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ORDRE. INSTITUTION PAR LE CHRIST


jusqu'à la lia du monde : « Qui vous écoute, m'écoute ; qui vous méprise, me méprise ; mais qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. » Luc., x, 16 ; cf. Matth., . Il » ; Joa., xiii, 20. « Ainsi, le Christ donne à son Église, représentée par les apôtres, une mission semblable à la sienne, une même autorité suprême, une fin identique qui est la gloire de Dieu par le salut des hommes. » J. Anger, La doctrine du corps mystique de Jésus-Christ, Paris, 1929, p. 247.

3° Institution d’un pouvoir sacerdotal dans l'Église. — La mission de l'Église s’exerce grâce au triple pouvoir que Jésus-Christ lui a conféré, pouvoir d’ordre ou de sanctification des âmes, pouvoir de gouvernement, pouvoir d’enseignement. Voir Église, t iv, col. 2175 sq. Du pouvoir de gouvernement et du pouvoir d’enseignement, nous n’avons pas à nous occuper ici. Le pouvoir d’ordre ou de sanctification retient seul notre attention, parce qu’il suppose expressément, en ceux qui l’exercent au nom du Christ, une participation au sacerdoce du Sauveur. Sur le sacerdoce de Jésus-Christ, voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1335.

1. A priori, on pourrait inférer que Jésus-Christ a institué un pouvoir sacerdotal en son Église. Si l'Église doit continuer sur terre la mission du Christ ; si Jésus, dans l'œuvre de sanctification des âmes, s’est substitué à lui-même les apôtres et leurs successeurs, il est évident que ceux-ci ont dû recevoir en participation le pouvoir sacerdotal dont le Christ fut orné, et qui est essentiel à l’activité surnaturelle du Rédempteur des hommes. Bien plus, toute l'œuvre de l’incarnation et de la rédemption se rattache au sacerdoce du Christ comme à son centre actif et vivifiant. On lira, sur ce point, le pénétrant ouvrage du P. Héris, Le mystère du Christ, Paris, 1928.

D’autres considérations appuient ce motif a priori. Le pouvoir de gouvernement et d’enseignement n’atteint par lui-même et dans son exercice normal que l’extérieur de l’homme. Sans doute, la justification intérieure peut suivre la prédication de la vérité et l’obéissance aux lois, quand les dispositions de l'âme sont assez parfaites pour l’engendrer ex opère operantis. Mais il est plus convenable et plus conforme à l’infirmité humaine que Dieu supplée à l’insuffisance fréquente de ces dispositions par l’exercice d’un pouvoir sacré qui atteint l’intime de l'âme sous des conditions librement prescrites par lui. Sur ces considérations, voir saint. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxi, a. 1, 3 ; q. i.xiv, a. 1, 2. De plus, il n’est pas vraisemblable que Dieu se soit réservé ce pouvoir de sanctification pour l’exercer toujours personnellement et immédiatement comme il le fit au jour de la Pentecôte : le miracle est chose exceptionnelle dans l’ordre providentiel. Du côté de l’homme, une sanctification immédiate par Dieu présenterait de graves inconvénients, supprimant dans l’ordre religieux les relations sociales et favorisant ainsi l'égoïsme et l’orgueil. Du côté de l'Église, quel amoindrissement ! Sans pouvoir de sanctifier les âmes, l'Église serait une institution presque superflue, et certainement, indigne d'être appelée le corps mystique du Christ. Voir, sur ces divers points, M. d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, t. i, n. 143.

Mais ces arguments de convenance et a priori trouvent une confirmation dans le fait que JésusChrist a vraiment doté son Église d’un pouvoir de sanctification par rapport aux âmes.

