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PASCAL 1er


tout droit de regard sur l’administration pontificale. Mais, en réalité, le souvenir des incidents pénibles qui, à plusieurs reprises, avaient troublé le règne de Léon III pèse encore sur la cour franque. Le paragraphe sur la souveraineté pontificale se termine par une restriction importante ; l’empereur, y est-il dit, n’écoutera pas les plaintes de ceux qui, de l’État pontifical, viendraient réclamer auprès de lui : exceptis his qui violentiam vel oppressionem potentiorum passi ideo ad nos venerint ut per noslram intercessionem justitiam accipere mereantur, col. 586 A. Ceci ouvre la porte à de multiples interventions, et nous verrons que, sous le pontificat de Pascal 1 er, cette réserve va jouer. En somme, l’empereur n’abdique guère qu’en apparence la suzeraineté sur l’État romain. Par contre, il proclame clairement la liberté de l’élection pontificale, et le droit pour l’Église romaine de consacrer immédiatement le nouvel élu sans avoir à attendre Vcxcquatur impérial : Liceat Romanis… eum quem divina inspiratione et beali Pétri inlercessione omnes Romani uno consilio atque concordia sine aliqua promissione ad ponli ficatus ordinem elegerint sine aliqua ambiguitate vel contradictions more canonico consecrare, col. 580-587. Ce point est d’importance ; on annulait par là le précédent qu’aurait pu constituer l’ancien errement suivi à l’époque byzantine et qui subordonnait la consécration pontificale à la reconnaissance impériale. Toutefois, le Privileqium maintenait une démarche que le pape devait faire après sa consécration. Dum consecratus fuerit, legati ad nos vel ad successores nostros reges Francorum dirigantur, qui inter nos et illum amicitiam et charilatem ac pacem sociant. lbid.

Les relations entre Pascal et Louis se maintinrent en somme dans les limites ainsi tracées ; à plusieurs reprises, on vit des envoyés pontificaux arriver à la cour impériale. Au printemps de 821, se présentent à Nimègue deux dignitaires romains, sur la mission desquels les historiographes de Louis s’expriment de manière un peu mystérieuse. Voir Annales d’Éginhard, P. L., t. civ, col. 490 B, et cf. la Vita Ludovici de l’Astronome, ibid., col. 950 C. En octobre de la même année, toute une légation pontificale est à Thionville pour les fêtes du mariage du jeune Lothaire. Ibid. Mais nous ne voyons pas que le pape ait eu aucune part dans les démarches des ecclésiastiques qui, en 822, imposèrent au débonnaire souverain sa première pénitence publique à Attigny. A l’automne de cette même année, le jeune Lothaire arrivait en Italie, ut justitias facerel, disent les Annales, ibid., col. 495 A. Dès l’année 817, il avait été associé à l’empire par son père qui l’avait couronné à Aix-la-Chapelle. Filium suum primogenitum Hlotharium coronavit (Hludovicus), et nominis atque imperii sui socium sibi constituit. Ibid., col. 484 C. Mais, de même qu’Etienne IV avait profité d’une occasion favorable pour imposer le diadème impérial à Louis le Pieux, déjà couronné par son père Charlemagne, de même Pascal mit-il à profit la présence à Rome du jeune Lothaire, à Pâque 823, pour lui conférer l’onction impériale et la couronne. Peutêtre était-ce après entente préalable avec Louis, comme le pense L. Duchesne. En tout cas, comme le dit fort justement cet historien : « Les princes francs ne voulaient point être empereurs par la grâce du pape, le pape au contraire tenait énormément à les consacrer. Il savait ce qu’il faisait, et sa persévérance finit par fixer la tradition. » Op. cit., p. 96. Lothaire tint d’autre part, à Rome, un plaid de justice, dont mention est faite dans un diplôme impérial de l’anuée 840. Bôhmer-Mùhlbacher-Lechner, Die Regesten des Kaiserreichs, n. 1077 (1043). Le jeune empereur jugea, en faveur de l’abbé de Farfa, les contestations qui s’étaient élevées entre celui-ci et le pape.

