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PAPE. ETAT ACTUEL DES NONCIATURES


personnel se recrutait généralement parmi les curiaux originaires du pays où on les envoyait ; mais ce n’était point là une règle et l’on pouvait également choisir des collecteurs d’origine italienne. Nommés à poste rixe, résidant longtemps sur le même territoire, ils étaient à même de connaître leur milieu. Presque toujours mal vus, comme la plupart des percepteurs d’impôts, il n’y avait guère à craindre qu’ils fussent amenés à trahir les intérêts du Saint-Siège. Ainsi les nonciatures d’Espagne, par exemple, de Venise, de Portugal, de Naples, de Pologne, d’Angleterre, s’ébauchèrent avec les pouvoirs cumulés d’un nuntius et collector, qui devint purement et simplement nonce résidant quand les collectories disparurent. Richard, Origines des nonciatures permanentes, toc. cit., p. 56, 319 ; H. Biaudet, op. cit., p. ! ».

En Allemagne, l’ombrageuse puissance des légats nés rendit l’établissement d’une nonciature permanente particulièrement délicate. Le Saint-Siège se risqua tout d’abord à maintenir un représentant près de la personne de l’empereur, sans lui confier aucune juridiction territoriale Ce poste donna plus tard naissance à la nonciature d’Autriche. Quant aux provinces rhénanes, où dominaient les grands électeurs ecclésiastiques, il fallut se contenter d’agents extraordinaires, jusqu’au jour où le scandaleux mariage et le passage au luthéranisme de l’archevêque de Cologne, Gebhardt von Truchsess, en 1582, fournit à Grégoire XIII l’occasion d’imposer d’autorité la présence à Cologne d’un nonce permanent muni des pouvoirs les plus étendus. H. Biaudet, op. cit., p. 12.

Des nonces commencent à résider auprès des cantons suisses à partir de l’alliance conclue par Jules II avec les confédérés, grâce à laquelle ceux-ci devaient fournir au pape les soldats nécessaires à sa garde (1510). Us lurent tout d’abord des sortes d’agents recruteurs. P. Richard, loc. cit., p. 337.

Les nonciatures permanentes ont donc, ce qui précède le montre assez, les origines les plus diverses. On fait quelquefois honneur à Léon X de les avoir créées. Il serait plus juste de dire que le fils de Laurent le Magnifique fut le principal organisateur de la diplomatie pontificale. Sans doute, il multiplia les nonces et prolongea la durée habituelle de leur mission ; mais certaines nonciatures permanentes existaient déjà, en somme, avant son pontificat : celles de Venise, d’Espagne, de Suisse ; et, dans les postes qu’il’eréa, les agents ne se succédèrent pas toujours, dans la suite, avec régularité.

Ce qui caractérise les nonciatures modernes, c’est la continuité dans la série de huis titulaires, et c’est le fait que le pape envoie ceux-ci pour résider, les accréditant pour négocier non point telle affaire spéciale, mais toutes celles qui peuvent, éventuellement, intéresser le Saint-Siège. Or une telle institution n’a mûri que peu à peu. Dans certains pays, les envoyés pontificaux se succédèrent longtemps sans interruption ; dans d’autres, les missions se prolongèrent plusieurs années, avec un caractère d’universalité dans les pouvoirs des agents. De ce chef, des bureaux, un service de correspondance avec Rome, des moyens d’information s’organisèrent, dans tout le pays : mais, tout cela, plutôt exigé par les circonstances qu’en vertu d’une volonté réfléchie du Saint-Siège.

