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PASCAL. LES PENSÉES, IIe PARTIE


siste à la digression sur chaque point qu’on rapporte à la fin pour la montrer toujours », fr. 283, autrement dit, que, pour produire une conviction morale pratique, il faut presser l'âme dans le même sens, mais de plusieurs côtés. Toutefois, si, parmi les preuves données, telle ne lui semble pas de nature à prouver seule, pour une âme bien disposée, évidemment, la divinité de Jésus-Christ : ainsi la preuve psychologique de la convenance du christianisme par rapport à l'âme déchue, voir col. 2131 — d’autres preuves, la concordance entre les prophéties et les actes du Christ, par exemple, lui semblent une preuve décisive à elles seules : « Par là, toutes les prophéties étant accomplies, le Messie est prouvé pour jamais. » Fr. 616.

Ces preuves de premier ordre ne sont pas telles, toutefois, qu’elles puissent infailliblement produire la foi : il y faut l’inspiration, et elles gardent quelque « obscurité ». Ainsi le veulent : d’une part, « la grandeur de la religion », fr. 574, car « si on soumet tout à la raison, notre religion n’aura rien de mystérieux et de surnaturel », fr. 273 ; d’autre part, tout un plan divin :

Pascal disait, Art de persuader, toc. cit. : « Dieu a voulu que les vérités divines entrent du cœur dans l’esprit et non de l’esprit dans le cœur, pour humilier cette superbe puissance du raisonnement. » Cela se répète dans les Pensées : « Dieu veut plus disposer les volontés que l’esprit ; la clarté parfaite servirait à l’esprit et nuirait à la volonté. Abaisser la superbe. » Fr. 581. Toutefois l’obscurité n’est pas telle « que ce soit être sans raison que de croire… Il y a de l'évidence et de l’obscurité pour éclairer les uns et obscurcir les autres, mais l'évidence est telle, qu’elle surpasse ou égale pour le moins l'évidence du contraire, de sorte que ce n’est pas la raison qui puisse déterminer à ne pas la suivre ; et ainsi, ce ne peut être que la concupiscence ou la malice du cœur et, par ce moyen, il y a assez d'évidence pour condamner et non assez pour convaincre : afin qu’il paraisse qu’en ceux qui la suivent, c’est la grâce et non la raison qui fait suivre, et qu’en ceux qui la fuient, c’est la concupiscence et non la raison qui fait fuir. » Fr. 564. Regardez Jésus-Christ. C’est vraiment dans un clair-obscur du même genre qu’il se présente. Il est comme son Père et pour les mêmes raisons, Deus absconditus. « Dans son avènement de douceur… voulant paraître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il tempère sa connaissance, en sorte qu’il a donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent et non à ceux qui ne le cherchent pas. Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. » Fr. 430.

Ainsi, d’une part, il n’y a pas à blâmer les chrétiens de ne pouvoir rendre compte de leur foi, cf. fr. 233 cette obscurité même est preuve qu’elle vient de haut « Reconnaissez la vérité de la religion dans l’obscurité même de la religion. » Fr. 565. D’autre part, « il y a des marques sensibles dans l'Église » de la divinité de Jésus-Christ ; ces marques ou preuves ne sont pas d’une évidence contraignante « aux plus aveugles », fr. 430 ; cette évidence n’apparaît qu’aux âmes « qui cherchent de tout leur cœur ». Tout dépend donc d’un certain état moral. Est aveugle qui veut l'être ; est éclairé qui veut l'être. Vue capitale : « On n’entend rien aux ouvrages de Dieu, si l’on ne prend pour principe qu’il a voulu aveugler les uns et éclairer les autres. » Fr. 566. Jésus-Christ a dit cela nettement, fr. 756, et agi dans ce sens. Ibid.

