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    1. PARALIPOMÈNES (LIVRES DES)##


PARALIPOMÈNES (LIVRES DES). VALEUR HISTORIQUE 1992

1. L’omission de certains faits, surtout dans la vie de David et celle de Salomon, s’explique non pas tant parce que de tels faits pouvaient porter atteinte à la dignité ou à la sainteté de ces personnages, mais parce que d’autres faits étaient jugés plus importants et plus aptes à réaliser le but proposé.

2. L’addition de faits et de paroles, inconnus par ailleurs dans les livres canoniques, n’implique pas que les uns et les aulres soient de l’invention du Chroniqueur. On a fait remarquer, à juste titre, que cet auteur, dans les livres d’Esdras et de Néhémie, également son œuvre, avait laissé de côté certaines périodes, celle, par exemple, qui va de la construction du Temple en 516 aux débuts d’Esdras, la septième année d’Artaxerxès I er, 458. C’est que, sans doute, pour ces périodes, il ne possédait que des sources orales qu’il jugeait insuffisantes, laissant d’ailleurs volontiers dans l’ombre des événements dont le souvenir n’avait rien d’agréable pour ses contemporains. N’est-il pas raisonnable de supposer que, dans la rédaction des Paralipomènes, il a procédé de même, appuyant sa narration sur des documents écrits. Il est, en effet, très vraisemblable que de tels documents existaient du temps d’Alexandre le Grand et permettaient une connaissance plus complète de l’histoire de-l’ancien Israël que celle fournie par les seuls livres de Samuel et des Rois (Kittel).

De ces documents extra-canoniques proviendraient tout d’abord une bonne partie des données généalogiques que le Chroniqueur a pu trouver soit dans les recensements qui furent faits à certaines époques, I Par., v, 17 ; vii, 2, soit dans des généalogies conservées dans des familles importantes selon la coutume existante nonseulement chez les Juifs, mais chezmaints peuples orientaux ; la notice de I Esd., ii, 62, ne montre-t-elle pas que, du temps de l’exil et aussitôt après, existaient des registres généalogiques ? Les archives du Temple n’étaient sans doute pas dépourvues de tels documents généalogiques et statistiques.

S’il faut, en conséquence, exclure l’idée d’une composition artificielle à propos des généalogies des Paralipomènes, il faut aussi reconnaître que ces généalogies ne nous sont pas toujours parvenues telles qu’elles avait été primitivement dressées ; des données complémentaires ont pu s’y intercaler, les copistes, nous l’avons dit, en ont souvent fort maltraité le texte ; c’est pourquoi un travail de correction s’impose.

Un autre élément et non des moindres, sans parallèle dans les livres de Samuel et des Rois, c’est ce qui est dit de l’organisation du culte par David, surtout dans I Par., xxii-xxix, et certaines données plus complètes sur la réforme du culte entreprise par quelques rois, entre autres par Josaphat, Ézéchias et Josias. Pourquoi refuser à David l’organisation du cul te alors qu’il avait solennellement transporté l’arche à Sion, et qu’il avait eu le désir très ferme de lui construire un temple ? « Ne devait-il pas, pour compenser la déception que lui causa le délai imposé par Jahweh à son dessein, s’efforcer d’entourer l’arche des soins et des honneurs que lui permettait du moins une liturgie digne de lui et digne d’elle ? » L. Desnoyers, op. cit., p. 228. Certes, les textes qui nous renseignent sur les périodes postérieures à son règne ne sont pas très nombreux, mais les quelques allusions relatives au culte sont toutes en faveur de son ancienneté, et les prêtres, les lévites, les chanteurs, les portiers qui figurent sur les listes des exilés revenant à Jérusalem pour reprendre la célébration d’un culte interrompu par une longue captivité ne font-ils autre chose que renouer une tradition dont le souvenir s’était fidèlement transmis ? S’il est fait honneur à David de l’organisation de ce culte, « au lieu de

l’attribuer à Salomon ou à quelque grand-prêtre, qui, ayant vu le Temple, eussent été mieux qualifiés que lui pour prêter leur nom à cette création, on sera sûrement plus près de la vérité en suivant la tradition qu’en la rejetant brutalement ». Ibid., p. 230. Conclusion qui demeure, quelles que soient, par ailleurs, les modifications de détails apportées çà et là, quels que soient les remaniements, les adaptations et l’introduction même d’éléments suspects parfois d’anachronisme.

