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PATRIARCATS. LES ORIGINES, NICÉE


que Cartilage était un des grands sièges visés par le canon 6e. en tout semblable à Alexandrie et Antioche. Thornassin suppose l’organisation patriarcale déjà déterminée en 325. Or, cela n’était point. Sohm, op. cit., t. i, p. 399. « Nous sommes hors d’état de prouver que l’évêque de Rome exerçait sur l’Occident tout entier une suprématie identique à celle d’Alexandrie sur l’Egypte. » Hefele-Leclercq, t. i, p. 1199.

c) Il est une autre opinion qui date de Sirmond et limite le pouvoir du pape aux dix provinces du Vicarius Urbis ; Leclercq semble la faire sienne, Hist.

de* conc, t. i, p. 1197, où il cite les auteurs qui la défendent : et il s’appuie sur le texte de Rufin qui identifie le territoire de juridiction de Rome avec les régions suburbicaires.

d) Mais à cette opinion, Luebeckfait une objection : le texte de Rufin expose la situation telle qu’elle existait vers l’an 400, « à une époque où les évêques de Milan, de Ravenne et d’Aquilée avaient constitué leurs ressorts métropolitains au détriment de Rome, elle n’est pas vraie au temps du concile de Nicée, où l’Italie est un tout et ce tout soumis à l’évêque de Rome ». Batilîol, La prix constanlinienne, p. 133 ; Luebeck, p. 131-133 ; Tillemont, Mémoires, t. vi, p. 620. Avant Dioclétien, pas de provinces en Italie ; c’est l’unité politique complète. Le pap ? exerçait alors une juridiction métropolitaine sur toute l’Italie, il en ordonnait les évêques, convoquait les conciles. Quand Dioclétien eut divisé l’Italie en provinces, l’évêque de Rome continua d’exercer sa juridiction sur toutes ces provinces, l’unité ecclésiastique persévéra jusqu’au jour où apparurent les premiers métropolitains. Sohm, Kirchenrecht, t. i, p. 395-399 ; Harnack, Mission, t. ii, p. 215 ; Lanzoni. Le origini délie diocesi anliche d’italia, 1923, p. 556 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, 4e éd., 1908, p. 30. Le pape apparaît en 325 comme le métropolitain de loute l’Italie ; son autorité, comme celle de l’évêque d’Alexandrie, est une autorité métropolitaine non point restreinte à une seule province, mais au contraire embrassant plusieurs provinces civiles.

Mais quelle était, par ailleurs, la nature exacte des relations de l’évêque de Rome avec les autres Églises occidentales ? Exerçait-il simplement à leur égard la primauté, ou bien y avait-il déjà une certaine centralisation de ces Églises autour du siège de saint Pierre ? Le pape n’ordonnait point les évêques de Gaule, d’Espagne et d’Afrique ; il ne convoquait point les conciles de ces Églises. Bien plus, les provinces de l’Afrique romaine semblaient se concentrer autour de Carthage. Sur cette autorité de Carthage, quasi identique à celle d’Alexandrie sur les provinces d’Egypte, on pourra consulter Hefele-Leclercq, t. i, p. 1199-1203 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 16 et 30 ; Batilîol, L’Église naissante et le catholicisme, Paris, 1922, p. 416. On trouvera également dans Hefele-Leclercq la bibliographie et desindications sur la nature des pouvoirs primatiaux de Carthage. En Gaule, en Espagne, il n’y avait point pareille centralisation particulariste et même ces pays étaient encore dépourvus de métropolitains. Luebeck, op. cit., p. 7173. Mais le pape n’y intervenait cependant pas comme il le faisait en Italie. Baliffol, tout en distinguant les relations du pape avec le reste de l’Occident de celles qu’il avait avec l’Italie, voit cependant dans les premières plus que l’exercice de la primauté : ’Au delà des frontières de l’Italie, l’autorité de l’évêque de Rome s’exerce encore ; elle s’exerce en Gaule (témoin l’all’aire de Marcianus d’Arles), elle s’exerce en Espagne (témoin l’affaire de deux évêques de Mérida et d’Astorga), elle s exerce en Afr’que (témoin tonte l’histoire de saint Cvprien). Dans l’atraire de Marcianus d’Arles, le droit d’excommunier l’évêque d’Arles est attribué à l’évêque de Rome par les évêques de

