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    1. PASCAL##


PASCAL. PHILOSOPHIE, PRINCIPES DE CONNAISSANCE

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(Des principes de la philosophie, cf. Descartes, De principiis philosophiœ). qui font penser à « cet autre qui crève les yeux, De omni scibili » ; mais « cela est ridicule, car cela est inutile, incertain et pénible ». Fr. 72, 79. Pour arriver « à comprendre les choses, il faudrait

une capacité infinie comme la nature » et, dans l’universelle interdépendance des choses, nous ne savons le tout de rien, fr. 72 ; puis, « il ne faut pas juger de la nature selon nous, mais selon elle », fr. 457, en d’autres termes, où l’expérience ne parle pas nous devrions nous taire. Il faut être soumis au réel. Mais voilà, parce que « nous surpassons les petites choses, nous nous croyons bien plus capables de les posséder », ou « d’arriver au centre des choses que d’embrasser leur circonférence ». Fr. 72. Enfin, de même qu’en géométrie nous appelons principes premiers ceux où s’arrête la raison analytique, « nous appelons un point indivisible celui au delà duquel nos sens ne perçoivent plus rien, quoique divisible infiniment et par nature ». Ibid. « Descartes inutile », fr. 78, ici comme en d’autres questions Descartes n’a pas vu que la nature est un immense symbole religieux, ou chiffre. « La nature est une image de la grâce et les miracles visibles sont images des invisibles. » Fr. 675, cf. Lettre TV à Mlle de Roannez, t. vi, p. 90.

c. Le problème de Dieu. — La raison peut-elle le résoudre ? En partant, comme il le faut pour que ses conclusions soient légitimes, des idées et des principes premiers que lui fournit le cœur, des faits que lui fournissent l’observation interne et l’expérience, peut-elle établir avec certitude que Dieu est et ce qu’il est ?

Pascal n’a pas discuté la question spéculativement : placé sur le terrain pratique et uniquement soucieux d’amener les âmes à la foi, il envisage avant tout dans la solution d’un problème, son efficacité. Mais il a écrit, fr. 233 : « Parlons maintenant selon les lumières naturelles. S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible ; n’ayant ni parties, ni bornes, il n’a nul rapport avec nous ; nous sommes incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. » C’est la préface du pari. L’abbé de Villars, Traité de la délicatesse, dialogue V, édit. de Hollande, 1671. p. 115, blâme Pascal de dire à un libertin que, « par raison, on ne peut concéder que Dieu est ». Bayle. qui cite ce passage de Villars, art. Pascal, note i", répond que ce propos préparatoire au pari est une concession feinte de Pascal au libertin afin de le mieux gagner. Des critiques ont jusqu’aujourd’hui partagé cet avis. Pascal « concède, dit le P. Valensin, Revue d’apologétique, 15 octobre 1919, Note sur le pari, p. 65 (disons-le une fois pour toutes, c’est là une concession ad hominem, tout le contexte des Pensées en témoigne), que l’existence de Dieu n’est pas susceptible d’une démonstration rigoureuse ». D’autres critiques - - et le contexte immédiat : « Parlons maintenant selon les lumières naturelles ». semble justifier leur façon de voir estiment au contraire que c’est bien là l’opinion de Pascal et « son opinion raisonnée à l’appui de laquelle il fait valoir son principe coutumier emprunté à la philosophie grecque, que le semblable seul connaît le semblable ». Laporte, Le cœur et la raison selon Pascal, loc. cit., p. 108.

