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PAQUES. LES PREMIÈRES CONTROVERSES PASCALES


dent que le 14 (nisan) le Seigneur mangea l’agneau avec ses disciples et qu’il souffrit le grand jour des azymes (le 15 nisan). Us expliquent Matthieu selon leur sentiment. Mais ce système n’est pas conciliable avec la loi ; il introduit une contradiction dans les évangiles… Le 14 (nisan) est la vraie Pàque du Seigneur, le grand sacrifice ; à la place de l’agneau, le Fils de Dieu. P. G., t. xcii, col. 80.

Ces chrétiens, blâmés par Apollinaire, prétendaient donc que Jésus était mort le grand jour de la Pàque juive (15 nisan) parce que, selon leur interprétation de l’évangile de saint Matthieu, il avait mangé l’agneau pascal avec ses disciples la veille de sa mort, chose qu’il n’aurait pu faire que le 14 nisan. Le vieil évêque d’Hiérapolis leur réplique que la date du 15 nisan pour le supplice de Jésus était inconciliable avec la loi mosaïque et ne pouvait être soutenue sans introduire une contradiction dans les évangiles, c’est-à-dire entre l’évangile de saint Jean, qui affirme formellement que le Sauveur est mort le jour de la Parascève, veille du grand sabbat, et les évangiles synoptiques.

Clément d’Alexandrie affirme que c’est le traité de Méliton qui l’a incité à écrire son De Pascha. Eusèbe, H. E., IV, xxvi, 4. La Chronique pascale en a conservé un fragment qui concorde pour le fond avec le passage d’Apollinaire cité plus haut. Clément y affirme que Jésus est mort le 14 nisan, et qu’il n’a pu manger la Pàque la veille de sa passion. P. G., t. xcii, col. 81.

Sans doute, ces textes ne parlent que de discussions concernant la date de la mort de Jésus. Toutefois, il n’est guère probable que les adversaires d’Apollinaire n’aient eu en vue que le redressement d’une erreur de chronologie ; il est bien plus vraisemblable qu’étant persuadés que Jésus est mort le 15 nisan, ils aient refusé de célébrer l’anniversaire de cette mort le 14 nisan ; c’est sans doute ce refus qui causa la vive discussion dont parle Méliton.

Nous n’avons aucune donnée sur l’issue de cette première controverse pascale. Toutefois, il est probable que Méliton et Apollinaire eurent gain de cause, car vers la fin du iie siècle, ainsi qu’on le verra, toutes les Églises d’Asie suivaient l’observance quartodécimane.

3° L’attitude de l’Église romaine. — Au plus fort de la crise quartodécimane, saint Irénée écrivit au pape Victor une lettre qui nous donne de précieux renseignements sur l’attitude de l’Église romaine parrapport à la question pascale au iie siècle. « Les prêtres (Ttpea6uT£po’.), écrivait Pévêque de Lyon, qui, avant Soter, ont présidé à l’Église que tu diriges maintenant, Anicet, Pie, Hygin, Télesphore, Xyste, n’observaient pas (le 14 nisan) et ne le laissaient pas observer par leurs fidèles ; ils n’en étaient pas pour cela moins pacifiquement disposés envers les fidèles des Églises d’observance (quartodécimane) qui venaient chez eux (à Rome) ; et pourtant l’opposition des deux usages était présente et partant plus manifeste. Jamais on n’a excommunié personne pour cette raison. Les prêtres (TrpîaëÛTepoi), tes prédécesseurs, envoyaient même l’eucharistie à ceux des Églises d’observance (quartodécimane ) ; quand le bienheureux Polycarpe vint à Rome sous Anicet, bien des menues divergences existaient entre eux, mais leurs rapports furent tout de suite pacifiques ; et quant au différend qui nous occupe (la question quartodécimane), ils firent preuve d’un esprit conciliant. Anicet ne parvint pas à persuader Poiycarpe de ne plus suivre l’observance (quartodécimane), à laquelle ce dernier avait toujours été fidèle à la suite de Jean, le disciple de Notre-Seigneur, ainsi que des autres apôtres, ses compagnons. Polycarpe, de son côté, ne put amener Anicet à l’observance quartodécimane, car ce dernier se disait tenu de suivre l’usage de ses prédécesseurs. Malgré cet état de choses, ils restèresnt en communion et, à l’église, Anicet, par

déférence pour Polycarpe, lui céda sa place pour la célébration de l’eucharistie. Ensuite, ils se séparèrent en paix, et, toute l’Église était en paix, ceux qui observaient (le 14 nisan) comme ceux qui ne l’observaient pas. » Voir cette lettre d’Irénée à Victor dans Eusèbe, H. E., V, xxiv, P. G., t. xx, col. 500 sq.