Gaule et aussi bien par l’évêque de Carthage. Rome n’intervient pas dans les ordinations épiscopales de Gaule, d’Espagne, d’Afrique. Dans l’affaire de Mérida et d’Astorga, l’évêque, déposé par une sentence synodale espagnole, fait reviser la sentence par Rome. Comme les évêques de Gaule, d’Espagne, d’Afrique n’appartiennent pas au synode de Rome et comme ils tiennent leurs synodes respectifs entre eux, c’est donc qu’à Rome ils trouvent une autorité plus haute que celle de leurs synodes. Enfin, au-dessus de cette autorité exercée par Rome, sur la Gaule, l’Espagne, l’Afrique, il y a l’exercice de la primauté. » La paix constanlinienne, p. 134. On trouvera dans Sohm, Kirchenrecht, t. i. p. 387-396, une relation des faits que signale Batiffol. D’après Sohm, le pape n’aurait pas encore eu dans les deux premiers siècles une vraie juridiction sur d’autres évêques, p. 386-389 ; au iiie siècle seulement, il l’aurait obtenue sur les communautés d’Italie ; quant aux autres Églises occidentales, il n’avait sur elles aucun vrai primat d’autorité, nur geislliche Gewalt ; keine rechlliche Gewalt, p. 395. Ceci est faux ; les faits que rapporte Sohm indiquent une vraie juridiction de Rome sur les autres Églises, mais cette juridiction doit-elle se ramener simplement à l’exercice de la primauté, ou implique-t-elle davantage ? Nous ne saurions le dire. En tout cas, la centralisation ne semble pas encore très accentuée à cette époque. Le pape ne se mêle pas ordinairement des ordinations d’évêques, des conciles particuliers, etc. Donc il n’a point pour l’Occident pouvoir pareil à celui d’Alexandrie sur l’Egypte, bien qu’il y intervienne plus souvent et plus directement qu’en Orient.

3. Antioche.

Le canon, après avoir parlé de l’autorité d’Alexandrie et de Rome ajoute que « les privilèges doivent être également conservés aux Églises, à Antioche et dans les autres éparchies ».

Beaucoup d’auteurs ont vu dans le 6e canon l’affirmation d’un pouvoir d’Antioche sur le diocèse d’Orient, identique à celui d’Alexandrie sur l’Egypte.

L’empire d’Orient était divisé en quatre diocèses au moment de Nicée : Asie, Thrace, Pont et le diocèse d’Orient qui alors comprenait aussi l’Egypte. Or, le can. 6 aurait reconnu à l’évêque d’Antioche juridiction sur le diocèse d’Orient, l’Egypte exceptée. Thornassin, op. cit., part. 1, t. I, c. vin ; Hefele-Leclercq, 1. 1, p. 559 ; Luebeck, p. 135-136. On s’appuie sur la lettre d’Innocent 1 er, qui reconnaîtrait à l’évêque d’Antioche le droit de consacrer les métropolitains. Episl., xxiv, ad Alexandr. Antioch., P. L., t. xx, col. 547. Il faut noter que le diocèse comportait des provinces ecclésiastiques nettement établies ; l’évêque d’Antioche aurait donc eu une juridiction supra-métropolitaine. Mais Batiffol soutient que le canon n’a confirmé à Antioche que « le pouvoir de métropolitain sur la province de Syrie et nullement un droit métropolitain sur les autres provinces », La paix constantinienne, p. 131 ; cf. aussi Luebeck, p. 136 ; Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 16, 23 ; Sohm, t. i. p. 405. « Certes, on peut dire que les provinces de ce diocèse d’Orient gravitaient autour d’Antioche, capitale du diocèse d’Orient, résidence du cornes Orierdis. Mais l’évêque d’Antioche n’avait pas le privilège d’ordonner les évêques de ces sept provinces, pas même d’ordonner leurs métropolitains. Il possédait sur eux tous une primauté, qui était plus qu’une primauté d’honneur, mais que l’historien ne peut mieux définir. » Donc, l’on peut admettre qu’il existait déjà une centralisation très réelle autour d’Antioche, mais le concile n’en parle pas ; il ne fait mention que du droit métropolitain sur une province, et de même les mots in aliis provinciis doivent s’entendre des droits communs à chaque métropolitain et non de droits spéciaux que l’on aurait accordés à l’évêque de Césarée sur le Pont,