Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/457

Cette page n’a pas encore été corrigée

2047

PAROUSIE

2048

Matth., x, 23) et le royaume de Dieu établi. Mais l’événement attendu ne vint pas. Alors Jésus comprit qu’il devait mourir avant et expier pour le peuple. Aussitôt après sa mort aurait lieu sa parousie, il reviendrait comme juge et inaugurerait sur la terre le règne final de Dieu. A. Schweitzer, Geschichte der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, 1913, p. 390 sq. Avec des nuances diverses les partisans de l’école eschatologique pensent que le message de Jésus se résume dans l’annonce de la proximité du royaume et de la parousie. Les textes qui se réfèrent dans les évangiles à l’avenir du royaume peuvent se répartir en quatre séries. Je cite d’après les traductions du R. P. Lagrange. 1. Une première série présente le royaume comme déjà existant : « Mais depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à maintenant, le royaume de Dieu est pris de force, et les violents s’en emparent. » Matth., xi, 12 ; cf. Luc, xvi, 16. — « Mais, si je chasse les démons par l’esprit de Dieu, c’est donc que le règne de Dieu sur vous est arrivé. » Matth., xii, 28 ; cf. Luc, xi, 20. — « Les pharisiens lui ayant demandé : quand donc vient le règne de Dieu ? il leur répondit, et dit : « L’arrivée du règne de Dieu ne saurait être observée, comme si l’on pouvait dire : voici qu’il est ici, ou : il est là ; car voici que le règne de Dieu est au-dedans de vous. » Luc, xvii, 20-21.

2. Une deuxième série de textes présente le royaume comme grandissant peu à peu avant d’être réalisé. On peut citer la parabole du grain de sénevé, toute petite graine qui devient un arbuste dans lequel les oiseaux du ciel font leurs nids, Matth., xiii, 31-32 ; Marc, iv, 31-32 ; Luc, xiii, 18-19 ; la parabole de l’ivraie dans les emblavures, la bonne semence croît lentement en même temps que la mauvaise. Matth., xiii, 24-30. L’appel des gentils qui entrent dans le royaume à la place des Juifs implique bien aussi un certain laps de temps : parabole des invités aux noces, Matth., xxii, 2-10 ; Luc, xiv, 15-24 ; parabole des vignerons homicides où la vigne est donnée à d’autres. Matth., xxi, 33-44 ; Marc, xii, 1-11 ; Luc, xx, 9-18. On peut citer aussi des déclarations formelles de Notre-Seigneur : « Et cet Évangile du royaume sera prêché dans tout l’univers, pour prendre à témoin toutes les nations, et alors viendra la fin. » Matth., xxiv, 14. A propos de l’onction de Marie de Béthanie, Jésus déclare : « En vérité je vous (le) dis, partout où cet Évangile sera prêché dans le monde entier, on parlera aussi de ce qu’elle a fait, en souvenir d’elle. » Matth., xxvi, 13. Une longue perspective de développement est ouverte au regard des disciples dans les paroles du Sauveur après sa résurrection : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous en tout temps jusqu’à la consommation du siècle. » Matth., xxviii, 19-20 ; cf. Marc, xvi, 15-18. Le royaume déjà existant grandira donc peu à peu à travers le monde. Les bons y sont mêlés avec les méchants (bon grain et ivraie) et chacun mérite ou démérite selon la qualité de ses œuvres (paraboles des talents ou des mines, dans Matth., xxv, 14-30 et dans Luc, xix, 11-27). La fin du royaume est éloignée, car il devra s’étendre au monde entier et, pour encourager les ouvriers de son œuvre, Jésus leur promet son assistance. On pourrait rappeller ici les textes sur la promesse de l’Esprit-Saint, l’institution de l’Église et la primauté de Pierre.

