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ORDRE. HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE, CHARISMES


pour vous, eux aussi, le ministère des prophètes et des docteurs. Ne les méprisez pas, car ils sont vos dignitaires avec les prophètes et les docteurs. »

Est-ce à dire que prophètes et docteurs aient possédé les mêmes pouvoirs sacrés que les surveillants ? Une solution affirmative semble indiquée, au sens où on la déjà exposée à l’art. Évêques, t. v, col. 1663, avec une légère restriction que nous estimons indispensable pour faire cadrer le fait avec les données de l’histoire, savoir que « les apôtres et leurs successeurs immédiats établirent dans les Églises comme ministres du culte un certain nombre de ceux (pas Décessai rement tous) qu’ils voyaient en possession des charismes de prophétie et de doctrines. » Nous ajouterons même que leur choix ne s’est pas limité aux docteurs et aux prophètes, mais qu’il a pu s'étendre à d’autres charismes. C’est l’objet de ce paragraphe spécial.

Les charismes sont énumérés par saint Paul en quatre passages de ses épîtres, 1 Cor., xii, 8-10 ; I Cor., xii, 28-30 ; Rom., xii, 6-8 ; Eph., iv, 11. Ce dernier passage surtout mérite d'être retenu, car il indique que les charismes, apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs, sont établis par Dieu « pour la perfection des saints, pour l'œuvre du ministère, eîç ëpyov S'.axovioeç pour l'édification du corps (mystique') du Christ. » L’objet propre de ces charismes est donc en étroite liaison avec la sanctification des fièdles, laquelle, avec le sacrifice, est la principale fin du sacerdoce. Rien d'étonnant donc que le pouvoir du sacerdoce ait été. à l’origine de l'Église, communiqué par les apôtres de préférence à ceux que des pouvoirs charismatiques relatifs à la sanctification des âmes semblaient désigner comme les plus idoines pour ce ministère. Cette interprétation s’appuie sur différents textes des livres apostoliques. Lesvctes, xiii, 1-5. signalent, dans l'Église d’Antioche, des prophètes et des docteurs » qui « offraient au Seigneur les saints mystères » et qui « imposèrent les mains » à Saul et à Barnabe. Sans préjuger ici de la valeur exacte, au point de vue sacramentel, de l’imposition des mains conférée à Saul et à Barnabe, il reste que la célébration de l’eucharistie est nettement affirmée comme une prérogative de ces prophètes et docteurs. On ne saurait ici interpréter autrement XeiTOupYoûvTW^ 8è otù-rciv tcô xupîw. De plus, quand saint Paul faisant rénumération des charismes, I (.or, xii, 28, d éclare que « Dieu a établi dans l'Église premièrement les apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs. » le rang très élevé et singulier où Paul place apôtres, prophètes, docteurs dans la hiérarchie ecclésiastique ne peut s’expliquer que parce que ces charismes de la hiérarchie itinérante possédaient un caractère sacré éminent. vraisemblablement celui que nous appellerions aujourd’hui caractère épiscopal. Certes, plusieurs prophètes n’appartenaient pas à la hiérarchie sacrée ; cf. I Cor., xiv. 28 ; Act, xi, 27 ; xxi, 10 ; mais parmi les prophètes quelques-uns, certes, au don prophétique, joignaient les prérogatives du pouvoir sacerdotal ou épiscopal. Témoin Jude et Silas que les Actes nous présentent comme des prophètes, xv, 32. Et Silas tout au moins, compagnon de saint Paul dans sa deuxième mission, xv, 40 ; xvii, 4, nous est présenté par les deux épîtres aux Thessaloniciens comme un chef d'Égl’se, presque au même titre que Paul. I Thess., i, 1 ; II Thess., i, 1.

On remarquera enfin que, f’ans l'énumération d’Eph.. iv, 11, de I Cor., xii, 28 (cf. Eph., ni. 5), les prophètes sont nommés immédiatement après les anôtres, avant les docteurs et les pasteurs. Bien plus, Eph.. ii, 20 rappelle que les fidèles sont les concitoyens <es saints, et de la maison de Dieu, bâtis sur le fondement des apôtres et des prophètes. Il est néces saire de rendre compte de l’autorité exceptionnelle que saint Paul leur attribue dans l'Église ; et il n’est pas possible de satisfaire à cette exigence, si on ne leur reconnaît pas un caractère sacré éminent.