3. Exposé des preuves directes et positives.

Cet exposé est la partie la moins poussée de l’Apologie. Elle vaut cependant d'être étudiée. « Il y a là quelques-uns de ces traits déterminants, quelques-uns de ces

éclairs qui sortent du centre de la nue et qui suppriment les intervalles obscurs. » Sainte-Beuve, loc. cit., p. 446.

a) Pascal et la véracité des Écritures. — Plusieurs preuves sont tirées de l'Écriture. Mais Pascal n’a pas « les exigences d’une science exégétique qui ne faisait alors que de naître ». Dedieu, loc. cit., p. 485. Comme tout croyant, il tient l'Écriture pour authentique, inspirée, et il accepte l’interprétation traditionnelle qu’acceptent les disciples de saint Augustin.

L’authenticité de l’Ancien Testament lui paraît d’ailleurs garantie par le peuple juif et sa merveilleuse continuité : « Toute histoire qui n’est pas contemporaine est suspecte », fr. 628 ; or, « on ne peut douter ici que le livre soit aussi ancien que le peuple ». Ibid. Et ce peuple qui a échappé à toutes les transformations qu’apportent le temps et la vicissitude des choses, fr. 629, « a porté avec amour et tidélité partout » ce livre qui, plus d’une fois, le condamne. Fr. 631. La Bible, il est vrai, raconte la création, le déluge, tous les événements antérieurs à Moïse. Mais « c’est moins la longueur des années que la multitude des générations qui rendent les choses obscures ; la vérité ne s’altère que par les changements des hommes. » Fr. 624. Or, entre Moïse et ces faits, il y a peu de générations. « C’est par ce moyen que Moïse met les deux choses les plus mémorables qui se soient jamais imaginées, la création et le déluge, si proches qu’on y touche. » Ibid.

Quant aux Évangiles, « les hérétiques, au commencement de l'Église, servent à prouver les canoniques ». Fr. 569. Que l’on n’objecte pas « la divergence apparente des Évangiles », fr. 755 : « Plusieurs évangélistes pour la confirmation de la vérité : leur dissemblance utile. » Fr. 654. Enfin rien que leur manière de s’exprimer prouve « leur origine divine ». Fr. 798 et 797.

b) Témoignage qu’apporte à Jésus-Christ ce fait que l’Ancien et le Nouveau Testament concordent en lui. — « Le vieux Testament est un chiffre », fr. 691, et « le chiffre a deux sens », fr. 678 : un sens littéral, charnel, figuratif, qui aboutit « à des contrariétés », fr. 685, et un sens spirituel, où s’accordent toutes les contrariétés, caché, et dont le charnel est figuratif. Fr. 678. Dans l’Ancien Testament, les Juifs n’ont vu que le charnel. Mais il a un sens spirituel qui concerne le Messie. Or, ce sens spirituel concorde avec tout ce que le Nouveau Testament nous montre réalisé en Jésus-Christ et par lui. « La religion des Juifs a été formée sur la ressemblance à la vérité du Messie et la vérité du Messie a été reconnue par la religion des Juifs qui en était la figure… La figure a été faite sur la vérité et la vérité a été reconnue sur la figure. » Fr. 673. Une telle concordance est évidemment œuvre surnaturelle et prouve la divinité de Jésus-Christ.

Que les choses temporelles puissent figurer les spirituelles, cela ressort de ce que la nature est une image de la grâce et les miracles visibles une image « des invisibles ». Fr. 675. Que l’Ancien Testament soit figuratif et figuratif du Messie, s’il ne faut pas y « prendre tout spirituellement », excès à éviter autant que d’y « prendre tout littéralement », du moins « dès qu’on a ouvert ce secret, il est impossible de ne pas le voir ». Fr. 680. « Voici les preuves : 1° Preuve par l'Écriture elle-même ; 2° par les rabbins : Moïse Maymon dit qu’elle a deux faces et que les prophètes n’ont prophétisé que de Jésus-Christ ; 3° parla cabale ; 4° par l’interprétation mystique que les rabbins mêmes donnent à l'Écriture ; 5° par les principes des rabbins, qu’il y a deux sens, qu’il y a deux avènements, glorieux ou abject, du Messie ; 6° par la clé que Jésus-Christ et les apôtres nous en donnent. » Fr. 642.

Pascal n’insiste guère que sur la preuve « par l'Écriture même ». « Tout auteur, dit-il, a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent, ou bien il n’a