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PASCAL II. LUTTE AVEC HENRI V


liste II. Son voisin, l’archevêque de Lyon, Josceran, se montrait aussi fort animé, et Gérard d’Angoulême, qui, à plusieurs reprises, avait exercé les fonctions de légat pontifical, s’associait à ces deux prélats. Il fut question de rassembler à Anse (sur la Saône) un concile où se traiterait la question de l’investiture laïque et de l’attitude à prendre à l’égard du pape. Des convocations furent adressées par l’archevêque de Lyon, qui s’autorisait de concessions à lui faites par Grégoire VII pour exercer dans les Gaules une autorité primatiale. Nous avons la réponse qu’au nom des évêques de la province de Sens lit à cette proposition, Yves, évêque de Chartres. Voir Mon. Germ. hist., Libelli de lite, t. ii, p. 649 sq. Seul ou à peu près des canonistes de l’époque, celui-ci arrivait à faire le départ exact entre ce qu’il y avait d’absolu et ce qui était pure contingence dans la question des investitures en général et dans l’affaire du pape Pascal en particulier. S’il refusait d’obtempérer à la convocation de Josceran, ce n’était pas seulement par protestation contre une autorité dont les titres lui paraissaient mal assurés, c’est encore parce qu’il ne voyait aucune utilité à des assemblées, in quibus non possumus eas personas contra quas agiiur condemnare vel judicare quia nec nostro, nec ullius hominum probantur subjæere judicio. C’est du pape évidemment qu’Yves de Chartres veut parler et il ajoute qu’après tout, l’attitude prise par celui-ci, n’est pas absolument blâmable, si le pape ne s’y est rangé que pour éviter de plus grands maux. Cette question des investitures, continue-t-il, est infiniment complexe. Parler à ce propos d’hérésie, comme on le fait en ce moment, c’est perdre de vue le sens exact des mots. A pousser les choses au pire, on peut dire seulement que l’investiture donnée par les laïques est une usurpation de pouvoir, qui pour le bien et l’honneur de l’Église doit être supprimée, salvo pacis vinculo si péri potest. Là où l’on peut la supprimer sans schisme, qu’on la supprime. Où elle ne peut l’être sans amener de violentes séparations, cum disercta reclamatione difleratur. Elle n’enlève rien aux sacrements ecclésiastiques et ne les empêche pas d’être saints.

L’attitude énergique d’Yves de Chartres, auquel faisait écho Hildebert du Mans, semble bien avoir empêché la convocation de ce concile d’Anse, qui aurait pu être fort préjudiciable aux intérêts de Pascal. Mais, étant donnée l’excitation qu’avaient causée dans tous les esprits les luttes de la période grégorienne, on comprend assez que cet appel au bon sens et aux principes de la saine théologie ait été peu entendu. Sans doute Gerhoch de Reichenberg exagère-t-il, à son habitude, quand il écrit, parlant de la concession faite par Pascal : Pro qua re universi pêne Francise episcopi consilium inierant qualenus excommunicarent ipsum papam Paschalem tanquam Ecclesiæ hostem et destruclorem, nisi privilegium idem ipse qui dédit damnavisset. De investigat. Antichristi, t. I, c. xxiv, dans Mon. Germ. hist., Lib. de lite, t. iii, p. 334. Mais il est bien certain que ni Josceran de Lyon, ni Guy de Vienne ne cessèrent leur violente opposition. En Lombardie, Placide de Nonantula rédigeait un traité en due forme pour établir qu’il était contraire à tous les principes d’accorder aux laïques le droit d’investiture. Texte dans P. L., t. clxiii, col. 615-690, et mieux dans Mon. Germ. hist., Lib. de lite, t. ii, p. 569-639. Chose curieuse, l’auteur de cet intéressant traité se faisait de la thèse même de la primauté pontificale, qu’il défendait avec beaucoup de zèle, une arme pour attaquer les concessions qui venaient d’être faites. En cette conjoncture, les plus animés contre Pascal, c’étaient précisément ceux qui croyaient davantage à l’autorité suprême du pape dans l’Église.

