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PASCAL. LES PENSEES, IIe PARTIE


perbe » ; ceux-ci, « s’ils reconnaissaient l’infirmité de la nature, en ignoraient la dignité » et la précipitaient dans la paresse et le désespoir. Fr. 435.

Conclusion. « La nature confond les pyrrhoniens et la raison… les dogmatiques. Que deviendrez-vous, ô hommes, qui cherchez votre véritable condition par votre raison naturelle ? Connaissez donc, superbe, que paradoxe vous êtes à vous-même. Humiliez-vous, raison impuissante ; taisezvous, nature imbécile …et entendez de votre maître, votre condition véritable. Écoutez Dieu. » Fr. 434 ; cf. fr. 693.

b) Les religions que disent-elles ? — a. Dieu évidemment, s’il a parlé, ne parle pas par toutes. Si donc il y a une vraie religion, elle doit : 1° rendre compte de toutes « les étonnantes contrariétés » de l’homme. « Les grandeurs et les misères de l’homme sont tellement visibles qu’il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu’il y a quelque grand principe de grandeur en l’homme et quelque grand principe de misère. » Fr. 430 ; cf. fr. 448. 2° Assurer par un secours nécessairement surnaturel cette vérité et ce bien moral auxquels l’homme ne saurait atteindre naturellement, sans quoi, comme les philosophies, elle serait « inutile ». Fr. 78. 3° L’expérience démontrant ceci : « Le bonheur n’est ni hors de nous …ni dans nous », fr. 465, et <* le gouffre infini » qu’est le cœur de l’homme, « ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, Dieu », fr. 425, la vrai religion devra donc nous montrer « que notre vraie félicité est d’être en Dieu » et nous « obliger de l’aimer ». Puis, « nos concupiscences nous détournant de Dieu », elle nous rendra raison « de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien » ; elle nous enseignera « les remèdes à nos impuissances et les moyens d’obtenir ces remèdes ». Fr. 430. Cf. fr. 442 : « La vraie nature de l’homme, son vrai bien, et la vraie vertu et la vraie religion, sont choses dont la connaissance est inséparable. »

b. Or, sur ces points, les religions autres que la chrétienne se sont montrées impuissantes à l’égal des philosophies. - — Ainsi la mahométane « qui nous a donné les plaisirs de la terre, pour tout bien, même dans l’éternité ». Fr. 430.

c. Seule la religion chrétienne répond aux exigences de la vraie religion. — a) Par sa doctrine du péché originel, elle explique les contradictions de l’homme. « Vous nîêtes plus dans l’état de création, dit à l’homme la sagesse de Dieu, car j’ai créé l’homme saint, innocent, parfait, rempli de lumière et d’intelligence. Il n’était pas alors dans les ténèbres qui l’aveuglent et dans les misères qui l’affligent. » Qu’est-il donc arrivé’?Le péché, le péché d’orgueil. « L’homme s’est soustrait à ma domination, s’égalanl à moi par le désir de trouver sa félicité en lui-même. » Le péché a appelé le châtiment : la perte de la grâce et, parla, l’ignorance et la concupiscence : « Je l’ai abandonné à lui ; toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées. Les sens, indépendants de la raison et souvent maîtres de la raison, l’ont emporté à la recherche des plaisirs. Il reste aux hommes quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. » Fr. 430. Ainsi parle le livre le plus ancien du monde, livre extraordinaire que les chrétiens ont reçu des Juifs — qui en ont été ainsi à travers les siècles, les aveugles gardiens — comme un livre sacré, dans lequel sont exposées les volontés de Dieu et l’histoire de l’homme, la Bible.

Comme s’éclaire le mystère de l’homme 1 Comme s’expliquent sa misère : qui est misérable est puni ; ses contradictions : les philosophes, plaçant la grandeur et la faiblesse dans le même sujet, ne pouvaient les concilier ; la foi les montrant dans deux sujets différents, l’homme avant le péché, avec la grâce, et l’homme

après le péché, privé de la grâce, les concilie admirablement. Et l’expérience confirme la foi : « Observez-vous vous-mêmes et voyez si vous ne trouvez pas en vous les caractères vivants de ces deux natures. » Fr. 430. La raison des effets, la voici donc : le péché originel.

