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PAPE. POUVOIRS DES NONCES


c’esl-à-dire pour conserver l’unité et la pureté de la religion catholique ; en conséquence, les nonciatures permanentes et dotées de juridiction sont chose interdite. » Ibid.

L’affaire était des plus graves et fit grand bruit. Le pape ne jugea pas possible de répondre par une simple lettre ou par des mesures disciplinaires. Il envoya à chacun des quatre prélats un traité qui fut publié et dont la rédaction demanda dix mois de travail aux techniciens de la curie. La Responsio ad rnetropolitanos Moguntinum, Trevirensern, Coloniensem et Salisburgensem super nunciaturis apostolicis, Rome, 1789, n’a pas moins, en effet, de 336 pages in-quarto. Pie VI s’y attache à démontrer, par tous les arguments historiques et juridiques possibles, les droits du Saint-Siège en matière de nonciature. Son livre est demeuré l’arsenal où, par la suite, tous les champions de la juridiction des nonces ont puisé leurs armes.

Il nous suffit de signaler ici ces discussions : au fond, elles se ramènent à la question plus vaste des pouvoirs du pape au titre d'évêque universel, et les développements sur cette matière seront mieux à leur place à l’article Primauté. Voir aussi art. Dominis (Marcvntoine de) et Fébronius ; E. Puyol, Edmond Riclier. Étude historique et critique sur la rénovation du gallicanisme au commencement du xviie siècle, 2 vol., Paris, 1876 ; PU pupx Sexti responsio… super nunciaturis apostolicis, Rome, 1789 ; D. Bouix, Tractatus de curia romana, Paris, 1880, pars VI, de legatis a latere, nuntiis, etc.

Cependant, il convient d’insister un peu sur le cas de la nonciature de France : il est tout à fait spécial et ne se rattache aucunement aux conceptions dogmatiques. Les nonces accrédités auprès du roi très chrétien n’ont jamais exercé de juridiction ecclésiastique, et s’il y a eu parfois des difficultés à ce sujet entre Rome et Paris, elles ont porté sur des détails, non sur le principe. Le deuxième article de la loi organique du 8 avril 1802 est ainsi rédigé : « Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation (du gouvernement) exercer sur le sol français ou ailleurs aucune fonction relative aux affaires de l'Église gallicane. » Les polémistes ont souvent considéré cette décision comme un coup de force du premier Consul et une injure au Saint-Siège. C’est là une erreur. Sans doute, la forme de cet article s’apparente un peu a la littérature « sans-culotte » ; mais le fond reste exactement dans la pure tradition de l’ancien régime.

Or, cette tradition n’a rien de commun avec les théories d’un Fébronius ou d’un Richer : nous avons vu l’accueil que reçut le I.ibellus de ce dernier ; quant au premier, le clergé, de France repoussa avec indignation, dans son assemblée générale de 1775, la prétention qu’il affichait de se rattacher au gallicanisme. Fébronius pouvait être sincère en revendiquant cette parenté, mais il se trompait, et trop d’historiens l’imitent et se méprennent sur la vraie nature du gallicanisme.

Ce qui caractérise les gallicans, au moins quand il s’agit des relations entre le Saint-Siège et la France, c’est que leur doctrine est particulariste au premier chef. Ils n’ont pas la prétention de réglementer spéculativement la quotité de juridiction qui revient à la puissance spirituelle et au pouvoir séculier, fis ne s’occupent que de la France, laquelle, étant données les circonstances de son passé, est en possession, disent-ils, d’une législation canonique particulière qu’ils entendent maintenir. Il s’agit d’un droit public non point général, mais national. Un M. -A. de Dominis, un Richer, un Fébronius posent des principes universels, à prétentions illimitées dans l’espace, valables, à leurs yeux, pour toute la chrétienté. Rien de semblable

pour les gallicans ; ils ne s’occupent que des « Libertés et franchises » de leur propre Église, de la souveraineté et de l’indépendance des rois très chrétiens.

