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PASCAL. SES DERNIERS SENTIMENTS


est une calomnie la moins vraisemblable à tous ceux qui ont connu M. Pascal et la plus fausse, en effet, qui ait jamais été pensée ». Jovy, loc. cit., t. ii, p. 465 sq. Enfin, en 1684, alors que paraissait cette Vie, Mme Périer, reprenant une idée de Roannez, recueillit d’Arnauld, de Nicole, de Domat, de Roannez, des dépositions solennelles affirmant que Pascal était mort fidèle à Port-Royal, t. x, p. 367 sq.

En 1711, Fénelon, dans la première de ses deux Lettres au P. Quesnel, Œuvres, t. iv, 1850, p. 574, ayant insinué que Pascal s’était révolté contre le Saint-Siège et voulait en appeler du pape au concile, Quesnel lui répondit en citant les deux lettres de Beurrier « l’une à la sœur, l’autre à un neveu de M. Pascal », où il mettait au point les dires de la déclaration du 7 janvier 1665 ; cf. Gazier, loc. cit., p. 46 sq.

Depuis, la question semblait tranchée et Sainte-Beuve, loc. cit., p. 369-370, avait exactement résumé le sentiment de tous en disant : * Il fut bientôt prouvé que M. Beurrier, de très bonne foi d’ailleurs, avait pris la pensée de Pascal au rebours et que, s’il y avait eu, entre messieurs de Port-Royal et celui-ci quelque dissidence, c’avait été parce qu’il était plus avant et plus de Port-Royal selon l’esprit qu’eux-mêmes. » Mais la discussion s’est ranimée vers 1910 avec la publication par E. Jovy, loc. cit., t. ii, d’articles sur la Mort de Pascal, p. 252-278 : les Angoisses de la famille ou des amis.de Pascal au sujet de la déclaration du P. Beurrier, p. 408-435, et un Témoignage inédit du P. Beurrier sur les derniers sentiments de Pascal, chapitre xl du livre III des Mémoires restés inédits de Beurrier, p. 486-508. E. Jovy soutient que Pascal est mort « en dehors de Port-Royal, en dehors du jansénisme ». S’il n’y eut pas rétractation à proprement parler, « il y avait eu rupture, Pascal n’était plus de Port-Royal », p. 507. M. Gazier a réfuté la thèse de M. Jovy dans sa brochure : Les derniers jours de Biaise Pascal, Paris, 1911. Les critiques postérieurs n’ont fait que reprendre les thèses et les arguments de l’un ou de l’autre. Pascal, dit H. Bremond, loc cit., p. 415, « a-t-il nettement reconnu son erreur dans les derniers jours de sa vie ? cela nous paraît presque certain » ; J. Chevalier, loc. cit., p. 372, dit de même : « Que, dans les derniers mois de sa vie, Pascal ait définitivement renoncé à la théologie janséniste, qu’il se soit retiré de tout « parti », de toute « dispute », pour se soumettre humblement à l’Église catholique et au vicaire de Jésus-Christ, ainsi que l’atteste Beurrier, cette conclusion pour tout historien impartial apparaîtra, je crois, claire et certaine. » En revanche, J. Laporte, loc. cit., p. 304, écrit : « La thèse de M. Jovy part d’une méconnaissance complète de la doctrine à laquelle Pascal avait adhéré à sa première conversion. Pour qui sait ce qu’était réellement cette doctrine et à quel point toute la religion de Pascal s’y était identifiée, ladite thèse n’est pas seulement dénuée de preuves, elle est, à la lettre, dénuée de sens. »

3. Pascal est mort fidèle à Port-Royal.

Il n’y a pas à discuter ici les arguments opposés ; il suffit de faire les remarques suivantes :

a) Pour accepter l’idée de la rétractation de Pascal, il faut oublier les protestations de la famille ou de ses amis, qui d’ailleurs n’ont jamais été réfutées par des arguments sérieux.

b) Touchant la déclaration elle-même, sans aller jusqu’à dire comme le libraire Desprez quand l’archevêque la lui montra : « Je crus en le voyant (le papier) qu’on avait donné à ce bon homme son affaire toute dressée et qu’il l’avait signée, parce que l’apparence y est tout entière », t.xii, p. clxviii, on peut penser que Beurr er fut plus ou moins amené à exprimer les idées du prélat.

c) Telle qu’elle est, elle n’a jamais dit que Pascal se

fût rétracté : Beurrier l’a reconnu lui-même ; cf. sa Lettre à M. Périer le fils du 27 novembre 1673. Or, les Mémoires où M. Gazier relève « des répétitions et des redites », où, dit-il, « Beurrier brouille comme à plaisir les faits et les dates », qui « présentent des lacunes véritables », et où, finalement, ajoute-t-il, « il ne sait ce qu’il dit », loc. cit., p. 55-61, les Mémoires n’ajoutent rien de saillant à la déclaration.

d) « Le témoignage de Beurrier se réduit à ces trois points : 1. « Pascal depuis quelque temps s’est retiré « prudemment », « vu la grande difficulté de ces questions », des controverses relatives au Formulaire.