On pourrait invoquer l’autorité de la Didachè en faveur de cette manière de voir. Voir le texte col. 1220. Les 'prophètes et les docteurs semblent chargés, comme les anciens et les surveillants, du ministère de l’eucharistie : faut-il entendre, x, 7, eù^ocpia-eïv ôctk 6éXoocuv, dans le sens de la célébration eucharistique, ou de simples prières eucharistiques ? Quoi qu’il en soit, les prophètes sont décrits à l’instar des « grands-prêtres » de l’Ancien Testament, xiii, 3, par conséquent comme des supérieurs hiérarchiques du plus haut degré. On laisse entendre qu’ils sont supérieurs aux È7rîaxo7rot, et aux diacres, xv, 1. Le seul moyen d’expliquer correctement ces textes et ces rapprochements est de supposer, comme on l’a déjà dit, que certains prophètes possédaient un caractère sacré dans la hiérarchie ecclésiastique. Voir plus loin, col. 1238, à propos de Act., xiii, 1-3.

On doit en dire autant, à un degré peut-être inférieur, des « docteurs » que vraisemblablement il faut, tout au moins dans Eph., iv, 11, identifier avec les pasteurs. Paul en parle à plusieurs reprises, Rom., xii, 7 ; I Cor., xii, 28 ; Eph., iv, 11 ; mais toujours ces 818â.GX.urji viennent, dans la hiérarchie, au troisième rang, après les apôtres et les prophètes : premier indice du caractère sacré dont au moins certains d’entre eux étaient revêtus. De plus, l’identité des pasteurs no'.[j.évsc, et des docteurs S18aG>caXoi dans Eph., iv, 11, nous permet de rapprocher ceux-ci des « surveillants », ÈttÎcx&tcoi., que le Saint Esprit a établis pour être pasteurs de l'Église eu Seigneur. Act., xx, 28. Enfin, les arguments invoqués pour les prophètes, Act., xiii, 1 5, et Didachè, xv, 1, valent pour les docteurs dont le nom, dans ces deux textes, est accolé à celui des prophètes.

Parmi les charismes, certains « évangélistes », Eph., iv, 11, devaient, eux aussi, être revêtus d’un caractère sacré. Philippe, l’un des sept diacres hellénistes, est qualifié d'évangéliste, Act., xxi, 8 ; mais Timothée, qui avait le pouvoir sacerdotal complet, reçoit de saint Paul la recommandation de remplir la charge d'évangéliste, tout en remplissant son ministère. II Tim., iv, 5.

Il faut enfin faire une place à part à deux catégories de personnages de la primitive Église, dont le nom à la suite du développement de la hiérarchie, n’a reçu aucune précision : les TcpoXoTÔ.j.evoi et les Y)Yoû[i.evoi.

Les « présidents » sont nommés par saint Paul dans I Thess., v, 12, 13. « Nous vous recommandons, écrit-il aux Thessaloniciens, de considérer ceux qui travaillent pour vous, et qui vous sont préposés dans le Seigneur, et vous instruisent, d’avoir une charité surabondante à cause de leur œuvre. » La contexture de la phrase (un seul pronom commandant les trois participes, toùç xotoôjvtojç… xaî. rcpoïaTajiivo’jç… xat vouOsToùvTaç) montre bien' que les mêmes personnages travaillent, gouvernent, enseignent. En comparant ce texte avec I Tim., v, 17, où il est question du respect que Timothée doit avoir pour les « anciens » qui président bien, qui travaillent par la parole et la doctrine, on ne peut hésiter à reconnaître que les 7tpoïaTâ(i.evoi de Salonique sont les mêmes personnages que les 7rpec6ÛT£pot et les èttloxottoi des autres Églises. Saint Paul fait également allusion aux « présidents », Rom., xii, 8.

Les y)yoû[i.£Vot sont nommés dans l'épître aux Hébreux. L’auteur, s’ariressant aux fidèles, leur adresse les exhortations suivantes : « Souvenez-vous de vos préposés, qui vous ont prêché la parole rie Dieu… Obéissez à vos préposés, et soyez-Jeur soumis