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1967 PAQUES. LES COiNTROVERSES DANS LES ILES BRITANNIQUES 1968

anciens et les modernes, leur obstination fut ébranlée. Bède, H. E., II, xix, col. 113 sq.

A l’instigation de Cummian, qui avait fait une étude approfondie de la question pascale, un synode se réunit dans la plaine de Lene, et décida qu’à partir de l’année suivante, on s’en tiendrait à l’observance pascale reçue dans l’Église universelle. Mais les partisans de l’ancien comput celtique réussirent à empêcher l’exécution de cette décision, et un second synode se réunit in campo albo pour traiter derechef de la question pascale. Un abbé, nommé Laserian, y prôna l’observance pascale romaine, tandis qu’un autre abbé, Munnu, défendit le comput celtique. Munnu proposa de s’en remettre à un jugement de Dieu. « Qu’on jette dans le feu, disait-il, un exemplaire du comput romain et un exemplaire du comput celtique, et nous verrons lequel des deux demeurera indemne. Ou bien, qu’un moine, partisan de l’usage pascal romain, et un autre moine, partisan du comput celtique, s’enferment dans une maison, où l’on mettra le feu ; on verra lequel des deux sortira préservé des flammes. Ou bien encore, que tous les partisans du cycle romain et ceux du cycle celtique s’unissent pour obtenir de Dieu la résurrection d’un saint moine qui pourra dire quelle observance pascale on doit suivre. »

La Vie de Munnu, où se trouve rapporté cet incident, dit que la proposition de recourir à un jugement de Dieu ne fut pas agréée, et que tous les membres du synode se retirèrent en paix. Voir la Vie de Munnu, dans Usserius (Usher), Britannic. Ecclesiar. antiquilates, p. 485 sq. Ne semble-t-il pas qu’on veuille laisser entendre par là que chaque parti resta sur ses positions ?

Pour arriver à une solution, les Églises de l’Irlande méridionale résolurent d’envoyer une députation à Rome. Les envoyés furent absents trois ans. Ce qui les impressionna le plus dans la Ville éternelle, c’est qu’ils virent, à Saint-Pierre, unis dans la commune célébration de la fête de Pâques, un Grec, un Hébreu, un Scythe et un Égyptien, tandis qu’en cette même année la date irlandaise de Pâques différait d’un mois de celle que donnait le comput romain. Ces hommes, originaires de pays si différents, déclarèrent à nos Irlandais, que leurs patries respectives célébraient la fête de Pâques le même jour que Rome. Ce fait se passait probablement en 631. De retour en Irlande, les membres de la députation se firent les propagandistes du cycle romain, et ils furent aidés par Cummian, qui répétait ironiquement : « Rome se trompe ; Antioche se trompe ; Jérusalem se trompe ; seuls les Bretons et les Scots sont dans le vrail »

Vers 650, le sud de l’Irlande était acquis à l’observance pascale romaine, donc au cycle de Denys. Sur ces faits, voir : la Vie de Munnu, citée plus haut ; le De controversia paschali de Cummian, P. L., t. i.xxxvii, col. 969 sq. Sur la chronologie de ces faits, qui n’est pas très sûre, cf. Schmid, Die Osterfestberechnung auf den britischei Insein, p. 35 sq.

Irlande septentrionale.

Vers la même époque,

le clergé des Églises de l’Irlande septentrionale avait envoyé à Rome une lettre, dans laquelle étaient énumérées les raisons qui l’empêchaient de se rallier au cycle pascal romain. Bède, II. E., II, xix. Pendant la vacance du siège qui suivit la mort du pape Séverin, le clergé romain lui envoya une réponse très sévère pour l’usage pascal irlandais. Cet usage était traité d’hérésie. Les Irlandais du nord étaient sommés de se rallier purement et simplement au cycle romain. Bède, loc. cit. Cette mercuriale n’obtint aucun effet.

Ce ne fut que vers la fin du viie siècle, que l’Irlande septentrionale se rallia à l’observance pascale romaine, à l’instigation de l’abbé Adamnan d’Iona. Bède H. E., V, xv, col. 255 sq.