Mais, dit le libertin, ce péché est « incompréhensible ». Possible. Mais notre raison n’est pas la mesure du réel et « ce qui est incompréhensible ne laisse pas d’être ». Fr. 430. Et, si « ce mystère est le plus éloigné de notre connaissance », sans lui, « nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mêmes », de sorte que « l’homme est plus incompréhensible sans ce mystère » que ce mystère n’est incompréhensible à l’homme. Fr. 434. Ce mystère ainsi présenté prend toute la va leur d’une explication rationnelle.

p) Elle offre en Jésus-Christ le remède à toutes nos misères. « C’est en vain, ô hommes, que vous cherchez en vous-mêmes le remède à vos misères. Les philosophes vous l’ont promis et ils n’ont pu le faire… Ils n’ont pas seulement connu les maux. » Fr. 430. Or, deux mots résument toute la religion chrétienne : « Adam, Jésus-Christ. » Ibid., et fr. 523. Par la faute d’Adam, l’homme est « déchu de Dieu » ; par Jésus-Christ, « médiateur » entre Dieu et « l’homme déchu », sont réparées les suites du péché originel. Fr. 547.

Par Jésus-Christ et par lui seul, est effacée notre ignorance : « Par Jésus-Christ et en Jésus-Christ, on prouve Dieu et on enseigne la morale et la doctrine. » Ibid. : « Nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ ; nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. » Fr. 548. L’homme s’égare s’il ne connaît à la fois Dieu et sa misère. Or, « on peut bien connaître Dieu sans sa misère, et sa misère sans Dieu, mais on ne peut connaître Jésus-Christ, sans connaître tout ensemble et Dieu et sa misère. » Fr. 556. « Jésus-Christ est l’objet de tout et le centre où tout tend. Qui le connaît, connaît la raison de toutes choses. » Ibid. « Sans l’Ecriture qui n’a que Jésus-Christ pour objet, nous ne connaissons rien et ne voyons qu’obscurité et confusion dans la propre nature. » Fr. 548.

De même pour le bien et le bonheur et en face de la concupiscence. « Sans Jésus-Christ, il faut que l’homme soit dans le vice ou la misère ; avec Jésus-Christ l’homme est exempt de vice et de misère. En lui est toute notre félicité. Hors de lui, il n’y a que vice, misère, désespoir. Fr. 546. « La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de Dieu fait le désespoir. La connaissance de Jésus-Christ fait le milieu, parce que nous y trouvons Dieu et notre misère. » Fr. 527. « Nul n’est heureux comme un vrai chrétien, ni raisonnable, ni vertueux, ni aimable. » Fr. 541. « Il n’y a que la religion chrétienne qui rende l’homme aimable et heureux tout ensemble. » Fr. 542.

Conclusion. « Si Pascal n’a pas entendu donner par là une démonstration rigoureuse de la vérité de la religion chrétienne, non plus que du péché originel, du moins, il a voulu montrer que cette religion a cette première et importante marque de vérité qu’elle comprend tout l’homme et qu’elle est faite pour tout l’homme. » Delbos, La philosophie française, Paris. 1919, p. 86. En d’autres termes, le christianisme n’est pas démontré divin, mais ce fait, que seul il explique l’énigme de l’homme, que seul il propose le remède à l’état monstrueux de l’homme et qu’ainsi seul il s’adapte à l’homme, lui donne chance de venir de Dieu et s’impose à l’attention de tout homme honnête et qui pense. Le libertin se doit donc de continuer son enquête sur les croyances chrétiennes. Et c’est le problème de Jésus-Christ qui s’impose à lui.

    1. DEUXIÈME PARTIE##


DEUXIÈME PARTIE. DÉMONSTRATION DIRECTE DE LA VÉRITÉ DU CHRISTIANISME ET DE LA DIVINITÉ DE

Jésus-christ. — 1° De la méthode à suivre et de l’étal