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ORDRE. HIÉRARCHIE A TROIS DEGRES


sons qu’autrefois, comme aujourd’hui d’ailleurs, mais à titre exceptionnel, des laïques ont baptisé ; cf. Tertullien. De baptismo, n. 17, P. L., t i, col. 1217. D’ailleurs les sacrements n’exigent pas tous, pour être valides, le caractère sacerdotal en celui qui les administre. Il faut aussi reconnaître qu’en certains cas, dans la primitive Église, des laïques, doués de charismes ou d’une exceptionnelle autorité, ont porté la parole dans les assemblées chrétiennes : tel Origène, cf. Eusèbe, H. E., VI, xix, 16-18. Mais le point important du débat doit se concentrer sur la célébration de l’eucharistie. La consécration de l’eucharistie faite par un laïque a toujours été considérée comme invalide et sacrilège ; voir saint Irénée sur le cas de Marcus, Cont. lurr., i, xiii, 2. P. G., t. vii, col. 579 ; Firmilien de Césarée, S. Cypriani Epist., lxxv, 10, Hartel, p. 816 sq. Saint Cyprien lui-même, estimant invalides les ordinations de Kovatien et des hérétiques, ne croit pas à la validité de leurs consécrations eucharistiques. De cathol. Ecclesiæ unitate, 17 ; Epist., lxx, 2, édit. Hartel, p. 226, 768. M. Hatch assure cependant que saint Ignace d’Antioche regardait comme valide la consécration opérée par des laïques, et il cite Eph., xx, 2 ; Philad., iv, et surtout Smyrn., viii, 1. Mais il faudrait prouver tout d’abord que les trois textes invoqués visent bien une eucharistie semblable à celle de l'Église catholique et une eucharistie célébrée par des laïques. Or, il n’y a pas de doute que l’eucharistie des dissidents visés par Ignace ne différât de celle de l'Église, ces dissidents étant vraisemblablement les docètes, dont il est question Smyrn., vii, 1. Et rien ne prouve qu’il ne s’agisse d’une eucharistie célébrée par des prêtres dissidents eux-mêmes ou tout au moins non délégués par l'évêque.

L’autorité de Tertullien. à demi montaniste ou montaniste déjà déclaré, ne saurait être retenue. Nous nous contentons de renvoyer à Tixeront, Hist. des dogmes, t. i, 9e édit., p. 448, et plus complètement, L’ordre et les ordinations, p. 43-48 ; cf. Ch. Pesch. Prælect. dogmaticse, t. vii, n. 612 et plus loin, col. 1229.

77I. DÉVELOPPEMENT ULTÉRIEUR DE LA HIÉRARCHIE Ecclésiastique. — 1° La hiérarchie à trois degre’s à partir du IIe siècle. — 1. Les Pères apostoliques. — Vers le milieu du iie siècle, le Pasteur d’Hermas paraît encore s’en tenir aux formules de l'âge strictement apostolique : apôtres, docteurs, zTiLoy.onoi. et diacres. Vis., III, v, 1.

L'Église de Smyrne appelle Polycarpe « un docteur apostolique », S'.SâoxaXoç à7 ; oGToÀtxcç. Mart. Polyc, xvi, 2. Mais ce « docteur « est un évêque, au sens que nous attachons aujourd’hui àcemot, /61'rf. ; cf. S. Irénée Cont. hær., III, ni, 4, P. G., t. vii, col. 851. Et, dans l'épître de Polycarpe sont nommés successivement les prêtres, adresse et v, 3 ; vi, 1 ; xi, 1 ; et les diacres, v, 2, 3.

C’est qu’en effet, dès le début du iie siècle existe — et saint Ignace d’Antioche en est le principal témoin dans ses épîtres — une hiérarchie comprenant trois degrés parfaitement distincts avec un nom approprié à chaque degré, l'évêque, désormais unique et chef monarchique de sonÉglise, voirÉvÊQUES.col. lG68sq., les prêtres, souvent désignés par un nom collectif, 7rp£c6uTspiov, et les diacres, eux aussi nommés au pluriel, mais sans former groupe comme les précédents. Voir Eph., v, 1, 3 : vi, 1 ; Magn., iii, vi ; TralL, n, iii, vii, xiii ; Philad.. iii, vii ; Smyrn., vii-ix. En dehors d’eux, il n’y a pas d'Église. Et ce qui est remarquable, au point de vue qui nous occupe, c’est que, pour Ignace, « l'évêque, ses prêtres et les diacres (sont) désignés dans la pensée de Jésus-Christ, èv yiû[rf IvjffoD XpioTOÛ, lequel, selon sa volonté propre, xocxà tô l ! 8tov OéX^jxa, les a établis et confirmés par l’EspritSaint ->. Philad.. adresse.

