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ORDRE. INSTITUTION PAR LE CHRIST

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tants orthodoxes, à propos de l'Église, porte donc sur l’existence d’une hiérarchie perpétuelle. Oui ou non, Jésus-Christ a-t-il confié à l’apôtre Pierre et au Collège apostolique le pouvoir exclusif et perpétuellement transmissible de gouverner l'Église, d’enseigner l'Église ; et enfin de célébrer, dans l'Église, le sacrifice de la Nouvelle Alliance ? Juridiction, magistère, sacerdoce, tels sont, en effet, dans la doctrine catholique, les attributs essentiels de la hiérarchie ecclésiastique. Tous trois sont révoqués en doute par la théorie protestante. » Y. de La Brière, art. cit.. col. 1224-1225 ; cf. P. -F. Jalaguier, De l'Église, Paris, 1899, passim ; Th. Zahn, Das Evangelium des Matthàus, Leipzig, 1905, p. 547, qui établissent la thèse de l'Église démocratique, héritière dans sa collectivité de l’autorité donnée par le Christ aux apôtres pris collectivement, et s’organisant elle-même selon les exigences des circonstances. On retrouve cette thèse à peine différemment formulée chez Edwin Hatch, The organisation of the early Christian Church, Londres, 1895. Tout aussitôt après Jésus-Christ, il y eut bien des chefs dans les communautés chrétiennes, et ces chefs étaient le clergé, chargé de remplir les fonctions liturgiques — prêcher, baptiser, célébrer l’eucharistie — et de veiller à l’observation de la discipline. Mais au fond, tous les chrétiens se considéraient comme prêtres et pouvaient, au besoin, remplir toutes ces fonctions. Voir plus loin.

Fausses explications de la hiérarchie.

Quand il

s’agit de reconstruire positivement l'édifice de la hiérarchie, en dehors de toute institution du Christ, ces diverses théories — libérale, moderniste, protestante orthodoxe — se groupent en un certain nombre d’opinions qu’il est relativement commode de répartir en trois classes distinctes. » La première catégorie, dit M. J. Coppens, L’imposition des mains et les rites connexes, Paris, 1925. p. 112, comprend toutes les opinions qui affirment l’existence d'étroites relations entre le christianisme primitif et les juiveries de la dispersion, et qui rapprochent par conséquent les ordres ecclésiastiques des institutions synagogales répandues dans la diaspora à l'époque du Seigneur. » Cette ancienne thèse de Vitringa, De. synagoga vetere, Franeker, 1696, a été reprise par H. J. Holtzmann tout particulièrement. « A l’extrême opposé de ce premier groupe, une classe plus nombreuse d’historiens estiment, en s’appuyant sur les travaux philologiques de Weingarten et de Foucart et en s’inspirant du programme tracé par Edwin Hatch, qu’il existe des rapports de dépendance entre les diacres-épiscopes chrétiens et les divers fonctionnaires établis dans les thiases ou collèges religieux de l'époque impériale. » Hypothèse déjà insinuée par Renan et développée par Weingarten et Hatch ; reprise sous une forme amendée par Harnack, Die Gesellschaftsverfassung der christlichen Kirchen im Altertum, Gicssen, 1883. A ces deux premiers groupes d’opinions se rattachent toutes les hypothèses qui combinent dans des proportions variées les influences juives et helléniques, et qui admettent pour autant que l’organisation ecclésiastique définitive a été le résultat de la jonction de deux types primitifs, le type judéo-chrétien originaire de Jérusalem et le type ethnico-chrétien introduit d’abord à Antioche de Syrie. Toutefois, Lcening distingue trois types primitifs d’organisation ecclésiastique. Die Gemeindevcrfassung des Urchristentums, Halle, 1889. « Enfin, aux hypothèses précédentes s’opposent les explications qui écartent toute influence étrangère au christianisme primitif, et qui expliquent l’origine des divers ordres ecclésiastiques soit par l’initiative du collège apostolique intervenant, dès

