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avant de l’initier aux sciences où lui-même brille, le fait de la géométrie découverte (version de Mme Périer), ou simplement saisie et retenue dès la première lecture (version de Tallemant des Réaux, Historiettes, 3e édit.. 9 in-8°, Paris, 1854-1859, t. iv, p. 122, n. 188189), l’oblige à lui enseigner les mathématiques, plus tôt qu’il n’a fixé. Il l’introduira bientôt dans les réunions scientifiques où s’ébauche l’Académie des sciences, à l’hôtel de Condé où se groupent autour de l’athée Bourdelot, Gassendi, le Pailleur, Petit…, surtout à l’hôtel des Minimes où se rencontrent Mersenne, Roberval, Desargues, Carcavi…, il le mettra en relation avec Fermât de Toulouse. Biaise eut une éducation plus scientifique que littéraire et philosophique, plus tournée vers l’observation que vers l’érudition, vers l’observation des phénomènes physiques que vers l’observation psychologique, vers la réflexion sur les faits que vers la spéculation pure ; cf. Adam, L’éducation de Pascal, 1623-1646, dans Revue de renseignement secondaire et supérieur, août 1887 et janvier 1888. Il y eut ainsi des lacunes dans cette éducation ; cf. Siinte Beuve, Port-Royal, t. iii, 4e édit., 1878, p. 85, n. 1 ; Vinet, Études sur Biaise Pascal, 3e édit., p. 137.

2° Les premières œuvres. —

Elles sont naturellement d’ordre scientifique. Elles importent ici cependant parce qu’elles font comprendre certains caractères de l’Apologie. A seize ans, Pascal prépara un Traité des coniques, dont il ne reste qu’un Essai sur les coniques, qu’il publia en 1640, placard in-fol. de 60 lignes, et où se trouve le Théorème de Pascal, t. i, p. 252-260. Cet Essai sera admiré des savants contemporains, Descartes excepté, qui y verra simplement ce que Pascal « avait appris de M. des Argues ». Œuvres de Descartes, édit. Adam-Tannery, t. iii, p. 47 et note. Vers 1612, il invente la Machine arithmétique, qu’il travaillera dix ans à rendre pratique et dont il sera très fier. En 1646, tandis que les choses religieuses le préoccupent déjà, il se passionne pour la question du vide. Il est à Rouen, où son père, compromis dans l’affaire des rentes sur l’hôtel de ville, 1638, puis réfugié en Auvergne et finalement réconcilié avec Richelieu, a été nommé, en 1610, « commissaire député par Sa Majesté en la Haute-Normandie pour l’impôt et la levée des tailles ». Il a appris par hasard de M. Petit, qui tient la chose de Mersenne, l’expérience de Torricelli. Cette expérience il la répète avec des liquides de toute espèce et des tuyaux de toute dimension, et il conclut « en entendant par vide un espace vide de tous les corps qui tombent sous les sens », d’abord, comme le soutenaient déjà quelques-uns, que, si la nature a horreur du vide, cette horreur n’est pas invincible, puisque le vide existe. Enfin il soupçonne — le sentiment de Torricelli est encore inconnu en France — que le principe des phénomènes observés est la pression de l’air. Venu à Paris pour sa santé en 1647, il s’entretient de cette idée avec Descartes et d’autres savants ; mais, ne se fiant qu’aux faits, il organise cette expérience du Puy-de-Dôme que son beau-frère réalisera seulement le 19 septembre 1648 ; cf. Lettre à M. Périer, du 15 novembre 1647, Lettre de Florin Périer à Biaise Pascal avec la relation de l’expérience du Puy-de-Dôme, du 22 septembre 1648, n. xix et xxviii, t. ii, p. 147160 et 349-363. Il répète lui-même à Paris l’expérience. De là, il passe à cette idée que l’équilibre entre un liquide et une masse gazeuse est analogue à l’équilibre entre deux liquides et constitue ainsi un cas particulier d’une loi générale. II prépare enfin un Traité sur le vide, dont il reste le Fragment de préface du Traité sur le vide, n. xviii, t. ii, p. 125-145.