C’est seulement dans la seconde moitié du xvi 1 siècle que l’institution prit son essor. La Réforme protestante et le concile de Trente imposèrent à la papauté, bon gré mal gré, dans le domaine des relations internationales, un changement d’orientation. Au temps d’Alexandre VI, de Jules II, de Léon X, les papes avaient pu poursuivre surtout une politique de souverains italiens, excitant au besoin les uns contre les autres les princes chrétiens, dans le but de fortifier

leur propre situation territoriale. Dans la seconde moitié du xvie siècle, au contraire, Rome devint, par la force des choses, le centre de la défense catholique. Il fallut au Saint-Siège, dans tous les pays qui n’avaient point fait défection, des mandataires fixes, capables de représenter l’autorité pontificale, de renseigner la curie sur les idées et les événements, d’intervenir sans retard pour barrer la route aux progrès de l’hérésie, de travailler à la mise en pratique des décisions conciliaires. La papauté se détachant des intrigues séculières pour entrer résolument dans la voie d’une politique ecclésiastique, l’institution des nonciatures cessa de subir les fluctuations précédemment imposées par les vues personnelles de chaque pape ; elle cessa aussi d’être tiraillée entre les tendances vers une diplomatie nouvelle, manifestées par certains papes, et les répugnances conservatrices de la curie, fidèle aux anciens errements. Elle put donc être organisée de façon définitive. Ainsi, déjà ébauchée sous Alexandre VI et sous Jules II, perfectionnée sous Léon X, elle obtint son achèvement et sa consolidation des pontificats de Pie IV et surtout de Grégoire XIII (1572-1585). PL Biaudet, op. cit., p. 23-33 ; cf. P. Richard, toc. cit., p. 338.

A la mort de ce dernier pape, non seulement les nonciatures existent que connaîtront le xvii c et le xviir 3 siècle, mais des traditions s’établissent — non point inviolables, sans doute, mais maintenues plus tard dans leurs grandes lignes et leur esprit — concernant le choix des nonces, leur hiérarchie, leurs pouvoirs, leurs émoluments, la durée de leur mission. On choisit les nonces, sauf de rares exceptions’, parmi les évêques ou les archevêques ; ils sont italiens : on ne les recrute pas n’importe où, mais ordinairement ils font carrière dans la diplomatie, commencent dans les emplois inférieurs pour s’élever aux postes plus importants ; ils passent des petites aux grandes nonciatures, car déjà les pays sont classés ; ils reçoivent un traitement fixe, variant avec les nonciatures, mais indépendant des ressources personnelles ; non seulement ils sont accrédités près du chef de l’Etat, mais ils jouissent, au point de vue de la juridiction ecclésiastique, de prérogatives déterminées. IL Biaudet, op. cit., p. 33-90.

/II. ÉTAT GÉOGRAPHIQUE DES NONCIATURES. — A

la fin du pontificat de Grégoire XIII, époque où l’institution apparaît définitivement organisée, on constate la présence de nonces permanents en Pologne, à Venise, en Savoie, à Naples, à Florence, en Espagne, en Portugal, en France, auprès de l’empereur, en Allemagne (résidence à Gratz) dans les pays rhénans (résidence à Cologne), en Suisse. Avant le xix° siècle, il ne s’en créera que deux nouvelles, en Flandre (1596) et en Bavière (1783). En revanche, plusieurs disparaîtront : celle de Gratz, supprimée en 1621, celle de Cologne, dont le dernier titulaire, Annibale délia Genga, le futur Léon XII, nommé en 1794, ne put prendre possession de son poste, à cause de l’occupation de la ville par les années françaises ; celle de Pologne, quand le royaume fut, démembré ; celles des pays italiens ; celle de Suisse, à la suite d’une encyclique de Pie IX, mal accueillie par le conseil fédéral (1873) ; celle de France, enfin, la République ayant rompu les relations diplomatiques avec le Saint-Siège en 1905. Ainsi l’on pouvait, en 1910, établir de cette façon le bilan de la représentation diplomatique pontificale : plus que six nonciatures proprement dites, dont trois de première classe, que leurs titulaires ne quittent que pour entrer dans le Sacré Collège : celles d’Autriche, d’Espagne et de Portugal : et trois de seconde classe : celles de Belgique (l’ancienne nonciature de Flandre), de Bavière et du Brésil, tout récemment créée. Des agents diplomatiques d’un degré inférieur représentent en outre le Saint-Siège dans onze pays de l’Amérique latine : en