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PASCAL. LES PENSÉES, IIe PARTIE

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L’inspiration ou la grâce est la condition nécessaire, puisqu’on est dans l’ordre de la charité. « La religion chrétienne n’admet pas pour ses vrais enfants ceux qui croient sans inspiration ; les inspirations seules peuvent faire le vrai et salutaire effet. » lbid. A elle seule, elle peut même être une condition suffisante. « Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire, et ainsi ils sont très efficacement persuadés. » Fr. 287.

Toutefois, l’homme ne doit pas attendre passivement l’heure de Dieu. Vous qui obéissez à la sagesse et cherchez la foi, « apprenez de ceux qui ont été liés comme vous et qui parient maintenant tout leur bien » quel chemin vous devez suivie et comment l’on guérit du mal « dont vous voulez guérir ». Fr. 233. Il faut « ouvrir son esprit aux preuves et s’y conformer par la coutume et s’offrir par les humiliations aux inspirations ». Fr. 245.

La raison ou l’étude des preuves. — « Deux excès : exclure la raison ; n’admettre que la raison. » Fr. 253. « La foi est un don de Dieu » et non « un don de raisonnement », fr. 279 ; elle est « différente de la preuve », puisque « l’une est humaine et l’autre un don de Dieu », néanmoins l’étude des raisons de croire n’est pas inutile. « La preuve est souvent l’instrument de la foi, fides ex auditu. » Fr. 248. Puis, si « les preuves ne convainquent que l’esprit », fr. 252, c’est déjà quelque chose. « La raison nous commande, en effet, bien plus Impérieusement qu’un maître ; car en désobéissant à l’un, on est malheureux et en désobéissant à l’autre, on est un sot. » Fr. 345. Puis les preuves nous enlèvent tout motif de nous refuser « à l’inclination de suivre la religion, si elle nous vient dans le cœur », fr. 289, et « une fois que l’esprit a vu où est la vérité », il devient légitime de se pénétrer d’une croyance par la coutume.

La coutume ou l’automatisme cherché. — « Nous sommes automate autant qu’esprit. » Fr. 252. L’étude des preuves n’est donc pas l’unique moyen — purement humain — d’acquérir une croyance, ou de s’y prêter, ou de la garder. Par la coutume, en effet, un sentiment est créé, qui nous fait agir automatiquement et comme par instinct. La coutume dicte souvent nos jugements ; elle fait la force des lois, on l’a vu. C’est elle « qui fait …les Turcs, les païens, les métiers, les soldats, etc. » Elle fait « nos preuves les plus fortes et les plus crues ; elle incline l’automate qui entraîne l’esprit sans qu’il y pense… L’habitude, sans violence, sans art, sans argument nous fait croire les choses et incline nos puissances à cette croyance, en sorte que notre âme y tombe naturellement. » lbid. Et qui ne le sait ? « La raison agit avec lenteur et avec tant de vues ou tant de principes, qu’à toute heure, elle se trompe ou s’égare, le sentiment agit en un instant et est toujours prêt à agir » et, « quand la raison prononce et que l’automate est incliné à croire le contraire », il est impossible de suivre la raison. lbid.

En conséquence : qui a la foi doit vivre sa foi, « afin de s’abreuver, de se teindre de sa croyance, autrement elle sera toujours vacillante ». lbid. Cf. fr. 89 : « Celui qui s’accoutume à la foi, la croit et ne peut plus croire autre chose. » — L’incrédule qui a vu que croire est chose fondée en raison, mais objecte encore : « Rien ne paraît », fr. 247, qu’il incline en lui vers la foi « l’automate par la coutume. » Fr. 252. C’est même là, la conséquence logique, immédiate, du pari. Vous voyez qu’il faut aller à la foi et « vous voulez y aller ». Comment donc ont fait ceux qui, partis du même point que vous, sont arrivés ? « En faisant tout comme s’ils croyaient. » Fr. 233. D’abord, ne permettez donc pas à l’automate « de s’incliner au contraire de la religion ». Fr. 252. Ne vous faites pas d’illusion en effet : « C’est

