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PASCAL. VIE ET ŒUVRES

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ciser la façon dont le monde est construit, avec de la figure et du mouvement », E. Picard, dans Maire, t. i, Préface, p. n ; cf. Pensées, iragm. 76, 77, 78, 79. Descartes « se soumet d’avance à un système de la nature, dont les expériences lui diront ensuite la valeur », tandis que lui « se soumet à la nature et tire ensuite des expériences le système dont il sait d’avance la valeur ». Fabre, Pascal et les sciences, dans Revue hebdomadaire, 14 juillet 1923, p. 248.

3° La première conversion (1646). —

Etienne Pascal était un chrétien exact à remplir ses devoirs, instruit de sa religion. Il fit l’éducation religieuse de son fils comme son éducation scientifique ou philosophique. Il chercha donc à le rendre un chrétien éclairé, « le dirigeant dans la lecture de la Bible, des conciles, des saints Pères et de l’histoire ecclésiastique » ; cf. J. Lhermet, Pascal et la Bible, Paris, s. d. (1931), p. 8, et ferme en ses croyances. Connaissant bien son temps et se trouvant en face d’une intelligence qui cherchait « la raison de toutes choses », il donna à son fils « pour maxime que tout ce qui est l’objet de la foi ne le saurait être de la raison, et beaucoup moins y être soumis ». Mme Périer, Vie de Biaise Pascal, t. i, p. 52 et 59. Par où Pascal était, non pas formé à la sceptique chrétienne, comme dira La Mothe le Vayer, mais mis en garde contre les libertins. Fort jeune, il les regardait comme des gens qui étaient « dans ce faux principe, que la raison humaine est au-dessus de toutes choses et qui ne connaissent pas la nature de la foi ». Mme Périer, loc. cit., p. 60 ; cf. Lhermet, loc. cit., p. 21 sq. ; cf. Iragm. 248. Les Pascal sont pieux, mais pas jansénistes : le bruit fait autour de VAugustinus (1640), de la Fréquente communion (1643), des Lettres spirituelles et chrétiennes de Saint-Cyran, ne les a nullement émus. Biaise cherche la science et la renommée, lorsque, en 1646, un accident survenu à Etienne Pascal mit la famille en rapport avec deux disciples du curé de Rouville, Guillebert, lui-même disciple et ami de Jansénius. Leur charité, leurs propos, le discours de Jansénius, De la réformation de l’homme intérieur, provoquent en Biaise Pascal, prédisposé par son tempérament aux solutions extrêmes et, alors, par des douleurs physiques à se préoccuper davantage des questions religieuses, une véritable conversion. La religion passe au premier plan et la religion selon Jansénius. Il gagne à sa nouvelle ferveur Jacqueline, puis son père, enfin Gilberte et Florin Périer. (Selon Strowski, Biaise Pascal, Œuvres complètes, t. i, in-8°, Paris, 1924, Biographie, p. xxv-xxvi, et d’après une phrase de la Lettre de Biaise Pascal à Mme Périer sur ta mort de son père, c’est Etienne Pascal qui aurait converti Biaise et ses sœurs.) Naturellement on a voulu expliquer ces conversions par une névrose ; cf. Richet, La suggestion religieuse et réciproque dans ta famille de Pascal, dans Revue de l’hypnotisme, décembre 1914.

Aussitôt il se montre militant. Un ex-capucin, Jacques Forton, sieur de Saint-Ange, à qui des conférences de vulgarisation théologique et philosophique ont valu à Paris quelque réputation et aussi des difficultés et qui les publie alors dans un grand ouvrage, Conduite du jugement naturel, dont la troisième et dernière partie, La troisième partie du jugement dans les sciences ou méditations théologiques sur les mystères de notre foi, vient de paraître (1645), est alors à Rouen. Il croit à la quasi-toute-puissance de la raison, qui, bien conduite, peut s’élever seule aux mystères révélés. Il a, avec Pascal et de jeunes disciples de Guillebert, des entretiens sur ce sujet et sur la grâce ; cf. Récit de deux conférences, 1 er et 5 juillet 1647, n. xiii, t. i, p. 349403. Ses jeunes auditeurs dénoncent alors douze de ses propositions à l’archevêque Harlay, et à son auxiliaire, l’ex-évêque de Belley, Camus, et Pascal met toute la puissance impérieuse de son tempérament et de son zèle janséniste à obtenir des deux prélats qui hésitent la condamnation de Saint-Ange ; cf. Ch. Urbain, Un épisode de. la vie de J.-B. Camus et de Pascal. L’affaire Saintvnge, dans Revue d’histoire littéraire, 15 janvier 1895 ; Ch. de Beaurepaire, L’affaire Saint-Ange. Rouen, 1901 ; F. Jovy, Un philosophe victime de Pascal, Jacques Forton et ses écrits, Paris, 1923, et Pascal et Saint-Ange, n. I des Éludes pascaliennes, 1926.