Pascal accepte cependant qu’ici, comme ailleurs, la raison a son mot à dire, que son assentiment est même nécessaire, cf. fr. 253, 254, et aide même à la foi. Fr. 245. Or, il y a « des preuves de Dieu ». Fr. 233. Sans doute, Pascal parle avec ironie de ceux qui disent aux athées « qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses et qu’ils verront Dieu à découvert, et leur donnent pour toute preuve… le cours de la lune et des planètes, et prétendent avoir achevé sa preuve avec un tel discours », et aussi des théologiens, dont le jésuite

Coton, qui entendaient donner comme base à notre connaissance naturelle de Dieu, non pas des preuves en forme, mais une connaissance spontanée surgie au spectacle des choses, cf. Dieu (Connaissance naturelle de), t. iv. col. 865. Pour lui, il estime que c’est là « donner aux athées sujet de croire que les preuves de la religion sont bien faibles », et « il voit par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris ». Fr. 242. Du moins il admet que s les philosophes et les savants » peuvent se démontrer « un Dieu auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments », ou encore un « Dieu considéré comme grand, et puissant et éternel, ce qui est proprement le déisme », fr. 556, ou la religion naturelle. En d’autres termes, il admet que l’on puisse donner des preuves physiques et métaphysiques de l’existence de Dieu.

Comment concilier ces deux thèses ? En se plaçant sur le terrain des faits. Que révèle l’expérience ? C’est que ces sortes de preuves sont impuissantes sur certaines âmes, laissent les autres exposées à des doutes et prêtent flanc à toutes les objections. Prenez les preuves physiques. Elles sont pour quelques-uns « un moyen de connaître Dieu ». Fr. 556. Mais les mêmes preuves exposées de la même manière laissent d’autres âmes dans l’athéisme. D’ailleurs ces preuves, que l’Écriture n’emploie pas, sont dangereuses. Nous apprenons tous les jours à connaître la nature. Peut-on bâtir une démonstration sur des affirmations qui, un beau jour, se trouveront caduques ? Une science erronée n’a-t-elle pas permis à quelques-uns d’attaquer l’Écriture ? Fr. 266 ; cf. Droz, loc. cit., p. 95-97. C’est pourquoi à ces preuves, « aussi vieilles que le monde et la raison humaine », dira Cousin, Éludes sur Pascal, Paris, 1857, p. 60, il préfère les preuves métaphysiques. Mais, pour être d’une vérité incontestable, elles ne sont pas d’une efficacité plus grande : elles ne sont pas à la portée de tous ; elles ne convainquent pas non plus tous ceux qui les comprennent et quand on s’est laissé convaincre, « une heure après, on craint de s’être trompé ». Fr. 543. En tout cas, Pascal ne se chargerait pas de convaincre par de tels arguments « des athées endurcis ». Fr. 556. Ce à quoi aboutit pratiquement la raison, quand elle se mêle de discuter avec ses seules lumières le problème de Dieu, les Pomponazzi, les Vanini, les Giordano Bruno, les Campa nella, tous les penseurs du xvie siècle, en Italie et en France, héritiers des Anciens, l’ont bien montré. Quand on pense, après cela, à ce que le mot savoir représente, peut-on dire que « selon les lumières naturelles nous pouvons savoir si Dieu est » ? Le fait de son existence s’impose-t-il donc à tout esprit, sans reprise possible et sans autre condition que de raisonner ?

A plus forte raison, ne pouvons-nous savoir, dans la vérité du terme, « ce que Dieu est ». L’existence et la nature du fini nous les connaissons parce que le fini nous est semblable. « Nous connaissons l’existence de l’infini, et ignorons sa nature parce qu’il a étendue comme nous, mais pas des bornes comme nous. Nous ne connaissons ni l’existence ni la nature de Dieu, parce qu’il n’a ni étendue, ni bornes. » Fr. 233. Le semblable connaît le seul semblable et, comme l’a dit Descartes, « l’infini ne peut être compris que par l’infini » ; cf. fr. 233. Expérimentalement, que voyons-nous en effet ? « Parmi les païens », qui ont édifié leurs religions avec leur seule raison, « deux sortes d’hommes : des adorateurs des bêtes et les autres, adorateurs d’un seul Dieu dans la religion naturelle ». Fr. 609. Ces derniers sont les philosophes. Mais savent-ils vraiment ce qu’est Dieu, quand ils le définissent l’Être nécessaire, le premier Moteur, la Vérité substantielle, « un Être grand et puissant et éternel », « auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments ». quand ils n’ont pas su le faire apparaître comme le