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    1. PASCAL##


PASCAL. LES PROVINCIALES, ANALYSE

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aucun signe de regret que des promesses cent fois violées, sans pénitence s’ils n’en veulent pas accepter, sans quitter les occasions des vices s’ils en reçoivent de l’incommodité. Mais la licence se porte jusqu’au renversement de la loi de Dieu. On viole le grand commandement, et l’on va jusqu’à prétendre que la dispense d’aimer Dieu est l’avantage que Jésus-Christ a apporté au monde », t. v, p. 273-274. Ce qui l’irrite surtout c’est la pensée que l’attrition « conçue par la seule crainte des peines, et sans quelque amour de Dieu… suffit avec le sacrement pour justifier les pécheurs ». o Alors, conclut-il, l’on peut être sauvé sans avoir jamais aimé Dieu de sa vie ? » Oui, répond le Père. Il suffit, « à la rigueur », d’observer les commandements et de ne pas haïr Dieu. La loi évangélique « a déchargé les hommes de l’obligation pénible…, jâcheuse d’aimer Dieu actuellement. — O mon Père, s’écrie Pascal, il n’est point de patience que vous ne lassez. » Ibid., p. 272. Cf. Arnauld, Dissertation théologique sur le commandement d’aimer Dieu. Œuvres, t. xxix, p. 16-73.

4. De la 11e à la 18° Provinciale. —

a) Pascal aurait terminé là les Provinciales. —

Dès mars 1656, par crainte des représailles et du scandale, des amis de Port-Royal avaient supplié Pascal et Arnauld de cesser les Provinciales. Ceux-ci avaient refusé. Mais des faits nouveaux s’étaient produits : le miracle de la Sainte Épine et des merveilles de même ordre ou d’ordre spirituel avaient ému l’opinion et ralenti les rigueurs du pouvoir devenu hésitant. Puis les Provinciales avaient atteint leur but : l’opinion était conquise : les curés de Paris, de Rouen et d’autres villes, des évêques aussi, partaient en guerre contre les casuistes, donc contre les jésuites. Enfin, la question morale semblait épuisée comme la dogmatique. Après la 10e Provinciale, vraisemblablement Pascal est prêt à cesser ce genre de lutte.

b) Mais les attaques de ses adversaires l’obligent à se défendre. - —

Presque aussitôt après les premières Provinciales des réponses avaient paru : les Lettres à un abbé… voir col. 2087, des Considérations sur un libelle de Port-Royal. .., sur la protestation de M. Arnauld et sur les lettres qu’il fait courir dans Paris, par le sieur Maraudé, aumônier de Sa Majesté, Alais, 1656, datées du 20 mars. Après la 5e Provinciale : Réponse et remerciement d’un provincial à M. E. A. A. B. P. A. F. D. E. P. (signature de la 3e Provinciale et qui signifie apparemment Biaise Pascal, Auvergnat, fils d’Etienne Pascal, et Antoine Arnauld) sur le sujet de ses lettres et particulièrement de la cinquième, s. 1., 8 p. in-4o ; Lettres de Philarque à un de ses amis sur le sujet des plaisantes lettres écrites à un provincial, s. 1., 44 p. in-4o.

Aucune de ces pièces n’était des jésuites. « Us ne répondaient pas, disait Philarque, parce que les Provinciales ne sont que la Théologie morale d’Arnauld tant de fois réfutée et qu’elles ne les blessent qu’à fleur de peau. » Le succès des premières Provinciales morales et le miracle de la Sainte Épine les firent changer de tactique. Après la ! "e Provinciale, en même temps qu’une Lettre d’un provincial au secrétaire du Port-Royal, du 25 avril 1656, s. 1., 12 p. in-4o, parut une Première réponse aux lettres que les jansénistes publient contre les jésuites, 8 p. in-4o et qui était de l’un d’eux. On y lit déjà « les arguments que les défenseurs des jésuites reprendront sans cesse contre Pascal ». Œuvres, t. v, p. 112 : 1. Les auteurs de ces Lettres étant jansénistes sont hérétiques : cela devrait suffire ; 2. Ce que les jésuites n’ont écrit que pour les docteurs à qui de telles choses ne sauraient nuire, on les expose en langue vulgaire. .. à des personnes qui ne peuvent distinguer le faux d’avec le vrai, et en les déformant ; 3. Ces Lettres n’offrent de nouveau qu’une « narration digne d’un farceur » ; elles sont « d’un rapiéceur et ravaudeur de la Théologie morale » ; 4. « L’auteur ment souvent avec effronterie ; il fait dire aux auteurs ce qu’ils n’ont jamais dit ; il mutile les passages » ; 5. En matière respectable, il se sert « d’un style railleur et bouffon » ; 6. Ce grief sera traduit ainsi par Bourdaloue : « Ce qu’un a mal dit, on le fait dire à tous ; et ce que plusieurs ont bien dit, on ne le fait dire à personne. » Sermon sur la médisance pour le 6e dimanche après la Pentecôte. Et la brochure concluait : « Les savants se sont moqués de ces Lettres ; les gens de bien les ont détestées ; les simples en ont été scandalisés ; les hérétiques les ont applaudies ; les libertins les ont louées ; les bouffons y ont trouvé leur style : au reste, les jésuites ne demeureront pas sans réponse, l’Église sans censure et le magistrat sans punition. »

