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PARENTS. DEVOIRS SPÉCIAUX

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possible, le dommage causé au prochain ou à la société par leur défaillance. Ils doivent donc indemniser le particulier à la charge duquel serait tombé leur enfant abandonné, ou l’institution qui ne pourrait entretenir l’enfant sans détourner de leur fin les biens qu’elle possède, par exemple un hospice dont tous les revenus sont destinés, de par la volonté des fondateurs, à secourir des vieillards.

Mais que penser du cas. très fréquent de nos jours, où l’enfant aurait été recueilli dans une maison d’enfants trouvés ? Beaucoup de moralistes jugent probable qu’il n’y a pas alors de dommage et donc qu’il n’y a pas lieu à restitution, parce que les maisons dece genre ont précisément pour but de sauvegarder la vie des enfants de familles pauvres et l’honneur des parents riches. Obliger ceux-ci à payer les dépenses d’entretien de leurs enfants abandonnés pour échapper à la honte serait, disent-ils, les forcer à se découvrir (S. Alphonse de Liguori, Noldin). D’autres estiment, au contraire, que ce raisonnement pèche par la base. Sans doute, pensent-ils, il y aurait danger pour les parents d’être découverts si leurs paiements devaient être périodiques et étaient mentionnés dans des registres de comptabilité ; mais le danger devient chimérique, aujourd’hui surtout où il y a tant de moyens d’opérer des transferts d’argent, si les parents s’acquittent de leur dette par le versement anonyme d’un capital ou par des largesses faites de temps à autre de manière à fournir une compensation générale. Pour notre part, nous ne croyons pas qu’il y ait ici obligation en stricte justice quand les fondateurs et donateurs n’ont rien exigé formellement de la part de certains bénéficiaires de leur œuvre, mais qu’il y a obligation en vertu de l’équité, car il ne convient pas que des riches fassent entretenir leurs enfants par la charité et qu’ils diminuent ainsi des ressources qui pourraient être employées à étendre les bienfaits d’une institution. Le devoir des parents ne saurait d’ailleurs être modifié du fait de l’abandon, même légitime : sinon l’inconduite se trouverait favorisée et donc encouragée.

3. La nourriture.

a) Dans la première enfance, la mère est obligée de nourrir elle-même son enfant quand elle le peut (per se tenelur). C’est en effet le vœu de la nature et par conséquent de Dieu ; c’est l’intérêt de l’enfant et c’est celui de la mère.

En fait, les mammifères nourrissent leurs petits et la nature donne à la mère du lait aussi longtemps que son enfant en aura besoin ; la fonction de nourrice est à ce point inséparable de la maternité que, pour avoir une autre nourrice, il faut chercher une autre mère. L’allaitement peut d’ailleurs être considéré comme un complément de la maternité ; la mère qui nourrit achève de communiquer à son enfant son sang et sa chair. Tout cela indique assez le plan providentiel et trace nettement à la mère son devoir. D’autre part, le lait est la première nourriture qui convient à l’enfant, et le lait maternel est de beaucoup celui qui est le plus approprié à ses besoins, soit par sa composition chimique, soit par sa température normale, soit par la manière dont il est transmis sans risque de souillure. Enfin, la mère a intérêt à nourrir son enfant, tant au point de vue physiologique qu’au point de vue psychologique. S’il faut en croire les médecins, il est imprudent pour elle de s’affranchir du devoir naturel de l’allaitement, et y renoncer équivaut souvent à mettre en péril sa propre santé. Au contraire, la mère qui nourrit trouve dans cette fonction d’indicibles joies ; elle crée entre elle et son enfant des liens nouveaux qui entretiendront dans son cœur l’amour maternel, et dans celui de son enfant la reconnaissance.

Sur l’importance de cette obligation, beaucoup de médecins sont plus sévères que les théologiens : ils

parlent d’un grave devoir, alors que les moralistes disent volontiers : vix gravis dici potest (Noldin) ou taxent seulement de faute vénielle une omission non justifiée (S. Alphonse). Les premiers ont sans doute raison, du point de vue physiologique, et à considérer les statistiques de la mortalité infantile. Les seconds ont peut-être fait parfois trop bon marché du vœu de la nature et admis trop facilement comme valables des excuses insuffisantes.

On allègue la plupart du temps la faiblesse, l’anémie de la mère. Mais les médecins sérieux affirment que l’allaitement, loin de les aggraver, contribue souvent à les faire rapidement disparaître. On allègue la défense faite par le médecin. Mais ne l’a-t-on pas souvent sollicitée, provoquée ? On s’autorise même parfois de la simple coutume ; on ne nourrit pas parce que « cela ne se fait pas » et qu’il est « bien porté > de ne pas le faire. Mais, si une coutume aussi déplorable peut engendrer la bonne foi, elle ne saurait supprimer la loi, car la nature ne cesse de protester contre elle. La consuetudo apud lamilias nobiles vigens, pour laquelle certains moralistes sont pleins d’indulgence, devrait au contraire attirer leurs foudres et les presser de remettre en lumière le devoir.

Toutes ces excuses avouées en cachent d’ailleurs souvent d’autres, inavouées celles-là parce qu’elles sont trop évidemment inavouables, par exemple la crainte d’une sujétion constante, pénible, que l’on juge intolérable ; ou la crainte d’une diminution de beauté. On renonce à remplir un devoir aussi sacré que doux, parce qu’on ne veut renoncer à aucun plaisir mondain ni à aucune admiration. Pareil égoïsme et pareille lâcheté ne méritent que mépris.

Les seuls motifs qui dispensent réellement du devoir de l’allaitement sont l’impossibilité physique et l’impossibilité morale. Il arrive, exceptionnellement, qu’une mère n’ait pas de lait. Il arrive que l’ayant, elle ne peut cependant le donner sans exposer gravement sa santé ou celle de son enfant, par exemple parce qu’elle est atteinte d’une maladie de cœur ou de tuberculose. Force lui est alors de s’abstenir. Il en serait de même si elle devait, pour subvenir aux besoins de sa famille, se livrer à des travaux pénibles ; mais le législateur ou à son défaut les œuvres sociales ont à intervenir pour remédier à une situation aussi anormale et pour rendre possible à la mère l’accomplissement de sa fonction de nourrice.

Quand une suppléance s’impose, les parents ont le grave devoir d’apporter tous leurs soins au choix de la nourrice (S. Alphonse), non seulement au point de vue de la santé, mais encore au point de vue du caractère et de la vertu, pour éviter que l’enfant n’ait à subir de mauvais traitements ou ne contracte des habitudes vicieuses. Pour les mêmes raisons, ils donneront leur préférence à une nourrice venant habiter chez eux. Quand, à défaut de nourrice, ils auront recours à l’allaitement artificiel, ils auront à s’inspirer des prescriptions de l’hygiène, en prenant les précautions indispensables soit dans le choix du lait, soit dans l’emploi des moyens d’ingestion.

b) Dans la suite, l’alimentation ne doit pas être laissée au hasard : la santé du corps et même celle de l’âme sont intéressées à ce que soient observés les principes dictés par l’expérience ou par la raison, que Fénelon ne dédaignait pas de rappeler, dans son Traité de l’éducation des jilles.

Les aliments n’ont pas une valeur absolue ; leur valeur pratique dépend de l’âge, du tempérament, de la santé. L’alimentation doit donc être progressive et adaptée. Elle doit être régulière quant au temps, quoique plus ou moins fréquente selon l’âge ; cette régularité est favorable à la santé, car elle assure aux organes le repos nécessaire ; elle n’est pas sans impor-