A côté de la division de la hiérarchie en trois degrés, il y a donc ici l’affirmation très nette de l’institution divine, par Jésus-Christ, de cette hiérarchie. Mais, de plus, la succession apostolique s’y trouve implicitement exigée pour que soit valide la succession dans les pouvoirs. En effet. les épîtres ignatiennes attestent expressément, en 107, « que Polycarpe était évêque de Smyrne, Onésime d'Éphèse, Damas de Magnésie, Polybe de Tralles ; que Philadelphie avait le sien. Aux fidèles de cette ville, (Ignace) parle avec éloge « des Églises qui avaient « envoyé leurs évêques à Antioche, en Syrie ». Philad., x, 2. Comme la plupart des Églises d’Asie Mineure, sinon toutes, avaient des sièges épiscopaux tout au commencement du iie siècle, il faut bien admettre que ces sièges pouvaient exister déjà dix ou vingt ans plus tôt, à savoir du vivant de l’apôtre saint Jean. Il suffît de lire les lettres d’Ignace pour se convaincre que cette hiérarchie ne datait pas de la veille, qu’on ne venait pas d’innover. » Michiels, art. Évêques, dans le Dict. apol. de la foi cath., t. i, col. 1770 ; voir, sur l’origine apostolique des Églises primitives, Évkques, col. 1672-1682 ; Michiels, art. cité, col. 1766-1778.

Pour Ignace, l'évêque possède dans son Église un rôle prépondérant. Il est seul le chef : les prêtres doivent lui être soumis, comme les cordes à la lyre. Eph., iv, 1. L'évêque est l’image de Dieu le Père, les prêtres représentent le collège apostolique. Magn., vi, 1. L’ordre même dans lequel les prêtres sont constamment nommés après l'évêque montre leur infériorité. Enfin, l’expression 7rpeo6uTÉpi.ov montre que les prêtres forment un corps soumis à l’autorité monarchique du seul évêque, qu’ils doivent se borner à encourager. TralL, xii, 2. Toujours nommés 'en troisième lieu, les diacres sont inférieurs aux prêtres et leur sont soumis. Magn., n. Ainsi, le devoir des fidèles est principalement d'être soumis par la foi et l’obéissance à la hiérarchie, mais spécialement à l'évêque. « Ignace ne suppose pas qu’il soit jamais permis de se séparer de l’autorité dans ses vues ou sa conduite : il faut être soumis à l'évêque, au presbytérium, aux diacres, Eph., ii, 2 ; v, 3 ; xx, 2 ; Magn., n, iii, 1 ; vi, 1, 2 ; xiii, 2 ; TralL, ii, 1, 2 ; xiii, 2 ; Philad., vii, 1 ; Smyrn., viii, 1 ; Polyc, iv, 1. Plus particulièrement, Jésus-Christ étant la sentence du Pèie, et les évêques qui vivent sur la terre étant dans la doctrine de Jésus-Christ, èv 'Iy)ooû XpLCTOÛ yvwu.7), il convient de partager la doctrine de l'évêque. Eph., m, 2 ; iv, 1. C’est en ne se séparant pas de JésusChrist, de l'évêque et des préceptes des apôtres que l’on se nourrira de l’aliment chrétien, que l’on s’abstiendra de l’herbe étrangère qui est l’hérésie. TralL, vi, 1 ; vii, 1. Puis, ceux qui sont de Dieu et de JésusChrist sont avec l'évêque ; les schismatiques n’hériteront pas du royaume des cieux. Philad., ni, 2, 3. Et, comme l'évêque est le centre doctrinal et disciplinaire, il est aussi le centre liturgique de l'Église : « Que cette eucharistie soit tenue pour légitime ((Σ ; 6a(a) qui se fait sous l'évêque et sous celui à qui il l’a accordé… Il n’est permis, sans l'évêque, ni de baptiser, ni de faire l’agape (ou l’eucharistie) : ce qu’il approuve est ce qui plaît à Dieu, afin que tout ce qui se fait soit ferme et valide. » Smyrn., viii, 1, 2. J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. 1, 9e édit., p. 139-140.

Ce passage de la lettre aux Smyrniotes implique, pour les simples prêtres, auxquels s’adresse évidemment la recommandation, le pouvoir de baptiser et de célébrer l’eucharistie. « Il est remarquable, ajoute J. Tixeront, qu’Ignace, qui ne veut pas que les prêtres baptisent ou consacrent sans l’autorisation de l'évêque, n’ajoute pas qu’ils ne doivent pas non plus,