Après la 5e Provinciale, 28 mai, tandis que, derrière les curés de Paris s’émeuvent ceux de Rouen, que le miracle de la Sainte Épine fait courir Paris, alors que Rome semble mieux disposée à l’égard de Port-Royal, les jésuites publient une Seconde réponse : Lettre écrite à une personne de condition sur le sujet de celles que les jansénistes publient contre les jésuites, 8 p. in-4o, s. 1., où ils insistent sur l’inconvenance qu’il y a à ne pas parler sérieusement des choses saintes. En même temps, ils cherchent à empêcher la publication des Provinciales et à les faire condamner : à Rouen, le P. Brisacier demande à l’archevêque de les interdire, parce que « périlleuses pour la foi et pour les mœurs, contenant des propositions déjà condamnées, proposant la doctrine de leurs auteurs d’un biais dangereux. .. ridicule… et plein d’injures et de calomnies. » Peu après, l’auteur de la Seconde réponse publiait une nouvelle Lettre à une personne de condition sur la conformité des reproches et des calomnies que les jansénistes publient contre les Pères de la Compagnie de Jésus avec celle que le ministre du Moulin (ministre de la parole de Dieu en l’église de Sedan) a publiée devant eux contre l’Église romaine dans son livre des traditions imprimé à Genève en 1612, 12 p. in-4o, s. I. Le thème en est clair. « Cette importunité des jésuites », pour prendre le mot de Wendrock, Troisième préface, trad. Joncoux, cité t. vii, p. 69, provoquera les huit dernières Provinciales.

c) De la 11e à la 18e Provinciale, Pascal se défend. —

a. De la 11e à la 16e, il défend ses assertions concernant la morale des jésuites. Suite des Provinciales morales. — Celles-ci sont différentes des précédentes : elles sont adressées directement aux « Révérends Pères jésuites » ; le Père casuiste a disparu ; et si Pascal n’abandonne pas tout à fait le ton de l’ironie, son ironie n’est plus légère, elle se fait indignée.

a) 11e Provinciale, (n. lxxxi, t. v : introd., p. 279306 ; texte, p. 307-333), datée du 18 août. Il se défend vigoureusement d’avoir « tourné les choses saintes en ridicule », comme il l’a déjà fait dans la S’Provinciale, loc. cit., p. 157. Les extravagances des casuistes sont-elles une des choses saintes ? Les Pères de l’Église n’ont-ils pas raillé les erreurs ridicules ? La charité, la vérité, la discrétion imposent sans doute des contraintes, mais y a-t-il manqué ? « J’ai toujours pris un soin particulier, dit-il à ses adversaires, non seulement de ne rien falsifier, ce qui serait horrible, mais de ne pas altérer ou détourner le moins du monde le sens d’un passage… Je n’ai pas rapporté des maximes de vos auteurs celles qui vous auraient été le plus sensibles » — celles concernant le régicide et l’avortement — « je n’ai parlé en aucune sorte contre ce qui regarde chacun en particulier. » S’il a été « obligé d’user de quelques railleries », il n’a pas « confondu erreur et chose sainte ». Enfin, il a toujours voulu « le salut de ses adversaires ». Loc. cit., p. 322-323. Les jésuites peuvent-ils en dire autant ? N’est-ce pas se moquer des choses saintes que d’en parler comme les Pères Binet, dans sa Consolation des malades, et Le