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1791 PALAMITE (CONTROVERSE). TRIOMPHE DU PALAMISME 1792

que n’a pas Grégoras, mais ne distingue que trois sessions. La narration la plus claire et la plus complète, bien que faite du point de vue palamite et passant sous silence les discussions et incidents défavorables au parti, est encore le tome synodal, qui fut rédigé et souscrit deux mois après la clôture du concile (août 1351). D’après ce document, dont on peut lire le texte dans P. G., t. cli, col. 717-763, il y eut cinq sessions, dont quelques-unes furent séparées par plusieurs jours d’intervalle. La clôture eut lieu le 9 juin. Les palamites y étaient représentés par Jean Cantacuzène, le patriarche Calliste et une trentaine d'évêques, si l’on en juge par les signatures apposées au tome. Grégoras, op. cit., t. XVIII, c. iii, P. G., t. cxlviii, col. 1141, ne parle que de vingt-deux évêques présents, et nous dit que la plupart étaient des rustres sans instruction. Quant aux antipalamites, les plus marquants étaient, en dehors de Grégoras, le vieux métropolite d'Éphèse, Matthieu, dont nous avons conté les palinodies, l'évêque de Ganos, Joseph, l'évêque de Tyr, représentant le patriarche d’Antioche, Théodore Dexios, le hiéromoine Athanase, le moine Ignace, Théodore Atouémès encore tout jeune. Étaient présents aussi les élèves de Grégoras, qui ajoute que le peuple, dans son ensemble, était hostile à Palamas.

La première session s’ouvrit le 27 mai par un discours de Cantacuzène invitant les assistants à la concorde, mais laissant entendre que celle-ci devait être réalisée par la reconnaissance des dogmes palamites. Grégoras répliqua, au nom des opposants, que la paix était impossible à cette condition et qu’il fallait expulser de l'Église le polythéisme de Palamas. Devant cette attaque brusquée, Palamas accusa ses adversaires d’enseigner les doctrines de Barlaam et d’Acindyne et proposa un examen des ouvrages de ces deux personnages. Les opposants ripostèrent que ce n'était ni Barlaam, ni Acindyne qui étaient en cause, qu’au demeurant, ils étaient prêts à jeter au feu leurs écrits : la vraie question était de savoir si la théologie de Palamas était conforme à la doctrine traditionnelle de l'Église. C'étaient ses ouvrages à lui qu’il fallait examiner. Cette demande provoqua une discussion orageuse. Allait-on permettre que Palamas parût au concile en accusé? On se résigna pourtant à cette solution, et il fut décidé qu'à la prochaine séance le groupe de Grégoras aurait toute liberté pour exposer ses griefs.

La seconde session n’eut lieu que le 30 mai. Elle fut des plus mouvementées. Comme, dans l’intervalle des deux sessions, la foule avait poussé des cris hostiles contre les palamites, ceux-ci réclamèrent protection auprès du bisileus. Cantacuzène se repentit alors de la liberté qu’il avait accordée aux opposants d’attaquer Palamis. L’entrée au concile fut sévèrement contrôlée, et l’empereur ouvrit la séance par un discours plein de menaces contre les réfractaires. Devant cette violation de la parole donnée, ceux-ci se retirèrent, et Palamas put lire et faire approuver sa profession de foi sans rencontrer de contradiction.

Cependant la sécession des opposants ne faisait pas l 'affaire de Cantacuzène, et le but qu’il s'était proposé en réunissant le concile était manqué, s’il ne ramenait ceux-ci aux séances. Il y réussit par des flatteries et des promesses, et, deux sessions durant, les antipalamites purent développer leurs attaques contre Palamas avec une liberté relative. On se battit à coups de textes patristiques. A la troisième session, Palamas parut f lire une concession sur l’emploi du mot 0e6ty)ç appliqué aux opérations divines, concession qui fut retirée aux sessions suivantes. Comme la discussion sur les chapitres de Palamas n’en finissait pas — les antipalamites en avaient réuni soixante pour être soumis à l’examen — à la cinquième et dernière session, Cantacuzène proposa de terminer l’affaire par