Sur les entrefaites, un capucin de Varsovie, le P. Magni, qui a répété avec succès l’expérience de Torricelli, soutient l’existence du vide dans un travail, intitulé Demonstratio ocularis, juillet-septembre 1647. Pascal tient à sa gloire ; dès le 8 octobre, il publie ce résumé de ses travaux et de ses conclusions : Expériences nouvelles touchant le vide, dédié à M. Pascal, conseiller du roi, par le sieur Biaise Pascal, son fils, le tout réduit en abrégé et par avance d’un plus grand traité sur le même sujet, Paris, 1647, n. xvi, ibid., p. 53-76. Cet opuscule provoquera, entre son auteur et le jésuite Noël, recteur du collège de Clermont, défenseur de la physique traditionnelle, qui publiera au début de 1648 un livre intitulé Le plein du vide, une sérieuse controverse, où interviendra avec quelque rudesse Etienne Pascal, et où le futur auteur des Provinciales raille âprement le jésuite. Aristotélicien imbu de cartésianisme, le P. Noël soutenait l’impossibilité métaphysique du vide par des raisonnements « priori et faisait intervenir la théologie. Ce n’est pas là une question doctrinale, répondra Pascal, et, derrière le P. Noël atteignant quelque peu Descartes, il énoncera avec netteté les conditions de la connaissance scientifique et d’une sûre méthode ; cf. Lettres du P. Noël et Réponses de Pascal, octobrenovembre 1647 ; Lettres d’Etienne Pascal au P. Noël, mars-avril 1648, n. xvi-xxii, xxv, ibid., p. 77-127, 177-211, 253-282.

A la fin de 1618, il publiera le récit de l’expérience du Puy-de-Dôme, sous ce titre qui révèle ses conclusions : Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs, n. xxix, ibid., p. 363-373. Enfin, de 1651 à 1654, il résumera les idées de son Traité du vide, en deux plus petits traités publiés seulement après sa mort : Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air, par M. Pascal, 1653, n. lui, t. iii, p. 156-293. Puis, à la suite de Galilée et de Stevin, renversant la doctrine admise que les éléments d’une masse liquide ne pèsent pas en eux-mêmes, il établit le principe de l’hydrostatique moderne et prélude aux travaux de Mariotte.

Mais Pascal n’a-t-il pas emprunté ces idées qu’il donne pour siennes ? Dans l’expérience du Puy-de-Dôme, par exemple, n’a-t-il pas s’mplement mis en œuvre une idée de Descartes ? — celui-ci le prétend ; cf. Adam-Tannery, loc. cit., Correspondance, t. v, passim, — ou de Mersenne ? Cette question a provoqué, en 1906 et 1907, une controverse animée ; cf. Œuvres de Pascal, t. i, p. xxx sq ; Thirion, Pascal. L’horreur du vide et la pression atmosphérique, qui résume tout le débat, dans Revue des questions scientifiques, IIIe série, t. xii (1907) ; t. xiii (1908) ; t. xiv (1909) ; Pascal n’eût pas été insensible à de telles accusations. Devant une semblable, portée contre lui, sans qu’il fût nommé, dans le prologue de thèses soutenues au collège des jésuites de Montferrand, — il s’est attribué, disait-on, « une expérience dont Torricelli est l’auteur et qui a été faite en Pologne », — il protesta vivement auprès de M. Ribeyre, premier président de la Cour des Aides de Clermont-Ferrand ; cf. Correspondance de Pascal et de M. de Ribeyre, n. xxxix, t. ii, p. 475-509. Ainsi apparaissent clairement, avec rattachement de Pascal à ses idées et son amour pour la science, la puissance intuitive de son esprit, la méthode et les principes dont il ne se départira jamais et qui sont de notre temps : croire « la nature toujours égale à elle-même », autrement dit, constante en ses lois, mais se soumettre aux faits, seule preuve convaincante dans les sciences de la nature et contre lesquels, en aucune matière, l’autorité ne saurait prévaloir ; enfin ne tirer de l’expérience que ses conclusions nécessaires, par conséquent ne généraliser que par degrés. Qu’il est loin d’un Pierre Guifîart publiant en 1647 un Discours sur le vide auquel sont rendues les raisons des mouvements des eaux, de la génération du feu et du tonnerre, de la violence et des effets de la poudre à canon ! Qu’il est loin de Descartes, dont il juge « trop audacieuse la tentative de chercher l’essence de la matière et de pré-