Pour les autres faits, propres aux Paralipomènes. il est impossible de prouver qu’ils ont été inventés de toutes pièces. L’histoire mieux connue pourra peut-être en manifester quelque jour la réalité. Déjà les documents cunéiformes ont permis de montrer la vraisemblance tout au moins de tel épisode rapporté uniquement dans les Paralipomènes. C’est le cas, par exemple, de la captivité de Manassé à Babylone et de sa délivrance, II Par., xxxiii, 11-13. Le silence du livre des Rois sur un événement de cette importance ne doit pas le faire attribuer à l’imagination du Chroniqueur. Ce que nous apprennent, en effet, les monuments assyriens sur la situation politique d’alors laisse place à la participation du roi de Juda, Manassé. à une coalition contre la puissance assyrienne. « En 652, le roi de Babylone, Samas-Sùm-Ukîn, frère d’Asurbauipal, se révolta avec l’appui du roi d’Élam et « des rois de Gutium, d’Amurrù et de Meluhha ». Cylindres de Rassam, iii, 100 sq. Il est possible que Manassé, l’un des rois d’Amurrù, c’est-à-dire de la région située à l’ouest de la Babylonie, ait fait partie de cette coalition contre l’Assyrie, et ait encouru, par là, quelque châtiment ». Plessis, Baby/one et la Bible, dans Pirot, Supplément au Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 795. Deux contrats assyriens, trouvés à Gézer et datés de 649, paraissent prouver qu’à ce moment une garnison assyrienne l’occupait. Cf. Revue biblique. 1904, p. 585. D’autre part, la libération du captif royal n’est pas un fait inouï dans les annales des rois de Ninive ; Asurbanipal savait, à l’occasion, user de clémence ; ainsi fit-il, vers 666, à l’égard de l’Égyptien Néchao I er, qui avait été emmené captif ; il le délivra de ses chaînes, lui fit cadeau de vêtements et d’insignes royaux et le rétablit roi de Sais. Cyl. de Rassam, n, 8 sq. Manassé, le roi de Juda, aura pu bénéficier d’un semblable traitement de faveur, et rentrer en possession de son royaume, comme il est dit au livre des Paralipomènes. Cf. Plessis, loc. cit. Les découvertes archéologiques ont encore montré que les allusions aux Maonites, II Par., xxvi, 7 sq., aux Arabes, II Par., xvii, 11, aux Agaréens, I Par., v, 10, 19, 20, pourraient bien s’appuyer sur des souvenirs vraiment historiques. Cf. Winckler, dans Mittheilungen dev vorderasiatischen Gesellschaft, 1898, p. 42 sq. ; Keilinschri /ten und Aile Testament, 3e édit., p. 142-144.

L’historien d’Israël ne saurait ainsi négliger les informations que lui fournit le livre des Paralipomènes, même sur la période antérieure à l’exil ; pour celle qui le suit il y trouvera de précieuses indications pour la connaissance de cette période mal connue de l’histoire juive, dont les conceptions, les croyances et les espérances s’affirment en maints endroits.

Quant aux discours et aux prières prêtés à David, à Abia, à Asa, au prophète Azarias et au voyant Hanani.si l’on peut dire que, pour la forme, ce sont de plus ou moins libres compositions du Chroniqueur, il faut reconnaître en tous cas que, par leur contenu, ils sont bien en situation et dans l’intention de celui qui les prononce ; n’est-ce pas en cela qu’il faut chercher leur intime vérité ? I Par., xxii, 6-16, 17-19 ; xxviii, 2-10, 20-21 ; xxix, 1-9, 10-19 ; II Par., xiii, 4-12 ; xiv, 10 ; xv, 1-7 ; xvi, 7-9, etc.

3. Les divergences entre les Paralipomènes et les