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ORDRE. HIERARCHIE APOSTOLIQUE


Theoloçjica de Ecclesia, 1. 1, n. 94 sq. ; H. Dieckmann, S. J., De Ecclesia, tract. II, q. in ;.1. de Guibert, S. J., De Christi Ecclesia, Rome, 1928, n. 62-67 ; A. Médebielle, Apostolat, dans le Supplément du Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 533 sq.


II. Origine et développement de la hiérarchie. —

On ne saurait admettre, tout d’abord, que la hiérarchie sacrée ait eu comme point de départ les charismes. En quelques mots, éliminons ce système historiquement insoutenable. Sans doute, les charismes furent extrêmement abondants dans l'Église naissante. Mais saint Paul, tout en croyant à l’origine divine des charismes, ne tient pas ces manifestations de l’Esprit pour essentielles dans l'Église. Bien plus, en face de ces manifestations, il affirme le droit de l’autorité, à qui il appartient de sauvegarder et la foi reçue et les commandements du Seigneur, et l’enseignement des apôtres et l'édification de l'Église tout entière ; cf. Gal., i, 8 et I Cor., xii, 1-xiv, 40. La distinction historique du charisme et du ministère est classique ; cf. H. Bruders, Die Verjassung der Kirche bis zum 175, Mayence, 1904, p. 62-103.

L’autorité, les apôtres la possèdent, la tenant de Jésus-Christ lui-même. Parmi eux, saint Pierre jouit d’une primauté de rang qui établit déjà dans le collège apostolique une hiérarchie organisée. Cette hiérarchie va se développer au fur et à mesure que les apôtres se choisiront, selon les besoins, des aides et des successeurs.

I. PREMIÈRES AFFIRMATIONS DU POUVOIR SACERDOTAL DANS LA HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE.

Aussitôt après l’ascension, Act. i, 9-11, sur l’initiative de Pierre, les apôtres et les disciples procédèrent, au remplacement de Judas. On sait comment le choix du nouvel apôtre fut laissé en dernier ressort au « Seigneur ». Id., i, 15-26. Ainsi donc, Matthias, tout comme les autres apôtres, reçut directement de Jésus le pouvoir sacré. Nul rite spécial n’intervient ici. C’est toujours le pouvoir d’excellence de Jésus-Christ par rapport aux sacrements qui agit efficacement.

Le miracle de la Pentecôte marqua pour les Douze l’accomplissement de la promesse du Sauveur ; cf. Joa., xiv, 26. Rien ne nous autorise à supposer que cette venue extraordinaire de l’Esprit marquait pour les apôtres et pour les disciples la communication d’un pouvoir sacerdotal. Même après avoir reçu l’Esprit, les simples disciples demeurent toujours bien distincts du groupe des apôtres. C’est à ceux-ci, et à eux seulement, qu’appartient l’autorité qui règle la vie religieuse, prend les décisions opportunes et accomplit les rites sacrés prévus par le Christ.

Les disciples, en effet, dont le nombre s’accroît au fur et à mesure des conversions opérées par la prédication apostolique, nous apparaissent, dans les Actes et les épîtres, comme les membres d’une religion nouvelle, par laquelle ils se distinguent en plusieurs points essentiels des autres hommes, juifs et gentils, et vivent entre eux dans une étroite communion. Sans doute, les premiers chrétiens, juifs convertis, furent exacts aux observances mosaïques et, aussi longtemps qu’existèrent le temple et leur nation, ils restèrent courbés sous ce joug. Même saint Paul, qui prêche l’abolition de la Loi dans les Églises en dehors de la Judée, Act.. xv, 2 ; Gal., n ; 11-15, soumit à la circoncision Timothée, né d’une mère juive, Act., xvi, 3, fit vœu de nazirat selon le rituel mosaïque et alla au temple offrir les sacrifices requis à cet effet, id., xxi, 23-27, et cela, à la demande des chefs de l'Église de Jérusalem, pour prouver que « lui aussi, Paul, observait la Loi ». Sur cette fidélité de l'Église de Jérusalem au mosaïsme, voir S. Irénée, Cont. heer., III, xii, 15, P. G., t. vii, col. 910, et Eusèbe, H. E., II, xxiii, t. xx, col. 196.

