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PALLADIUS


ces deux documents. Or, c’est l’existence même de ce plan de clivage qu’a contestée dom Butler ; il a établi de manière solide que, soit pour le mode de composition, soit pour le style en général, soit pour des expressions particulières, il est impossible d’établir une différence appréciable entre les deux parties du livre. D’un bout à l’autre, celui-ci porte la marque d’une composition d’une seule venue et rédigée sur des souvenirs personneis. Seulement, il convient de le remarquer, ces souvenirs ne sont pas tous du même ordre. Les uns représentent des scènes vues par l’auteur, des propos entendus par lui de la bouche même de tel saint personnage ; d’autres, au contraire, rapportent des anecdotes, qui circulaient dès l’époque dans les milieux monastiques, sorte de folklore dont les origines remontaient déjà à près d’un siècle et qui pourrait bien avoir des racines aul renient profondes. (Étudier à ce point de vue les biographies des deux Macaires, c. xvii et xviii.) On assiste en somme au même phénomène qui se réalise, presque à la même date en Occident, pour la vie de saint Martin. Voir ici, t. x, col. 212. C’est, pensons-nous, ce qu’il faut conserver de la thèse de Reitzenstein. Mais, tout compte fait, l’Histoire lausiaque reste, comme dit fort judicieusement A. Lucot, « un document psychologique et aussi une contribution précieuse à l’étude d’un pays mystérieux…, c’est un chapitre de l’histoire, qui fut mouvementée et dénaturée de parti pris, d’un passé, dont il reste actuellement peu de choses. » Édit. cit., p. xxviii.

Outre les renseignements historiques qu’elle peut fournir, l’Histoire lausiaque donne, en passant, des indications précieuses sur les croyances, les observances et la vie chrétiennes. Une table fort bien faite, Butler, t. ii, p. 263, permettra de les retrouver aisément dans le texte. Voir aussi l’étude d ? Lucot, p. xxix-xxxin. Plus important serait-il de relever la doctrine ascétique de l’auteur. Comme le grand nombre de ses contemporains, Palladius se représente la vie spirituelle comme une lutte perpétuelle avec le démon, dont l’action est souvent exposée de la façon lapins matérielle. Mais, si le démon a prise sur l’homme, c’est à cause des passions qui existent chez celui-ci, orgueil, avarice, gourmandise, mais principalement luxure. De cette dernière, il est question, et en des termes parfois risqués, dans une bonne partie des notices. C’est à combattre ces passions qu’est ordonnée la vie ascétique ; elle oppose à chacune d’elles la vertu appropriée. Les macérations corporelles, jeûnes, veilles, tortures physiques supportées ou recherchées, sont un des grands moyens de vaincre les passions ; bien qu’elle suit plus discrètement indiquée, et semble à première vue passer à l’arrière-plan, la prière n’en est pas moins l’arme par excellence. Prière collective ou prière personnelle, elle trouve son aliment essentiel dans le Psautier. A côté de la mortification et de la prière, le travail, tout spécialement le travail manuel, est encore un des moyens de vaincre la nature rebelle. L’ascète ne doit pas seulement se suffire a lui-même ; le travail doit l’aider à venir en aide à la misère des autres. Renforcée par tous ces moyens, la vie spirituelle tend vers l’àicàOïia. Bien que le mot ne se rencontre que rarement (voir pourtant prol. n. 8, p. 12), l’idée est sousjacente à un très grand nombre d’anecdotes. On aurait tort d’ailleurs de voir, comme certains l’ont fait, rien d’hétérodoxe dans cette àroiGeia. Elle n’est ni le quiétisme paresseux des euehites, ni l’impassibilité stoïcienne, ni l’impeccantia pélagienne. C’est l’équilibre d’une âme qu’une longue pratique de l’ascèse a fini par pacifier, heureux état vers lequel aspirent en somme toutes les âmes pieuses, et qui est quelque chose comme l’indifférence ignacienne. Un dernier trait de la doctrine de Palladius mérite d’être relevé : l’humilité est la vraie gardienne de la vie spirituelle. Aux vir tuoses de l’ascétisme, trop souvent désireux d’étonner leurs frères par les terribles exploits de leur mortilication, notre auteur insinue volontiers qu’ils n’ont rien compris à la vie intérieure. C’est ce qui ressort de nombre d’anecdotes, et surtout du prologue. « La piété, y lit-on, est naturellement exposée à des lluctuations sous l’action des différentes malices, visibles et invisibles ; mais elle peut rester dans le calme, grâce seulement à une prière continuelle et à la préoccupation de ses intérêts. Car beaucoup d’entre les frères, infatués de labeurs et d’aumônes, se targuant de célibat ou de virginité et ayant placé leur confiance dans la médilation des sentences divines et les pratiques de zèle, on f perdu de vue l’impassibilité, par manque de discernement et sous prétexte de piété : ils ont eu la maladie de certaines curiosités, et de là naissent des entreprises compliquées ou des activités coupables. » Prol., n. 7, 8, p. 11-12. Et un peu plus loin : « L’action de boire du vin avec raison est chose meil eure que l’action de boire de l’eau avec orgueil. » Ibid., n. 10, p. 12. En définitive, l’ascétisme de Palladius est du meilleur aloi.