la concupiscence et non la raison qui nous fait fuir la religion. » Ne dites pas ; « J’aurais bientôt quitté les plaisirs, si j’avais la foi….Moi, je vous dis : Vous auriez bientôt la foi, si vous aviez quitté les plaisirs », fr. 240, et combattu vos passions. « Elles sont votre grand obstacle. » Fr. 233. « Un Dieu si pur ne se découvre qu’à ceux dont le cœur est purifié. » Fr. 737. Inclinez ensuite l’automate dans le sens même de la foi, « en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc. Naturellement, cela vous fera croire et vous abêtira », fr. 233 ; c’est-à-dire, non pas vous rendra inintelligent, ce qui n’aurait aucun sens, ni vous fera croire -- malgré votre raison — ce que Pascal, d’après Cousin, on l’a vii, aurait cherché pour lui-même, — mais pliera en vous l’automate, la machine, la bête, au sens cartésien du mot, et vous fera prendre des habitudes qui auront la nécessité d’un instinct. Cf. Œuvres, t. xiii, p. f 54, n. t ; Gilson, Revue d’histoire et de philosophie religieuses, juillet-août 1921, et Baudin, loc. cit., avril 1924.

Que l’incrédule ne dise pas. A quoi bon ? puisque « selon la religion même, quand il croirait ainsi, cela ne servirait de rien ». Fr. 247. L’inspiration suppose des dispositions morales dont la première est l’humilité. Or, qui se conforme à la foi par la coutume, « s’offre par les humiliations aux inspirations ». Fr. 245. Car, si « c’est être superstitieux de mettre son espérance dans les formalités, c’est être superbe de ne pas vouloir s’y soumettre ». Fr. 249. « fl faut que l’extérieur soit joint à l’intérieur, pour obtenir de Dieu, c’est-à-dire, que l’on se mette à genoux, prie des lèvres, etc., afin que l’homme qui n’a pas voulu être soumis à Dieu le soit maintenant à la créature. » Fr. 250.

L’élude des preuves.

1. Leur énumération. — « 1° La religion chrétienne par son établissement, par

elle-même établie si fortement, si doucement étant si contraire à la nature ; 2° la sainteté, la hauteur et l’humilité d’une âme chrétienne ; 3° les merveilles de l’Écriture sainte ; 4° Jésus-Christ en particulier ; 5° les apôtres en particulier ; 6° Moïse et les prophètes en particulier ; 7° le peuple juif ; 8° les prophéties ; 9° la perpétuité, nulle religion n’a la perpétuité ; 10° la doctrine, qui rend raison de tout ; 11° la sainteté de cette loi ; 12° par la conduite du monde. » Fr. 289.

Ce sont là uniquement des preuves par les faits faits de l’histoire ou de l’expérience morale, car les faits de cette sorte comme ceux de la nature commandent la soumission des esprits. Ce sont là aussi les preuves traditionnelles de la divinité de Jésus-Christ. L’une d’elles a déjà été exposée : « La doctrine, qui rend raison de tout » ; c’est cette preuve qui a obligé le libertin à chercher la foi et à étudier les autres preuves.

Pascal s’en fùt-il tenu à ces preuves ? Dans quel ordre les eùt-il développées ? On ne sait.

2. Leur force démonstrative.

Faut-il attribuer à Pascal cette vue où Filleau dit être son écho : peut-être ne peut-on « démontrer dans la rigueur de la géométrie qu’aucune de ces preuves en particulier soit indubitable, elles ont néanmoins une telle force, étant assemblées, qu’elles convainquent tout autrement que ce que les géomètres appellent démonstration », Qu’il y a des démonstrations…, dans Rev. de métaph. et de mor., 1923, p. 220 ? En d’autres termes, Pascal eût-il pensé, comme Newman, que la certitude que l’on en tire vient de leur convergence, alors que, prises séparément, ces preuves ne donneraient que des probabilités ? J. Chevalier, loc. cit., p. 317 et n. 3, juge que Pascal a pensé ainsi et que le cœur fait la synthèse.

Sans doute Pascal juge forte l’impression de ces preuves qui convergent : « Il est indubitable qu’après cela — il vient de les énumérer — on ne doit pas refuser de suivre l’inclination de la suivre (la religion). Fr. 289. Il sait d’ailleurs que l’ordre du cœur « con-