2. « Pascal a rompu avec les théologiens de Port-Royal, parce qu’ils allaient trop avant dans les matières de la grâce et qu’ils paraissaient avoir moins de soumission qu’ils ne devaient pour notre Saint Père le pape. »

3. « Pascal n’avait que des sentiments orthodoxes et il est mort enfin bon catholique, « soumis parfaitement à l’Église et à notre Saint Père le pape ». Laporte, loc. cit., p. 300-301. »

La première affirmation est exacte ; la seconde, on l’a vii, est juste à l’opposé des écrits, des faits et des témoignages. Quant à la troisième, elle mérite explication.

Pascal n’eût certainement, à aucun moment, accueilli l’idée de se séparer de Rome. Il croyait bien ne pas manquer aux devoirs du catholique éclairé à l’égard du pape, quand il n’acceptait pas et demandait aux autres de ne pas accepter la sentence romaine sur le fait de Jansénius. Il avait du rôle du pape et de son autorité, on l’a vu (col. 2155 sq.), une idée déterminée, qui n’était point laissée au hasard de ses impressions, et qui se tenait parfaitement, à travers les Provinciales, les Lettres à Mlle de Roannez et les Pensées. Cette idée n’est plus entièrement la nôtre, mais il la faut juger d’après la pensée de son temps et non de celui-ci.

Pour toute la doctrine, Pascal se croyait donc dans l’orthodoxie. Depuis sa première conversion, il lui était resté fidèle. Comment et pourquoi à la dernière heure aurait-il condamné la cause qu’il avait inlassablement défendue, et dans un tel secret qu’aucun de ses compagnons de lutte ne s’en fût aperçu ?

Dans ses Études pascaliennes, t. v, Exploration circumpascaliennes, p. 79, E. Jovy, après nous avoir donné un article du chanoine Pierre-Joseph Monbrun, sur La fin non janséniste de Pascal, à propos du Pascal inédit, t. Il d’Ernest Jovy… Élude documentaire, signale les principaux travaux « où la fin catholique de Pascal est franchement acceptée et logiquement soutenue ».

Voir la Bibliographie indiquée au début et les ouvrages ou articles parus depuis cités dans le cours de cet article. Les derniers ouvrages parus et non cités sont : J. Chaix-Roy, Pascal et Port-Royal, in-12, Paris, 1930 ; Maury, Trois histoires spirituelles, saint Augustin, Luther, Pascal, in-8°, Paris, 1930 (coll. Cahiers de Foi et vie) ; Henri Petit, Images : Descartes et Pascal, in-16, Paris, 1930 ; V. Giraud, Pascal, œuvres choisies, Paris, 1931.

Ouvrages plus importants parus sur Pascal, en dehors des Dictionnaires et Encyclopédies et des Histoires de la littérature et de la philosophie. (Les ouvrages français, dont le lieu d’édition n’est pas indiqué, ont été publiés à Paris.)

J. Bertrand, Biaise Pascal, 1891 ; P. Boutroux, Pascal, 1919, collection Les grands écrivains de la France ; P. Brunschvicg, Le génie de Pascal, 1914 ; J. Chevalier, Pascal, 1922, collection Les maîtres de la pensée française ; V. Cousin, Des Pensées de Pascal, Rapport à l’académie sur la nécessité il’une nouvelle édition de cet ouvrage, 1843 ; Dnz, Éludes sur le scepticisme de Pascal, 1886 ; Flottes (abbé), Étude sur Pascal, Montpellier, 1846 ; V. Giraud, Pascal, l’homme, l’œuvre, l’influence, 2e édit., 1900 ; Biaise Pascal, études d’histoire morale, 191 1, recueil d’articles parusdans la Quinzaine et la Revuedes Deux Mondes ; Gory, Des Pensées de Pascal, considérées comme apologie du christianisme et des conditions actuelles de l’apologétique, Laigle, 1883 ; P. Hatzfeld, Pascal, 1901, collection Les grands philosophes ; L. Janssens, La phi-