Quelques mois plus tard, venu a Paris pour sa santé, avec Jacqueline — il souffre d’une paralysie des membres inférieurs — il entrait en relations directes avec Port-Royal, sous le patronage de Guillebert. Jacqueline est conquise et veut devenir religieuse à Port-Royal. Biaise l’approuve, mais, devant l’opposition de son père, converti, mais non prêt à tous les sacrifices, elle attend.

En mars 1648. vu les difficultés du moment, Étieni c Pascal donne sa démission et revient à Paris ; cf. Ch. de Beaurepaire, Biaise Pascal et sa famille à Rouen, de 1640 à 1647, dans Précis analytique des sciences, belles lettres et arts de Rouen, 1900-1902. Puis, sans doute a cause de la Fronde, il fait en Auvergne, avec Biaise et Jacqueline, un séjour de dix-sept mois. Rentré a Paris en novembre 1650, il y mourra le 24 septembre 1651. Le 17 octobre suivant, Pascal écrira sa fameuse Lettre à M. et à Mme Périer sur la mort de leur père, n. xli, t. ii, p. 537-561. Plutôt qu’un cri de douleur, cette lettre est un effort pour se hausser aux idées et au langage de Port-Royal. Un chrétien, dit Pascal, ne voit pas la mort avec les yeux d’un Socrate ou d’un Sénèque, « mais dans la vérité que le Saint-Esprit nous a apprise et comme elle apparaît en Jésus-Christ ». comme « une peine du péché ». Si l’homme a horreur de. la mort, c’est l’effet de la concupiscence ; vue en Jésus-Christ, elle est la joie du fidèle. Le chrétien souffre de perdre ceux qu’il aime, mais la grâce lui fournit les raisons et les moyens de se consoler. Comparer la lettre de Descartes sur la mort de son père. Œuvres de Descaries, éd. cit., t. iii, p. 350.

4° Vie mondaine et nouveaux travaux scientifiques (1652-1654). —

Acquis à la religion de Port-Royal, Pascal n’est pas encore absorbé par celle-ci. Après 1646, il ne s’est pas désintéressé de la science et de la gloire. En 1649, durant le voyage d’Auvergne, il mène une véritable vie mondaine : les médecins, il est vrai, lui ont ordonné de se distraire. A Paris, ensuite, il devient l’ami et quelque peu le client d’un grand seigneur, le duc de Roannez, qui a plus de goûts scientifiques que de piété. Après la mort de son père et la fuite de sa sœur à Port-Royal. — craignant la solitude et des embarras d’argent, il s’opposait alors à la vocation de Jacqueline, — privé de ces appuis, « il s’enfonce dans le monde ». Gazier, Histoire de la langue et de la littérature française : Pascal et les écrivains de Port-Royal, p. 500.

Par Roannez, il fréquente la société élégante de l’époque ; il se lie avec Damien Miton, « le Mérimée de son temps », Giraud, Pascal, l’homme, l’oeuvre et l’influence, 2e édit., 1900, p. 3 ; surtout avec Méré, libertin lui aussi, théoricien et type de « l’honnête homme » (cf. Œuvres complètes du chevalier de Méré, publiées par Ch.-H. Boudhors, 3 in-12, Paris, 1930, collection Les textes français, introduction, L’homme avant les ceuvres, t. i, p. ii-liii, et Œuvres posthumes, discours, t. iii, p. 69-176 ; Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. m ; Chamaillard, Le chevalier de Méré, Niort, 1921), et même avec des Barreaux, un « libertin » de qualité inférieure (cf. Lachèvre, Le prince des libertins au XVIIe siècle. Jacques Vallée des Barreaux (1589-1673), in-8°. Paris, 1911 ; Vignié, Pascal et les mondains, dans Mercure de France, 1923, t. clxv, p. 85 sq.).

Pascal et Méré firent ensemble un voyage en Poitou avec Roannez, gouverneur de la province. Moins caté-