Et ils sont, de ce fait, éminemment conservateurs, alors que les théoriciens mentionnés plus haut font figure de révolutionnaires. Ils ne prétendent pas qu’il y a corruption du concept ecclésiastique et ne réclament aucune restauration ; au contraire : étant donné un état de fait, existant, constatable, ils soutiennent, à défaut de textes difficiles à produire, que possession vaut titre. Dans leurs querelles contre Rome, ils plaident au possessoire, non pas au pétitoire. En ce qui concerne les nonces, ils constatent, ce que personne ne conteste, que ceux-ci appartiennent à la catégorie des légats, et ils affirment que la couronne de France a « dans ses chartes » la preuve suffisante qu’aucun légat pontifical ne doit exercer de juridiction ecclésiastique sur le territoire sans lettres patentes délivrées par le roi.

Telle était, au xvie, au xviie, au xviir 2 siècle, l’idée que tout le monde admettait. Dans le Recueil des actes, titres et mémoires concernant les affaires du cierge de France, qui peut passer à juste titre pour une des collections officielles de l'Église gallicane, le t. vu (Paris, 1719) contient un chapitre De l’autorité que les légats et les nonces de notre saint Père le pape peuvent exercer en France, en ce qui concerne la juridiction contentieuse, tant en première instance qu’en cause d’appel, col. 1423 et sq. Or, on peut y lire ceci : « … Les nonces de notre saint Père le pape entreprendraient aussi inutilement de s'établir juges des questions qui forment des procès en France entre les sujets du roi. Il est vrai qu’ils ont un tribunal et exercice de juridiction dans les provinces qui sont soumises à la discipline des décrétâtes et autres décrets de la discipline du concile de Trente… Cette discipline des décrétales et du concile est contraire à l’usage et aux maximes du roïaume. Les nonces du pape ne font autre fonction en France que d’ambassadeurs, et ne peuvent y en faire d’autres, ils n’ont aucun emploi que proche la personne du roi, et n’en peuvent avoir dans le roïaume. C’est ce que fit observer M. Orner Talon dans les remontrances qu’il fit au Parlement en qualité d’avocat général, le 15 mai 1647, contre une entreprise de l’archevêque d’Athènes, qui étoit alors nonce en France… Ce nonce avoit dit dans un certificat ou mandement, mis au bas d’une bulle, que l’original de cette bulle est demeuré dans les archives de sa nonciature. Le même magistrat représenta que cette manière de parler ne convient point à nos mœurs, et que le nonce du pape, non plus que les autres ambassadeurs des princes souverains, n’ont ni greffe, ni archives dans ce roïaume… Il y a eu des nonces qui ont entrepris de s’attribuer quelque exercice de juridiction ; mais aussitôt que MM. les gens du roi en ont eu avis, ils en ont porté leurs plaintes au Parlement, et ces entreprises n’ont eu aucune suite. On peut voir dans plusieurs exemples l’attention de cette cour à maintenir ces anciennes maximes du roïaume. » Col. 1426.

Quoi qu’il en soit de la légitimité de cette attitude, contre laquelle ont protesté, au xixe siècle, plusieurs canonistes français (p. ex. : Bouix, Tractatus de curia romana, p. 578) il est certain que les papes s’en accommodaient : eu égard, sans doute, à la nature toute spéciale de ses fondements, où n’entrait pour rien la doctrine sur la constitution de l'Église. Il était admis, en curie, que le nonce de France n’a aucune juridiction ecclésiastique. Un document publié en 1910 le montre à l'évidence. H. Biaudet, Les nonciatures apostoliques permanentes, piècexii, p. 314. C’est un mémorandum de la Chancellerie, sorte de directoire à l’usage d’un nouveau nonce. A propos des fonctionnaires de la nonciature, on y lit ceci, que nous traduisons de l’italien :