4° Chez les Anglo-Saxons. — Pendant que le cycle

pascal romain faisait lentement la conquête de l’Irlande, le vieux comput celtique tentait de s’implanter chez les Anglo-Saxons.

Vers le milieu du viie siècle, un moine d’Iona, nommé Aidan, après avoir reçu la consécration épiscopalc, avait fondé le siège de Lindisfarne, sous la protection du roi de Nordhumbrie, Oswald. Comme tous les moines d’Iona, Aidan était partisan du cycle pascal celtique et l’introduisit dans son diocèse. Tant qu’il vécut, il ne rencontra pas d’opposition ; mais, sous l’épiscopat de Finan, son successeur, Ronan, un Irlandais qui avait étudié en Gaule et à Rome, suscita une sérieuse agitation en faveur de l’usage pascal romain ; mais l’évêque Finan ne se laissa pas ébranler. Bède, H. E., III, xxv, col. 158.

Ce fut sous l’épiscopat de Colman, qui avait succédé à Finan en 661, que l’ardeur de Wilfrid amena la solution du conflit pascal en Northumbrie. Wilfrid, né en Northumbrie, avait été élevé à Lindisfarne dans les usages et coutumes celtiques. Plus tard, au cours de ses voyages d’études en Gaule et jusqu’à Rome, il s’était convaincu de la fausseté du comput pascal celtique. De retour en Northumbrie, il reçut, en 661, d’Alchfrith, fils du roi de Northumbrie, le monastère de Ripon, que les moines irlandais avaient abandonné pour ne pas être obligés de célébrer la fête de Pâques à la date romaine. De Ripon, Wilfrid multiplia ses agissements contre les usages celtiques, notamment contre le comput pascal. Il avait pour lui Alchfrith, fils du roi, ainsi que la reine Eanfled et aussi un certain nombre de clercs et de laïques. Mais le roi de Northumbrie, Oswy, était inébranlable dans sa fidélité aux usages celtiques. Or, il advint qu’une année les inconvénients, provenant de l’usage simultané de deux computs pascals différents, se firent particulièrement sentir. Cette année-là, le roi Oswy, qui suivait le comput celtique, célébra la fête de Pâques quand la reine, fidèle à l’usage romain, était encore au dimanche des Rameaux. Tous furent d’accord que la question pascale devait définitivement être tranchée, afin que ces fâcheux inconvénients ne pussent plus troubler l’unité et la paix de l’Église et du peuple.

Une grande assemblée fut convoquée au monastère de Whitby. Le roi Oswy présidait, Colman et Wilfrid y assistèrent, entourés de leurs partisans. Oswy déclara nettement qu’il fallait se décider ou pour le comput romain ou pour le comput celtique. L’évêque Colman plaida pour le comput celtique : il rappela que des hommes renommés par leur sainteté et leurs miracles, tels que Colomba et ses successeurs, lui avaient toujours été fidèles, et que l’usage pascal suivi dans les Églises celtiques remontait à Anatole, un saint et savant homme, et à l’apôtre saint Jean. Wilfrid parla pour l’usage romain. Il rappela que le cycle de 19 ans était en usage non seulement à Rome, mais aussi en Gaule (ce en quoi Wilfrid se trompait), en Afrique, en Grèce, bref dans toutes les Églises de l’univers, à l’exception de celles des Bretons, des Pietés et des Irlandais du Nord. Wilfrid rappela ensuite que le cycle prôné par Colman n’avait rien de commun avec celui d’Anatole, car ce dernier était un cycle de 19 ans, tandis que le comput celtique se basait sur le cycle de 84 ans. En outre, continuait Wilfrid, Anatole n’admettait pas Pâques le 14e jour de la lune, comme le cycle celtique le fait. Columba avait été un saint homme, mais il avait été induit en erreur ; s’il avait connu le cycle en usage à Rome, il s’y serait sûrement rallié. Enfin, conclut Wilfrid, si saint qu’ait été Columba, on ne peut lui attribuer une plus grande importance qu’à saint Pierre, à qui le Sauveur a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. »