2. L’institution de ce pouvoir est amorcée par la manière de faire du Christ. Jésus, en effet, a voulu que les hommes fussent sanctifiés par des rites extérieurs. Ces rites extérieurs de sanctification existaient avant lui : cérémonies prévues par la Loi, consécration à Jahvé des hommes et des choses,

purifications, expiations, sacrifices de tous genres. Saint Thomas, Sum. theol., b^-II 33, q. on, a. 5, pense que dans l’Ancienne Loi il existait au moins quatre sacrements qui correspondaient, au baptême, à l’eucharistie, à la pénitence, à l’ordre (voir Sacrf.ments). Et même, avant la Loi, les rites extérieurs, sanctificateurs des âmes, ne faisaient point défaut ; il y avait des sacrements propres à la loi de nature. Quoi qu’il soit, Dieu semble avoir spécialement ordonné à l’accomplissement des rites sanctificateurs le sacerdoce antique, la hiérarchie lévitique, avec ses prêtres et ses pontifes : Dieu ne se charge-t-il pas de châtier ceux qui attaquent cette hiérarchie : Coré, Dathan, Abiron, les rois impies ; ceux qui en usurpent les fonctions : les mauvais prêtres et les lévites coupables du temps d’Héli jusqu’aux prévaricateurs condamnés par Isaïe et par les prophètes ? Ces rites sacrés, destinés par Dieu à la sanctification des hommes, Jésus-Christ en consacre la valeur. Il distingue entre les rites institués par Dieu et les rites d’origine purement humaine : ceux-ci seuls sont répréhensibles, parce que surajoutés par les scribes. Marc, vii, 3, 5, 8, 9, 13 ; cf. Matth., xv, 2-6. En outre, il condamne l’hypocrisie qui se contente d’honorer Dieu extérieurement et du bout des lèvres, et non pas intérieurement, Matth., xxiii, en entier. Les malédictions qu’ici Jésus prononce contre l’hypocrisie des scribes et des pharisiens ne sauraient rejaillir, quoi qu’en pensent certains exégètes et théologiens protestants, contre tous les rites extérieurs. La conclusion à attribuer au Christ serait bien plutôt celle-ci : si les apôtres de Jésus-Christ enseignent des rites nouveaux et les appliquent aux hommes, il faut admettre, -étant donnée l’attitude du Christ, que ces rites procèdent vraiment de Dieu. L'Évangile, en elïet, d’une part ne condamne que les rites d’origine purement humaine et qu’on impose aux hommes à l'égal des rites institués par Dieu, et, d’autre part ; nous fait voir que Dieu manifeste son action sancti ficatrice par le moyen de signes extérieurs : sanctification de Jean-Baptiste, manifestation de l’Esprit sur Jésus baptisé au Jourdain, transformation spirituelle des apôtres au jour de la Pentecôte, conversion de Corneille et de ses compagnons, etc.

Cette déduction est spécialement corroborée par l’attitude observée par Jésus, en ce qui le concerne personnellement, à l'égard des rites prescrits par la loi mosaïque ou admis par la piété populaire. Enfant, il est circoncis, présenté au temple, où il vient plus tard célébrer la Pàque à l'âge indiqué par la Loi. Adulte, il est publiquement baptisé par Jean, il mange l’agneau pascal avec ses disciples ; il ordonne d’observer les prescriptions que rappellent les scribes, Matth., xxiii, 2 ; il recommande d’accomplir les préceptes plus graves de la Loi, qu’omettent les pharisiens, sans délaisser les moins importants, id., xxiii, 23. Et nous avons enfin un signe non équivoque du respect professé par Jésus pour les rites mosaïques, dans le fait qu’après sa mort, les apôtres ont encore retenu pour les judéo-chrétiens l’usage de ces rites, jusqu'à ce que Dieu lui-même ait manifesté la nécessité de les abroger, soit en les rendant impossible par la destruction du temple, soit en en montrant l’inanité, en tant qu’ils s’opposent à la mission du Christ dans ce monde.

Il est donc tout naturel que le Christ ait voulu qu’après lui la sanctification des âmes fût procurée par des rites extérieurs, qu’il proclame par là même utiles et nécessaires. Exemples : Le baptême : « Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. > Joa., ut, 5. La condition est ici explicitement posée : où Sûvxrai. Et un juif instruit comme Nicodème ne pouvait se faire