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PASCAL. SES DERNIERS. SENTIMENTS


videntielle. A ses côtés ou derrière lui, dans la première partie du xix c siècle, les penseurs catholiques, soucieux de rendre à la religion, pour le bien social, son influence sur les âmes, Bonald, de Maistre, mais surtout l’auteur de l’Essai sur l’indifférence se souviennent de Pascal, tandis que la lecture de Pascal provoquait en Maine de Biran une évolution philosophique et religieuse. Cf. Navelle, Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, Paris, 1857, et Fontemoing, Maine de Biran, critique et disciple de Pascal, 1914. — - Mais c’est surtout après que Cousin eut publié son fameux Rapport, 1842, Faugère, 1844, et Havet, 1852, leurs éditions des Pensées, que l’attention s’attacha davantage à l’Apologie. Tandis alors que les uns acceptent la théorie de Cousin, d’un Pascal sceptique malgré lui, écrivant les Pensées pour s’obliger à croire, ou le jugement de Sainte-Beuve qui, consacrant au seul Pascal le t. m ou à peu près de son Port-Royal, déclarait que son Apologie « avait fait son temps », loc. cit., p. 415, les protestants Vinet et Astié jugeaient que Pascal pouvait être utile à leur cause avec son appel à l’expérience religieuse et, aux apologistes catholiques, bon , gré, mal gré, s’imposait, parmi les autres preuves, la preuve psychologique ou du fait interne, tels Lacordaire, le cardinal Deschamps et le sulpicien Brugère.

Dans la dernière partie du xixe siècle, s’il demeure vrai, comme le dit Boutroux, loc. cit., p. 201, que plusieurs, ainsi les Amis de Pascal, en étudiant sa vie et ses écrits, avec un soin religieux, pensent moins à lui demander des armes ou des arguments en faveur de telle ou telle doctrine qu’à l’étudier de manière à se faire une juste idée de ce qu’il a été véritablement », une école d’apologistes, en France et au dehors, est née de lui ou plus exactement plusieurs relèvent de lui, « les uns se bornant avec plus ou moins de bonheur — et d’orthodoxie — à l’argument psychologique et allant de l’âme à la foi, de nos instincts les plus hauts à leur satisfaction surnaturelle », .lanssens, loc. cit., p. 385 ; les autres accordant au fait interne une place plus ou moins importante, mais faisant appel aussi aux preuves externes. Parmi les apologistes contemporains, disciples de Pascal, on peut citer, en se bornant aux morts : Ollé-Laprune, Brunetière, Newman qui va plus loin que Pascal quand il voit « le meilleur argument », la pierre angulaire de l’apologétique chrétienne dans « les enseignements de notre cœur et la comparaison entre les exigences de la conscience et les doctrines de l’Évangile ». Cité par Janssens, loc. cit., p. 388-389. Enfin, Pascal est étudié par bien des âmes qui, suivant encore un mot de Boutroux, loc. cit., « s’efforcent de penser à sa suite et sous son influence », et d’apprendre de lui « la sainteté, la hauteur et l’humilité d’une âme chrétienne ». Sur ces points, cf. Giraud, Biaise Pascal, études d’histoire morale, Paris, 2e éd., 1911, p. 65 sq. : Pascal et nos contemporains.

VII. La mort et les derniers sentiments de Pascal. — Séparer de Port-Boyal le Pascal des Provinciales ou des Pensées est chose impossible, mais de lui-même, dans les derniers temps de sa vie, ne s’en est-il pas séparé et sur son lit de mort n’en a-t-il pas abjuré les doctrines ?

1° Pascal dans « les guerres civiles » de Port-Royal. Le Formulaire (1661-1662). - — Toujours d’accord sur la doctrine, les solitaires différaient parfois dans les questions pratiques. En 1659, on avait vu aux prises Arnauld et Nicole d’un côté, Singlin et Barcos de l’autre ; puis, à propos d’éclaircissements demandés par Mme de Longueville sur le fait de Jansénius, Arnauld encore, aux côtés de qui Pascal se place, et Barcos ; cf. t. x, n. clxvi, Extraits de lettres d’Antoine Arnauld, introd., p. 59-69 ; texte, p. 70-72.