les débuts de la prédication chrétienne, soit par le libre jeu des lois sociales qui tendent à organiser tout groupement quelque peu stable en société dûment constituée. » Ainsi, K. Weizsæcker, Apostolisches Zeitalter, Fribourg-en-B., 1892 ; H. Sohîn, Kirchenrecht, t. i, Die geschichtlichen Grundlagen, Munich, 1923 ; cf. J. Brys, Ephemerides theologicee Lovanienses, 1925, t. ii, p. 150-168. D’après cette dernière conception, la hiérarchie primitive, l’exercice des différents pouvoirs auraient pour point de départ les charismes qui se manifestèrent à l'époque apostolique ; cf. I Cor., xii, 28 ; Eph., iv, 11. Aucune organisation se référant à l’institution du Christ ; mais la première ébauche d’organisation issue de l’influence de l’Esprit. Sous ce double aspect, la chrétienté primitive doit être dite une « anarchie pneumatique », anarchie, parce que le Christ n’en a ni prévu ni voulu l’organisation ; pneumatique, parce que, sous l’intervention du Saint-Esprit, cette organisation s’est faite, en attendant l’organisation juridique, issue des décisions prises par la communauté chrétienne elle-même, instruite et guidée par les événements. C’est le système développé par Sohm.dans l’ouvrage cité, et dans Wesen und Ursprung des Kalholizismus, Leipzig, 1913 ; Dasaltkatholische Kirchenrecht und dus Dekrct Gratians, .Munich, 1918.

La portée de toutes ces doctrines hétérodoxes dépasse la question de l’origine du sacerdoce catholique, et l’on ne saurait ici les réfuter dans tous les détails qu’elles comportent. Une telle discussion relève surtout de l’ecclésiologie. Voir les traités De Ecclesia, et notamment. M. d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, 1, th. in et iv ; Hermann Dieckmann, De Ecclesia, tractatus historicn-dogmalici, t. i, Fribourg-en-B., 1925, assert. 4, 5, 11 ; voir aussi Yves de La Brière, art. cit., et surtout P. Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, Paris, 1911, passim, mais principalement Excursus b, p. 172-193. Il convenait néanmoins de signaler brièvement ces erreurs afin de préciser les points où notre reconstruction positive de l’institution de la hiérarchie et des ordres sacrés par le Christ peut les atteindre efficacement.

II. LE FAIT HISTORIQUE T)Ë L’INSTITUTION DE

L’ORDRE par le christ. — - Notre point de dé art sera purement historique. Les données certaines de l'Évangile nous permettent d’affirmer, à l’encontre des thèses libérales, modernistes et protestantes, que le Christ a vraiment institué un sacerdoce nouveau, d’où résulte dans l'Église une hiérarchie de droit divin, dont l’origine ne saurait être attribuée aux seules circonstances humaines.

Préparation éloignée.

1. A l’exemple de JeanBapliste et des autres maîtres en Israël, le Christ a

eu de bonne heure ses disciples qu’il a appelés tout spécialement à le suivre, dans un but spirituel. Matth., iv, 18-26 ; Joa., i, 35-50. Ces disciples doivent être soigneusement distingués de la foule qui suit et écoute le Maître. Matth., xv, 10, 12. A eux, en effet, est réservé un enseignement spécial. Matth., xiii, 1<> ; cf. Marc, iv, 10 ; Luc, viii, 10. Jésus se les attache personnellement. tout d’abord pour certaines œuvres de miséricorde temporelles et spirituelles. Luc, ix, 49 ; Marc, ix, 37. Ils sont sa famille, Matth., xii, 49, qu’il défend contre les attaques des pharisiens. Matth., ix, 15 ; xii, 1 ; cf. Marc, n. 18, 23 ; Luc, v. 33 ; vi, 1.

2. Parmi ces disciples, le Maître en choisit plus spécialement douze, qu’il appelle les apôtres. Matth., iv, 18 sq. ; Marc, i, 16 ; Luc, v. 2. Leur élection est rapportée explicitement par Marc, ni, 13 sq. et par Luc, vi, 12-13 ; leur liste est donnée par Matth., x, 2-4 ; voir aussi Joa., vi, 68, 71 ; xv, 16. L’appellation « les Douze » devient pour ainsi dire consacrée.