3. Une troisième série de textes présente ou semble présenter l’avènement du royaume comme imminent. « Mais, lorsqu’ils vous poursuivront dans une ville, fuyez dans une autre ; … car je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé les villes d’Israël avant que vienne le Fils de l’homme. » Matth., x, 23. — « En vé rité, je vous dis qu’il en est parmi ceux qui sont ici qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venant dans son royaume. » Matth., xvi, 28. Après un passage sur la parousie et la parabole du figuier dans Marc, xiii, 24-29, on lit la déclaration suivante du Sauveur : « Je vous dis en vérité que cette génération ne passera pas, que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (30-31). Il en est de même dans Matthieu, xxiv, 21-35, et dans Luc, xxi, 25-33. Pendant le procès de la passion, le grand prêtre demande à Notre-Seigneur s’il est le Christ, le fils du Dieu béni : et Notre-Seigneur lui répond : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance (c’est-à-dire : à la droite de Dieu), et venant avec les nuées du ciel. » Marc, xiv, 62 ; cf. Matth., xxvi, 64.

4. Enfin une quatrième série de textes montre la volonté qu’a eue Notre-Seigneur de ne point fixer la date de l’avènement du royaume, ou de la parousie, et de laisser ses disciples dans l’incertitude à ce sujet. « Mais, quant à ce jour et à (cette) heure, personne ne sait, pas même les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul. » Matth., xxiv, 36 ; cf. Marc, xiii, 32. Les disciples doivent se tenir prêts comme les serviteurs qui ne savent pas si leur maître absent rentrera à la deuxième ou à la troisième veille. Luc, xii, 35-40. Il faut toujours veiller et se tenir prêt, car le Fils de l’homme viendra au moment où l’on n’y pensera pas. Matth., xxiv, 42-44 ; xxv, 13 ; Luc, xii, 40.

La thèse eschatologique ne tient compte que d’une série de textes et néglige systématiquement les autres. La première série montre que le règne de Dieu est établi dans les âmes par Notre-Seigneur ; dès le temps de Jésus le règne existe. C’est la première phase. Une deuxième phase a pour objet le règne de Dieu propagé à travers le monde par les disciples ; à elle se rapporte la deuxième série de textes. La croissance du règne est lente et Jésus n’a pas voulu dire quand aurait lieu la parousie et la consommation finale (quatrième série). Une catastrophe toute proche est en vue ; à elle se rapportent quelques textes de la troisième série.

Les perspectives d’apostolat, la diffusion de la bonne nouvelle à travers le monde, l’institution de l’Église contredisent la proximité de la fin des temps et de la parousie. L’enseignement de Jésus, les exhortations à travailler à la réforme de soi-même tendent à l’amélioration religieuse et morale des disciples et de l’humanité. Cet enseignement n’a pas une valeur transitoire en attendant l’avènement subit et prochain du règne de Dieu, qui transformerait le monde d’une façon soudaine. Il est le ferment qui fait peu à peu lever toute la pâte. Matth., xiii, 33 ; Luc, xiii, 20-21. Le règne de Dieu n’arrive pas tout à coup, il arrive dans la mesure où les hommes deviennent meilleurs et sont apôtres, il grandit comme le grain de sénevé. Matth., xiii, 31-32. Il n’a pas la justice parfaite du royaume à venir dans le ciel, car l’ivraie est encore mélangée au bon grain, Matth., xiii, 36-40, et la bonne nouvelle a des destinées diverses dans les cœurs, comme la semence dans les terrains. Matth., xiii, 18-23 ; Marc, iv, 13-20 ; Luc, vm, 11-15.

Si l’essentiel du message de Jésus avait été l’annonce de la proximité de la parousie et de la fin des temps, comment expliquer que la foi des disciples ait pu subsister et grandir alors que les faits seraient venus lui infliger chaque jour un démenti ?

On dit que le Sauveur a accepté les idées eschatologiques de son temps. Mais les Juifs étaient loin d’être d’accord sur l’eschatologie et l’avènement du règne de Dieu. Si quelques pessimistes, comme l’auteur de l’Assomption de Moïse, attendaient une intervention éclatante de Dieu vengeant les justes et faisant triompher Israël, d’autres, les scribes dont on retrouve les