Plus importante fut dans Port-Boyal « la guerre

civile » du Formulaire. Pascal y figure contre Arnauld. et, dit E. Jovy, loc. cil, t. ii, Les guerres civiles de Port-Royal, p. 182 et 188, « il n’y a pas à en douter, la rupture fut complète… quand Port-Boyal ne lui a plus paru représenter la vérité, Pascal l’a cherchée ailleurs, C’est le cas de distinguer une nouvelle époque de la pensée de Pascal ». J. Chevalier, d’accord avec F. Strowski, loc. cit., t. iv, p. 377 sq., écrit de son côté, loc. cit., p. 331-332 : « Une dernière épreuve, l’affaire de la signature, manifeste le dissentiment latent entre ses amis de Port-Boyal et lui. Lorsqu’il les voit abandonner eux-mêmes la cause de la vérité il comprit que, dans son zèle pour cette vérité qu’il aimait par-dessus toutes choses, il avait mis l’orgueil de son moi humain, au lieu d’y apporter cet esprit de soumission, d’obéissance et d’humilité en quoi consiste le vrai christianisme… et il se soumit. »

Le Formulaire du 17 mars 1657, cf. Jansénisme, t. viii, col. 506 sq., sommeilla jusqu’au début de 1661, où l’Assemblée du clergé, sur l’intervention de Louis XIV, arrêta que tout ecclésiastique, toute personne laïque ou religieuse, donnant l’enseignement, signerait le formulaire. Le 13 avril, le Conseil du roi publiait que les récalcitrants seraient punis comme hérétiques, tandis que le roi faisait vider Port-Boyal d’élèves et de novices. Le Formulaire condamnant les cinq propositions dans l’Augustinus et au sens de Jansénius, les port-royalistes pouvaient-ils le signer ? Sur cette question ils se divisèrent : quelques-uns signèrent purement et simplement, t. x, p. 79 ; d’autres, dont la plupart des religieuses, eussent volontiers refusé toute signature ; d’autres enfin, considérant que signer, c’était trahir la vérité et que, refuser de signer, c’était faire acte à l’égard du roi de rébellion, à l’égard du pape de libre examen, proposèrent de signer, mais en réservant la question du fait. C’est dans ce sens qu’Arnauld écrivait alors un opuscule, daté du 9 juin 1661 et intitulé De la signature du Formulaire où il exposait : 1. que ceux qui ne croient pas le fait de Jansénius ne peuvent signer le Formulaire ; 2. qu’on n’est pas obligé de croire ce fait ; 3. qu’on ne peut empêcher sans injustice la distinction du droit et du fait dans la signature du Formulaire. — Pour servir d’apologie à ceux qui refusent de signer le Formulaire sans restriction, cf. Œuvres d’Arnauld, t. xxi, p. 261330.

Chaque évêque devant faire signer le Formulaire dans son diocèse, Arnauld proposait de signer sans restriction le Formulaire interprété par les mandements où serait formulée la distinction du droit et du fait. Le mandement des vicaires généraux de Paris — Betz est toujours en exil — fut dans ce sens. Très habilement rédigé, il se bornait à exiger « la croyance pour la décision de foi et le respect entier et sincère à l’égard des faits ». Pascal y avait très probablement collaboré ; cf. n. clxvii, Ordonnance des vicaires généraux pour la signature du Formulaire, t. x, p. 82-86. « Ce mandement sauveur », Gazier, loc. cit., p. 129, « un miracle », disait un janséniste, fut, dans Port-Boyal, le point de départ d’une guerre civile autrement grave que les précédentes et où Pascal prit une part autrement active. Tandis que, guidées par Arnauld, les religieuses de Port-Boyal de Paris signaient le Formulaire, - après ce court préambule « qu’elles embrassaient absolument et sans réserve la foi de l’Église », des intransigeants, Perrault, Viret, Le Boy et d’autres, protestaient qu’une signature dans ces conditions ne sauvegardait pas la vérité et qu’il fallait une restriction formelle ; les religieuses des Champs ne donnaient que malgré elles la signature demandée, en particulier sœur Sainte-Euphémie Pascal, qui mourut inconsolable de son acte, le 4 octobre suivant.

Mais ce mandement, déclaré nul par une assemblée