Pour sympathiques que soient le personnage et sa doctrine, ils n’ont pas laissé néanmoins d’être attaqués. Le point de départ de ces critiques a été une lettre de saint Épiphane mettant en garde l’évêque Jean de Jérusalem contre Palladius : Palladium vere Galatam, qui quondam nobis carus fuit et nunc misericordia Dei indiget, cave, quia Origenis hxresim prædicat et docet. Int. epist. Hieron., li, P.L., t. xxii, col. 527. lettre datée de 393 ou 394. Le fait pour Palladius d’avoir été le disciple d’Évagre le Pontique, condamné comme origéniste sous Justinien, a porté également préjudice à la mémoire de l’évêque d’Hélénopolis. La manière sévère (mais juste) dont il parle de saint Jérôme, voir c. xxx vi, n. 6, p. 108 ; c. xli, n. 2, p. 128, a contribué au même résultat. L’appréciation inexacte de ce que furent, dans la réalité, les querelles origénistes du ive siècle a induit en erreur, sur ce point, les critiques ecclésiastiques des xvie et xviie siècles, Baronius, Hervet, Rosweyde. Voir leurs jugements dans P. L., t. lxxiii, col. 1065-1072 (extraits de Baronius) : P. G., t. xxxiv, col. 993-994 (Hervet) ; ibid., col. 1261 1278, ou P. L., ibid., col. 1217-1233 (Rosweyde, particulièrement n. ii, 24, 31, 127, 133, 175) ; ils sont caractéristiques d’un état d’esprit qui n’a pas complètement disparu. On est arrivé depuis à une compréhension plus exacte des choses, et l’on est revenu au jugement que portait sur Palladius l’honnête Tillemont, Mémoires, t. xi, p. 530. Celui-ci voil en lui « un évêque dont la vie n’a rien que d’édifiant, dont les écrits ne portent qu’à la piété, qui paraît avoir eu beaucoup de simplicité et d’humilité. » Lire dans le même sens le jugement de dom Butler, t. i, p. 173-178.

3° Le fragment sur les peuples de l’Inde et les brames.

— Au milieu du roman d’Alexandre, mis faussement sous le nom de Callisthène, et interrompant la suite du récit de manière très visible, se lit une courte dissertation qui est également conservée à l’état séparé et qui porte alors ce titre : LTaXX’xSîoo Ttepl tgjv ttjç’IvSîaç è0vâ>v xoà twv Bpaxji-dcvcov. Les recherches à ce sujet de Fr. Pfister montrent qu’il ne faut attribuer à cette dissertation que les c. vii-x, du 1. III de pseudo Callisthène, édit. Mûller, p. 102-106. — Une courte dédicace, adressée à quelque haut personnage, fait allusion à un traité antérieur que l’auteur a déjà dédié à celui-ci : Ilpoç toiç etp7]|j.svotç 7rpoasJ ; Y]Y)cr6|i.e6â oo*. xoù tÔv tcov Bpayja.àvwv (BLov. Sans doute, continue t-il. il n’est pas allé lui-même dans les Indes ; le plus loin qu’il se soit avancé, c’est jusqu’à la frontière entre l’Egypte et l’Ethiopie, en compagnie de Moïse, évêque d’Adoula ; mais il a pu se procurer des renseignements sur les brahmanes par un avocat de Thèbes qui était allé jusqu’en ces lointains parages, ayant poussé même