Néanmoins, tout en continuant à prendre part à la vie nationale et religieuse d’Israël, les nouveaux convertis forment une société religieuse à part, bien distincte. La séparation d’avec les juifs s’affirme dus la première prédication de Pierre, Act., ii, 40 ; leurs réunions se tenaient dans le portique de Salomon et personne n’osait se mêler à eux, id., v, 12-13. Les prêtres juifs et les sadducéens comprirent bien le sens de cette séparation, puisqu’elle est pour eux prétexte à persécuter les disciples du Christ, iv, 1, 21 ; v, 18, 40, qu’ils appellent dédaigneusement les « Nazaréens », xxiv, 5, secte que plus tard les juifs de Rome déclarent être partout en butte à la contradiction, xxviii, 22. D’autre part, les païens savent distinguer les disciples du Christ du peuple juif dont cependant ils sont originaires ; à Anlioche, ils les appellent chrétiens, xi, 26 ; cf. I Pet., iv, 16. Bien que Paul n’emploie pas le mot de chrétiens pour désigner la communauté religieuse primitive, on sent, aux expressions employées par lui pour désigner les adeptes de la nouvelle religion, que ceux-ci forment un groupe à part, le groupe de ceux qui ont été appelés, Rom., i, 6 sq. ; viii, 28 ; I Cor., i, 2, 24 ; ou élus, Rom., viii, 33 ; Col., iii, 12 ; Tit., i, 1. Il distingue entre ceux du dehors et ceux du dedans, 1 Cor., v, 12 ; cf. I Thess., iv, 12 ; Col., iv, 5 ; I Tim., iii, 7, et il détourne les chrétiens de toute participation à la vie des infidèles, II Cor., vi, 14-16.

On pourrait, dans Paul, trouver cent autres expressions qui marquent bien le caractère d’unité sociale de la religion nouvelle, dont les disciples du Christ sont membres. Ils sont 1' « Israël de Dieu », c’est-à-dire le véritable Israël, Gal., vi, 16 ; cf. Act., xv, 14 ; xviii, 10 ; ils forment la vraie cité d’Israël, Eph., m. 20, l'Église qui est la maison de Dieu, I Tim., iii, 15 ; cf. I Cor., iii, 9 ; Gal., vi, 10 ; Eph., ii, 19. ou la maison du Christ, Heb., iii, 6.

Cette unité sociale apparaît encore dans la métaphore du corps mystique dont le Christ est le chef, Eph., i, 22-23. Et, d’ailleurs, saint Paul proclame à plusieurs reprises l’unité de ce corps religieux : I Cor., vm, 4, 6 ; Rom., iii, 30 ; Eph., iv, 4 sq. ; I Tim., ii, 5 ; Rom., v, 12, 19 (tous morts en Adam, tous reconciliés par l’obéissance du seul Jésus-Christ) ; II Cor., v, 14 (le Christ seul mort pour tous) ; Gal., ni, 27 ; Col., ni, 11. Cette unité apparaît dans les noms que les chrétiens se donnent entre eux : ils sont les disciples, c’est-à-dire ceux qui suivent la même doctrine et ont la même foi, Act., ix, 36 ; x, 45 ; II Cor., vi, 15 ; les frères, mot que l’on trouve fréquemment dans les Actes et les épîtres de Paul ; les saints : ils sont l'Église, mot qui résume tous les liens d’unité. Cette unité sociale des disciples du Christ se fonde extérieurement sur la doctrine apostolique prêchant à tous la même foi, Col., i, 23 ; cf. I Cor., xv, 11 ; et imposant à tous le même modèle de doctrine, Rom., vi, 17 ; cf. I Cor., xv, 1 sq. ; Eph., iv, 5. Elle repose également sur l’union dans la charité, I Cor., xii, 31 ; Act., iv, 32 ; laquelle se manifeste par la pratique de l’aumône, id., iv, 34, Gal., ii, 10 ; I Cor., xvi, 1 ; II Cor., viii, 1 ; ix, 2. Cf. II Cor., ix, 12 sq. Elle s’appuie enfin sur les mêmes éléments du culte, la fraction du pain, symbole parfait de la charité, I Cor., x, 16 sq. ; le baptême en rémission des péchés, Act., ii, 38 ; cf. ix, 18 ; x, 47 ; ix, 5, lequel agrège le fidèle, quel qu’en soit le ministre, au seul Jésus-Christ, I Cor., i, 12 sq. ; cf. Rom., vi, 3 ; Eph., iv, 1-6.

Mais ce corps, dont l’unité s’affirme si explicitement, n’est pas une organisation démocratique. Une autorité s’exerce à son endroit, et c’est l’autorité des apôtres.

Autorité suprême de Pierre tout d’abord, manifestant la primauté dont Jésus-Christ l’a revêtu par