, c. xm-xvi.

d) Le mouvement reprendra un peu plus tard. A quelle occasion ? « Le mouvement centralisateur a son origine, mais son origine indirecte, dans la conversion de l’Angleterre sous les auspices de l’Église romaine. » Duchesne, Origines du culte, p. 44. Ce furent des missionnaires partis de Rome, qui convertirent l’Angleterre ; sur ces missions, cf. Duchesne, L’Église au VIe siècle, c. xv. L’influence romaine se fit ainsi directement sentir. « De là, sortirent les apôtres de l’Allemagne et les conseillers ecclésiastiques des premiers princes carolingiens ; de là, par des intermédiaires plus ou moins nombreux, vint la réforme de l’Église franque et plus tard de l’Église romaine elle-même ; de là surtout procéda le mouvement centralisateur qui, débarrassant le monde ecclésiastique latin de toutes les complications de primaties et d’Églises nationales, en réunit toutes les forces dans la main du successeur de Pierre. » Duchesne, loc. cit. Sur cette centralisation, sur ses résultats au point de vue juridique, cf. Krucger, Das Papsttum, 1907, p. 24-29 ; Harnack, Dogmengeschichle, 4e édit., t. ii, p. 32 ; Batiffol, Le Siège apost., p. 610-614.

Bientôt nous verrons que, les patriarcats orientaux ayant été définitivement établis sous Justinien, et « Rome étant rentrée dans le giron de l’empire, on considéra à Constantinople que c’était un cinquième patriarche qui s’ajoutait aux quatre autres « .Duchesne, L’Église au VIe siècle, p. 262. Ce que nous venons de dire de la centralisation progressive des Églises d’Occident montre que l’on ne trouvait pas encore au vie siècle, dans le monde latin, une centralisation telle que le pape pût déjà mériter le nom de patriarche. Aussi bien à Rome on ne se souciait point de ce titre et il suffisait de la primauté. Cf. Batiffol, Le siège de Rome et l’Orient, dans Revue apologétique, mars 1928, p. 295.

Le concile de Chalcédoine.

Le concile de

Constantinople avait divisé l’Orient en cinq grandes circonscriptions ecclésiastiques, correspondant aux cinq diocèses civils ; le concile de Chalcédoine modifiera ce groupement ; il réunira trois de ces diocèses sous la juridiction de Constantinople et il détachera du diocèse d’Orient quelques provinces pour en faire le fief de l’évêque de Jérusalem.

Au fait, les bases de cette réorganisation avaient déjà été posées depuis longtemps. Jérusalem avait reçu du 7e canon de Nicée, une consequentiam honoris ; on pense bien qu’elle s’efforça de transformer cela en quelque chose de plus positif. On pourra lire à l’art. Jérusalem et dans l’art, de S. Vailhé, Échos d’Orient, t. xiii, p. 324-336, les efforts faits par la Ville sainte pour se soustraire à la juridiction de la métropole de Césarée et ensuite pour enlever plusieurs provinces à Antioche et se les rattacher.

Le siège de Constantinople, d’autre part, avait reçu au concile de 381 le second rang d’honneur, can. 3 ; et ce privilège, petit à petit, il le transforma en une vraie juridiction s’exerçant sur les trois diocèses de Thrace, d’Asie et du Pont ; le 28e canon de Chalcédoine sanctionna cet état de choses ; mais, avant de citer ce canon, il nous faut signaler que le concile de Chalcédoine nous montre à la tête de chacun des diocèses de l’Orient un exarque. Le 9e et le 17e canons nous indiquent que cet exarque jugeait les procès des métropolitains. Les canons 9 et 17 permettent aussi de s’adresser dans ces cas à Constantinople ; remarquons la nature exacte de cette disposition : il ne s’agit que d’une juridiction concurrente, non de la possibilité d’en appeler de la sentence de l’exarque à celle de Constantinople ; en outre, cette juridiction concurrente ne vaut pas quand il s’agit de métropolitains soumis à Alexandrie ou Antioche, mais seulement pour les exarques de Thrace, d’Asie et du Pont. Sohm, t. i, p. 430 ; Batiffol, Le Siège apostolique, p. 555 ; Duchesne, Histoire ancienne de I Église, t. iii, p. 462. Quelle conclusion devons-nous tirer de ces canons pour l’organisation ecclésiastique ? C’est qu’il y avait à la tête des diocèses des exarques ; et que Constantinople jouissait, en matière judiciaire, d’un pouvoir concurrent avec trois de ces exarques : ceux du Pont, de l’Asie, de la Thrace. Turner, op. cit., p. 43-44.

Et maintenant voici le 28e canon qui va soumettre ces exarques à Constantinople, en leur enlevant le droit qu’ils possédaient d’ordonner les métropolitains de leurs provinces. On peut distinguer trois objets traités dans ce canon : 1) il renouvelle la décision de 381, relative au rang honorifique de Constantinople ; 2) il accorde à Constantinople le droit d’ordonner les métropolitains dans les diocèses précités ; c’était mettre les exarques sous la dépendance de l’évêque de Constantinople ; 3) enfin le canon concède à Constantinople le droit d’ordonner les simples éveques en pays barbares. Donc le résultat est celui-ci : le canon reconnaît trois exarques avec le pouvoir de juger les métropolitains, mais non de les ordonner et, à l’évêque de Constantinople.il donne le pouvoir de les juger concurremment avec les exarques, et le pouvoir exclusif de les ordonner. Mansi, t. vu. col. 369.

Les canons de Chalcédoine ne traitent pas du cas de Jérusalem. L’affaire s’est arrangée à l’amiable entre Domnus d’Antioche et Juvénal de Jérusalem, le premier a bien voulu céder trois de ses provinces ; le deuxième a accepté de s’en contenter ; et le concile n’a fait que ratifier, dans sa vie session, cet arrangement. Mansi, t. vii, col. 177-184. Nous pouvons maintenant nous rendre compte de l’état de la haute hiérarchie orientale à cette époque. Le diocèse d’Egypte est sous le gouvernement d’Alexandrie ; celui d’Orient, amputé de trois provinces, est gouverné par Antioche. Les trois