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PARENTS. DEVOIRS SPECIAUX


parents à son action créatrice, Dieu leur a communiqué l’autorité sur les enfants dont ils sont avec lui les auteurs. De droit naturel, l’autorité sur les enfants revient donc aux parents ; et elle ne peut appartenir à d’autres que par délégation de ceux-ci ou de Dieu.

Cette autorité, qui est un droit, est aussi un devoir. Les parents ne l’ayant pas reçue pour eux-mêmes, ils ne peuvent y renoncer ; ils doivent l’exercer, en raison même de sa nécessité. Les enfants ne peuvent être ni préservés, ni formés s’ils sont rebelles à l’action des parents ; pour qu’ils subissent leur influence, il faut qu’elle s’exerce avec force et qu’ils soient disposés à s’en laisser pénétrer. Or, la force du commandement est en raison directe de l’autorité, et la docilité est fille du respect inspiré lui-même par l’autorité. C’est pourquoi Mgr Dupanloup disait de l’autorité qu’elle est la chose fondamentale dans l’éducation. De l’éducation, t. i, p. 1. Les parents doivent donc user de leur autorité.

Ils doivent aussi savoir la faire accepter. Pour y arriver, ils affirmeront de bonne heure leur autorité et l’imposeront, afin de donner à l’enfant des habitudes de dépendance et d’obéissance ; ils l’appuieront sur l’autorité suprême de Dieu, dont ils se montreront toujours respectueux, soit dans leur langage, soit dans leur conduite ; ils l’exerceront de façon raisonnable, c’est-à-dire avec calme, fermeté et réflexion, sans la mettre jamais au service de l’égoïsme ou de la passion ; enfin ils en useront à bon escient, évitant de la gâcher par des interventions incessantes ou incohérentes, et avec le souci de laisser à l’enfant une juste liberté qui lui permettra de développer sa propre personnalité.

2. Avec affection.

L’amour des enfants est nécessaire chez les parents pour les aider à s’acquitter de leurs autres devoirs. Lui seul peut inspirer et soutenir le dévouement de tous les instants que requiert l’œuvre de l’éducation ; lui seul peut donner la claire intelligence du petit être qu’il s’agit de connaître et de comprendre, dans ses qualités comme dans ses défauts, pour le bien former ; lui seul peut tempérer utilement la rudesse de l’autorité et donner la délicatesse de touche qui permet les interventions utiles et opportunes.

Mais il ne suffit pas que l’amour paternel et maternel existe chez les parents ; il faut que les enfants le sentent. Une atmosphère d’affectueuse sympathie favorise le développement et l’épanouissement de leurs facultés naturelles, comme l’air et la lumière favorisent celui de la vie physique ; elle dispose, en outre, les enfants à supporter sans aigreur des interventions souvent pénibles pour leur amour-propre, à les accepter avec confiance, à les mettre à profil avec courage.

III. Devoirs spéciaux des parents envers leurs enfants. — Les devoirs généraux dont nous avons parlé se précisent pratiquement et se déterminent en devoirs spéciaux, dont certains concernent le corps de l’enfant, d’autres son âme, d’autres enfin son établissement.

Devoirs relatifs au corps.

1. En règle générale,

les parents sont tenus de procurer à l’enfant tout ce qui est nécessaire pour la conservation de sa vie et de sa santé, et d’écarter de lui tout ce qui pourrait nuire à l’une ou à l’autre. Ce devoir commence dès le moment de la conception, peut-être même avant, et dure jusqu’au jour où l’enfant est capable de se suffire à lui-même. H ne s’imposerait plus tard et jusqu’àl a mort que si, pour une raison ou [jour une autre, l’enfant était tombé dans l’absolu dénuement.

Avant la naissance, les parents doivent éviter, non seulement toute manœuvre abortive qui ferait d’eux directement des criminels, mais encore tout ce qui

peut indirectement amener la mort de l’enfant ou sa naissance avant terme, dans des conditions de viabilité très diminuées ; ainsi les fatigues excessives, les longues courses en auto, l’abus des boissons alcooliques. Ils doivent éviter même tout ce qui peut agir de façon délétère sur le sang ou le système nerveux de l’enfant et nuire par là au bon équilibre de son tempérament ; ainsi, les excès dans le boire ou le manger, le défaut de sommeil, une vie trop agitée. A ces devoirs négatifs s’en ajoutent d’autres, positifs, pour la future mère : prendre une nourriture saine et fortifiante, s’assurer un repos suffisant, se donner un exercice modéré, etc. Les sages prescriptions de l’hygiène et de la médecine deviennent pour elle affaire de conscience et même de justice, car elle n’est pas seule en cause et l’enfant qu’elle porte a des droits.

Après la naissance, les parents doivent fournir à l’enfant l’habitation, la nourriture, le vêtement, l’exercice qui lui sont nécessaires, et cela dans des conditions d’hygiène suffisantes pour lui procurer la santé. C’est là un devoir envers le corps, et donc indépendant de la valeur intellectuelle ou morale de l’enfant. Il est fondé sur ce que les parents doivent, autant que possible, rendre leurs enfants physiquement capables, non seulement de vivre, mais de se subvenir plus tard à eux-mêmes, de créer et d’élever à leur tour une famille. Il est fondé, en outre, sur l’incontestable importance de la santé, au point de vue psychologique et moral. On sait, en effet, que la santé est source de joie, d’épanouissement pour l’âme, de générosité, et qu’elle dispose ainsi à la vertu. L’enfant qui souffre est, au contraire, morne, triste, sombre, il devient facilement susceptible, exigeant, égoïste ; d’autre part, en raison même de son état de santé on sera amené à le contrarier le moins possible, on n’osera guère réprimer en lui les penchants mauvais, on suivra ses caprices ; ainsi, indirectement, la mauvaise santé dispose au vice.

2. Il est donc défendu aux parents d’abandonner leurs enfants. — Un tel abandon constitue une faute grave à un double point de vue, négatif et positif. D’abord, il implique une renonciation de principe totale à l’accomplissement d’une série de devoirs, c’est donc un grave péché d’omission. Puis, il expose l’enfant à de sérieux dangers, pour sa vie parfois, en raison des conditions même de l’abandon, pour son éducation souvent, puisqu’il est privé de l’atmosphère où normalement elle doit se faire, pour sa réputation toujours, car l’enfant trouvé sera suspecté, non seulement de naissance illégitime, mais de tares physiques ou morales, parce qu’on ignore ses ascendants et son hérédité.

Les principes généraux de la morale permettent cependant d’admettre des circonstances atténuantes et même des excuses : ce sont l’impossibilité physique due à une extrême pauvreté, et l’impossibilité morale résultant d’une crainte grave des parents pour leur vie ou leur réputation. La seule illégitimité de l’enfant constitue probablement, au jugement de saint Alphonse, un juste motif d’abandon. Theol. mor., t. III, n. 3360. La question se pose, dans ces cas, de savoir à quoi restent obligés les parents.

Ils ont évidemment à prendre toutes précautions utiles pour obvier autant que possible aux dangers que nous venons de signaler. Afin de sauvegarder la santé et la vie de l’enfant, ils choisiront le lieu et le moment de l’abandon de telle sorte que l’enfant ne soutire ni de la faim, ni des intempéries et ne tarde pas à être trouvé. En vue de son éducation, ils veilleront à ce qu’il tombe en bonnes mains et soit recueilli si c’est possible, dans une maison religieuse ou un orphelinat catholique.

Ils ont en outre à compenser, dans la mesure du