Il ressort de cette lettre qu’à Rome, dès le pontificat de Xyste, donc dès le premier quart du iie siècle, on ne suivait pas l’usage quartodéciman, et toute la situation, telle que la décrit la lettre de l’évêque de Lyon, nous amène à admettre que la fête de Pâques y était célébrée le dimanche. Toutefois, si les dirigeants de l’Église romaine ne toléraient pas l’observance quartodécimane chez leurs fidèles, ils ne la condamnaient pas chez les autres, puisqu’ils envoyaient l’eucharistie aux chrétiens originaires des Églises quartodécimanes, qui séjournaient à Rome. Voir, sur l’interprétation de ce passage, la note de Duchesne, La question pascale au concile de Nicée, dans Revue des questions historiques, 1880, p. 12.

Anicet essaya bien d’amener Polycarpe à renoncer à l’usage quartodéciman, lors du passage à Rome de l’évêque de Smyrne ; mais cette tentative infructueuse ne troubla pas la paix de l’Église. Il se pourrait, toutefois, que la discussion entre Anicet et Polycarpe ait suscité quelque émoi en Asie et que la controverse pascale, qui s’éleva à Laodicée en 165 (voir plus haut), n’en ait été qu’un écho.

Le successeur d’Anicet, Soter, fut moins accommodant à l’égard des quartodécimans, car il cessa de leur envoyer l’eucharistie. Toutefois, ce ne fut que le deuxième successeur de Soter, Victor, qui songea à employer des mesures de rigueur contre eux.

Les quartodécimans prétendaient qu’une antique tradition remontant à l’apôtre saint Jean, les autorisait à rompre le jeûne le soir du 14 nisan. Voir la lettre d’Irénée citée plus haut et Eusèbe, H. E., V, xxiii. Victor, de son côté, était persuadé qu’une tradition apostolique défendait de rompre le jeûne un autre jour que celui de la résurrection du’Sauveur, donc, que le dimanche. Eusèbe, id. Voulant réaliser l’unité quant à la célébration de la fête de Pâques, Victor provoqua la réunion de synodes qui devaient exprimer l’avis des différentes Églises sur cette question.

Eusèbe a eu sous les yeux les réponses envoyées par les conciles des provinces de Palestine, du Pont et de la lointaine Osroène, ainsi que les lettres écrites à cette occasion par Bacchyle de Corinthe et Irénée de Lyon. Toutes ces réponses étaient favorables à l’observance dominicale prônée par l’Église romaine. Seules, les Églises d’Asie proconsulaire firent entendre une voix discordante, et Polycrate, évêque d’Éphèse, adressa en leur nom, au pape Victor, une lettre singulièrement énergique. « Nous observons le jour (du 14 nisan), écrit-il, sans rien lui ajouter ni rien lui retrancher, r ar des personnages de grande autorité reposent en Asie et y ressusciteront au jour de la parousie du Seigneur… Philippe, un des douze apôtres, qui a sa sépulture à Hiérapolis, ainsi que ses deux filles… ; en outre, Jean qui reposa sur le cœur du Seigneur, qui fut prêtre, martyr et docteur, et qui repose à Éphèse ; ensuite, Polycarpe à Smyrne, évêque et martyr ; Thraséas d’Euménie, évêque et martyr, qui repose à Smyrne. Qu’est-il besoin de nommer Sagaris, évêque et martyr, qui a sa sépulture à Laodicée, ainsi que Papirius et Méliton l’eunuque, qui, en toute chose, a vécu selon le Saint-Esprit et qui repose à Sardes ?… Tous ces personnages ont observé le 14e jour de la lune pascale selon l’Évangile, sans s’écarter en rien du droit chemin ; ils se sont conformés à la règle de la foi — à ?.Xà xaxà tôv xavôva TÎjç TÛc-retùC àxoXou80ôvTsç — enfin, moi, Polycrate, qui suis moins que vous (je suis l’observance quarto-