Mais la présence en Italie et à Rome du jeune empe reur avait réveillé l’opposition toujours latente contre l’administration pontificale. Pascal s’inspirait en somme des méthodes qui avaient rendu Léon III si impopulaire ; il rencontrait des difficultés analogues. A l’été de 823, on apprit à la cour impériale que des événements sanglants s’étaient déroulés à Rome. Deux dignitaires de premier ordre, le primicier Théodore et le nomenclateur Léon, avaient été massacrés, eo quodse in omnibus fideliter erga partes Lotharii juvenis imperatoris agerent. Annales d’Éginhard, col. 495 C ; cf. Vita Lud., col. 952 ; Thégan, Vita Lud., P.L., t. evi, col. 418. On ne se privait pas de dire, dans les milieux impérialistes, que le pape était complice du mouvement populaire qui avait abouti à ce drame sanglant. La cour impériale décida d’envoyer immédiatement à Rome une commission d’enquête ; c’était l’application même de la réserve clairement marquée dans le Privilegium de 817. La commission se croisa, au départ, avec une ambassade romaine qui se hâtait d’apporter des explications ; on la laissa dire, mais on laissa aussi les enquêteurs poursuivre leur route. Ceux-ci d’ailleurs n’arrivèrent pas à élucider la question. Aussi bien se trouvait-on dans la même impasse où l’on s’était engagé à l’automne de l’an 800 lors des démêlés du pape Léon III avec ses adversaires. Il fallut recourir au même procédé qui avait alors permis d’en finir. Comme Léon III, Pascal se soumit à la formalité de la purgatio per sacramentum. Dans une assemblée solennelle, où figurait un grand nombre d’évêques, il jura qu’il n’avait été pour rien dans les attentats en question, mais que d’ailleurs les victimes avaient bien mérité leur sort : Se ab hujus facti communione… jurejurando purificavit, et inter/ectores prædictorum hominum, quia de jamilia sancti Pétri erant summopere de/endens, morluos velut majestatis reos condemnavit, jure cœsos pronuntiavit. Annales, col. 496 A ; cf. Vita Lud., col. 953 A ; Thégan, t. evi, col. 418. La cour franque se contenta provisoirement de ces explications et de cette procédure. Mais il est bien évident que ces événements l’amenèrent à revenir sur les stipulations du Privilegium de 817. A l’automne de 824, Lothaire reparaissait à Rome. Mais c’est avec Eugène II, successeur de Pascal, qu’il eut affaire, celui-ci était mort depuis le printemps précédent (avril ou mai, la date n’est pas exactement connue). L’enquête faite par l’empereur semble bien avoir révélé des faits peu à l’honneur du pape défunt ou de son administration : repertum est quod quorundam ponli ficum vel ignorantia vel desidia, sed et judicum cieca et inexplebili cupiditate muliorum prsedia injuste fuerint confiscata. Vita Lud., t. civ, col. 954 A. Cf. Bôhmer-Muhlbacher-Lecher, Regesten, n. 1021 (988). Il faut, d’ailleurs, que l’impopularité du pape défunt ait été bien grande, en certains milieux, puisqu’à sa mort le peuple romain voulut empêcher qu’on l’enterrât à Saint-Pierre. Ce fut seulement quand Eugène II eut réussi à se faire unanimement reconnaître, qu’il fit transporter le corps de son prédécesseur à la sépulture que celui-ci s’était préparée dans le transept de droite de la basilique vaticane. Voir Thégan, Vita Lud., n. 30, P.L., t. evi, col. 418.

A distance, les souvenirs de ce pontificat, somme toute assez malheureux, se sont effacés, et la mémoire de Pascal est restée en vénération auprès des archéologues pour les importants travaux de restauration qu’il entreprit dans Rome, à Saint-Pierre, à Sainte-Praxède, à Sainte-Marie in Domnica, à Sainte-Cécile et ailleurs. Plusieurs des belles mosaïques qu’il fit exécuter sont arrivées jusqu’à nous. Sur le détail de ces travaux, voir le Liber pontificalis, avec le commentaire de L. Duchesne.

Il faut signaler également une initiative qui lui fait grand honneur. En 822, d’accord avec l’empereur Louis, Pascal chargeait Ebbon, archevêque de Reims,