Devant cette opposition grandissante, le pauvre pape eut un moment de découragement ; il songea à se

démettre du souverain pontificat et à se retirer dans la solitude. Peut-être ce dessein reçut-il un commencement d’exécution. D’après Suger, ad eremum solitudinis confugil, moramque ibidem perpetuam fecisset, si universalis Ecclesiæ et Romanorum violentia coaclum non reduxisset. Vita Lud. Gr., c. ix, P. L., t. clxxxvi, col. 1272 C. L’histoire des évêques d’Angoulême, parlant de l’évêque Gérard et de son rôle dans cette affaire, dit expressément que Pascal, quia rem illicitam fecerat, deponerc se a papalu promiseral et ad Poncianas insulas habitu religioso exul ire disposuerat. Mon. Germ. hist., Script., t. xxvi, p. 823. Mais il est bien difficile de rien préciser sur ce séjour qu’aurait fait le pape à l’île de Ponza. Quoi qu’il en soit de la réalité de cette fugue et de la durée de ce séjour, il est certain qu’une décision s’imposait d’urgence, si l’on voulait éviter un schisme. Un concile réuni au Latran en février 1112 et où l’on comptait 130 évêques s’occupa longuement de la question. Les discussions durent être assez vives, si l’on en croit la notice relative à Gérard d’Angoulême, ci-dessus mentionnée. A la 5e séance, le pape se vit en assez fâcheuse posture ; quelles que fussent les circonstances atténuantes qu’il avait le droit d’invoquer, il reconnut humblement qu’il avait mal agi : Scriptum illud quod magnis necessitatibus coaclus, non pro vita mea, non pro salute aut gloria mea sed pro solis Ecclesiæ necessitatibus sine jratrum consilio aut subscriptionibus feei, super quo nulla conditione, nulla promissione constringimur, prave factum confiteor et omnino corrigi, Domino præstante, desidero. La correction, c’était le concile qui la fournissait le lendemain, 23 février. Le pape ayant déclaré la veille que, vu le serment qu’il avait prêté le 12 avril de l’année précédente, il ne se reconnaissait pas le pouvoir d’anathématiser l’empereur ou simplement de l’inquiéter au sujet des investitures, les membres de l’assemblée, se substituant au moins partiellement au pape, prononcèrent, par la bouche de Gérard d’Angoulême, la sentence suivante :

Privilegium illud, quod

non est privilegium sed vere

débet dici pravilegium, pro

liberatione captivorum et

Ecclesiæ a domno papa Pas chali per violentiam Henrici

régis extortum, nos oranes,

in hoc sancto concilio cum

eodem papa congregato, ca nonica censura et ecclesias tica auctoritate, judicio

Sancti Spiritus damnatum et

irritum esse judicamus, at que ideo cassamus, et ne

quid auctoritatis et efïicaci tatis habeat penitus excom municamus. Ideo autem

damnatum est quia in eo

privilegio continetur quod

electus canonice a clero et

populo a nemine consecre tur, nisi prius a rege inves tiatur, quod est contra Spiri tum sanctum et canonicam

institutionem. Texte dans

Duchesne, Le Liber pontifi calis, t. ii, p. 370 ; cf. Jaflé,

Regesta, p. 745.

Ce privilège, qui n’est

point un privilège, mais qu’il

faudrait plutôt appeler un

sacrilège (le jeu de mot latin

ne peut être traduit que par à

peu prds), extorqué par la

violence du roi Henri au

pape Pascal, pour la libéra tion des captifs et de l’Église, nous tous, dans ce saint con cile rassemblé autour du

pape, de par censure cano nique et de par l’autorité de

l’Église, nous le déclarons

condamné et annulé par le

jugement du Saint-Esprit.

Nous le cassons donc ; et

pour qu’il n’ait autorité ni

efficacité, nous l’excommu nions complètement. Il est

damnable parce qu’on y Ut

précisément qu’un (prélat)

canoniquement élu par le

clergé et le peuple ne doit

être consacré qu’il n’ait reçu

au préalable l’investiture du

roi, ce qui est contre le Saint-Esprit et l’institution cano nique.

A coup sûr la personne même de l’empereur n’est pas expressément condamnée, mais les termes employés, et en particulier cette sentence bizarre qui « excommunie le privilège », montrent bien quelle était la pensée des membres du concile, sinon celle du pape. Le bruit courut bientôt, que, parjure à son serment, Pascal avait excommunié Henri. Ce fut l’occasion de