une série de cinq questions résumant toute la doctrine du théologien hésychaste. Les réponses favorables au palamisme furent appuyées sur de nombreux textes des Pères. Les opposants réclamèrent contre l’exégèse fantaisiste de leurs adversaires et citèrent des passages contredisant directement les thèses novatrices. On ne les écouta pas, et on les somma d’adhérer à l’orthodoxie régnante sous les peines les plus sévères. Le synode se termina par la dégradation brutalement exécutée des métropolites d'Éphèse et de Ganos et l’excommunication de tous les récalcitrants. Les uns furent enfermés dans les prisons publiques ; les autres, parmi lesquels Nicéphore Grégoras, gardés à vue à leur domicile.

Le palamisme triomphait ainsi par la force brutale. On l’avait déjà introduit, avant le synode de 1351. dans la profession de foi des évêques, le jour de leur ordination. Il ne restait plus qu'à lui donner une place de choix dans le Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie. Le patriarche Calliste opéra cette interpolation dans un synode tenu encore aux Blachernes, dans le triclinium d’Alexis, au mois de juillet 1352. Une série d’anathématismes contre Barlaam, Acindyne et leurs adeptes et tout autant d’acclamations à Grégoire Palamas et aux partisans de sa doctrine furent composés sur le modèle des anathématismes et des acclamations rituelles déjà usitées. Le cod. Monacensis griec. 505, fol. 2 v°, en attribue la rédaction à Philothée. Ils résument bien le palamisme tel qu’il est exprimé dans le tome du concile de 1351. Nous aurons à en reparler tout à l’heure. Cf. Porphyre Ouspenskii. L’Athos, t. iii, p. 781-785.

V. LE PALAMISME APRÈS 1354. LE SYN0LE ET LE

tome contre prochoros GTDONÈs (1368). — Le patriarche Calliste, qui s'était signalé par son zèle à poursuivre les antipalamites, fut déposé au début de 1354 pour avoir refusé de couronner empereur le fils de Jean Cantacuzène, Matthieu. On lui donna pour successeur, dès février, le complaisant Philothée Kokkinos, un des fervents disciples de Palamas, En présence de son père et du synode patriarcal, Matthieu fit profession officielle de palamisme, en souscrivant le tome de 1351, qu’il déposa sur l’autel de SainteSophie de ses propres mains. Voir sa déclaration dans P. G., t. cli, col. 754.

En décembre de cette même année 1354, Jean V Paléologue, qui s'était de nouveau brouillé avec Jean Cantacuzène, triomphait de lui et l’obligeait à abdiquer (1355). En même temps, Philothée était déposé et Calliste rappelé. A ce moment, les choses faillirent mal tourner pour les palamites. Jean V n’avait point pour eux les tendresses des Cantacuzènes, et il voyait plutôt dans leurs doctrines un obstacle à l’union des Églises, qu’il projetait pour obtenir du pape et des souverains d’Occident des secours contre les Turcs. Aussi les mesures persécutrices prises contre les antipalamites après le synode des Blachernes de 1351 furent-elles rapportées, et Nicéphore Grégoras put sortir librement de son couvent. Dans le courant de l’année 1355, l’empereur l’appela à discuter publiquement avec Grégoire Palamas en sa présence et celle du légat du pape, Paul de Smyrne. Nous avons déjà parlé, à l’article précédent, col. 1740, de l’issue de ce débat contradictoire, sur lequel Grégoras nous a laissé deux livres de son Histoire byzantine, 1. XXX et XXXI. P. G., t. cxlix, col. 233-330. Dans les années qui sui virent, le gouvernement impérial se désintéressa pratiquement de la querelle intestine qui divisait encore les esprits ; mais le patriarche et l'épiscopat étaient désormais acquis aux dogmes nouveaux, et les sanctions d’ordre religieux continuèrent à être appliquées à quiconque leur était hostile. L’une de ces sanctions était la privation de la sépulture ecclésiastique.