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PAL AMAS. ERREURS DU SYSTÈME


suivante, qu’il applique aussi bien aux textes de l’Écriture qu’à ceux des Pères : « Quand tu lis que Dieu est incommunicable et inaccessible, entends-le de son essence. Quand tu lis, au contraire, qu’il se communique aux créatures, qu’il est vu face à face, entends-le de son opération. » Cf. Theophanes, toc. cit., col. 937 D, 938 H ; Capita théologien. 149. 150, ibid., col. 12241225. Comme nous l’avons dit plus haut, l’invisibilité de l’essence divine, même pour les esprits bienheureux et les élus, est pour Palamas un axiome, qu’admettent avec lui un grand nombre de Byzantins, en dehors de toute controverse. Cette opinion se fondait sur plusieurs textes des Pères grecs, qu’il faut, sans doute, entendre soit de la vision par les seules forces naturelles, soit de l’incompréhensibilité proprement dite de l’être divin. Comme le disent nos théologicns v Dieu est vu tout entier par les bienheureux, puisqu’il est simple ; mais il ne peut être vu totalement par aucune j créature, totus videtur, serf non lotaliler. Les Byzantins dont nous parlons ne paraissent pas avoir fait cette distinction nécessaire. Palamas tirait de là quelque soutien pour sa théorie, et pouvait mettre dans l’embarras ceux de ses adversaires qui acceptaient son postulat.

Il croyait aussi trouver un appui dans la définition du VIe concile œcuménique proclamant l’existence en Jésus-Christ de deux natures et de deux opérations, et nous avons vu que le concile de 1351 présentait la nouvelle doctrine comme un développement, àvdOTTuÇiç, de cette définition. On y arrivait par ce raisonnement : Le concile proclame deux natures et deux opérations : si l’opération humaine est réellement distincte de la nature humaine, il faut aussi que l’opération divine soit réellement distincte de la nature divine ; sans cela, les termes de la définition ne tiendraient plus. Cet argument revient surtout dans les écrits pal ami tes.

Enfin notre théologien ne manquait pas de recourir à d’autres raisonnements thêologiques cousus de subtils sophismes. Il disait, par exemple : Si, en Dieu, l’opération ne diffère pas de l’essence, en lui engendrer, Ysvvâv, sera la même chose que créer, uoieïv. Il n’y aura donc aucune différence entre le Fils et le Saint-Esprit, d’une part, et les créatures, de l’autre. Capita theologica, 96 et sq., loc. cit.. col. 1189. Il triomphait aussi de ses adversaires en leur prêtant le pur nominalisme, et en leur faisant nier que Dieu soit une nature agissante. Or saint Maxime avait dit : Une nature sans activité est un pur néant. Barlaain et Acindyne étaient donc des athées. Ils étaient aussi des polythéistes, parce qu’en affirmant que les opérations de Dieu étaient créées, ils unissaient le créé et l’incréé en un tout monstrueux.

6. Des multiples erreurs renfermées dans le système palamite. — Si Palamas et les siens accusaient leurs adversaires d’erreurs imaginaires, ces derniers reprochaient aux novateurs de ressusciter à peu près toutes les anciennes hérésies, et ils n’avaient pas trop de peine à le démontrer sans avoir besoin de travestir leur pensée.

En s’attaquant, en effet, à l’absolue simplicité de l’être divin, Palamas adultérait gravement la notion de Dieu et, celle-ci une fois compromise, à quelles monstrueuses erreurs n’aboutit-on pas par voie de déduction logique ? On peut voir les spécimens de ces déductions dans les deux documents anonymes publiés par Allatius dans son ouvrage, De libris ecclesiasticis Grœcorum dissertalio II, et reproduits par Migne, P. G., t. cl, col. 846-876. Par le même procédé, Nicéphore Grégoras a accusé Palamas de pervertir la notion du mystère de l’incarnation et de nier la présence réelle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie, Hist. buzant., t. XXIV, P. G., t. cxlviii, col. 1425-1433. Nous ne suivrons pas celle piste dialectique, qui

pourrait nous mener fort loin. Qu’il nous suffise de noter les erreurs contenues explicitement dans l’énoncé des thèses palamites comparées à la doctrine catholique.

a) Comme nous l’avons déjà dit, l’erreur fondamentale du système est d’admettre en Dieu une composition de nature et de personnes, de substance et d’accidents, d’essence et de propriétés physiques découlant de l’essence, d’élément primaire et d’élément secondaire. Cette erreur, loin d’être atténuée par la terminologie, est au contraire mise par elle en un relief criard, intolérable aux oreilles pies. Pareil langage était jusque-là inouï dans l’histoire de la théologie chrétienne. Deux siècles pourtant avant Palamas, le théologien latin Gilbert de la Porrée avait enseigné la même erreur que lui sur la distinction réelle entre l’essence divine et les personnes divines. S’il n’avait point admis, à ce qu’il semble, de distinction réelle entre l’essence et les attributs, il en posait une entre Dieu et la divinité ; ce qui ressemble un peu à la divinité supérieure et à la divinité inférieure de Palamas. On sait qu’il fut condamné au concile de Beims (1118) ; cf. l’article Gilbert de la Porrée, t. vi, col. 1350-1358. Deux propositions de ce concile s’opposent directement à la doctrine palamite : Credimus Deum nonnisi sapienlia, quæ est ipse Deus, sapientem esse, nonnisi ea magnitudine, quæ est ipse Deus, magnum esse… Credimus et confitemur solum Deum Patrem et Filium et Spiritum Sanclum sternum esse, nec aliquas omnino res, sive lelationes, sive proprielales, sive singularitates vel unitales dicantur, et hujusmodi alia, adesse Deo, quæ sint ab œterno, quæ non sint Deus. Cf. Denzinger-Uannwart, Enchiridion sijmbol. et defln., n. 389, 391. La même erreur de la distinction réelle entre l’essence divine et chaque personne de la Trinité fut soutenue par l’abbé Joachim de Flore et condamnée par le quatrième concile de Latran (12 15) : Credimus et confitemur quia quælibet trium personarum est illa res, videlicel subslantia, essentia s eu natura divina. Denzinger, op. cit., n. 432. Quant à la distinction réelle entre l’essence divine et son opération, qui est proprement le dogme palamite, elle est explicitement rejetée par la profession de foi du XVe concile de Tolède (688), approuvée par le pape Sergius I er : Hoc est Deo esse, quod velle ; hoc velle, quod saperc : qund tamen de homine dici non poiest. Aliud quippe est homini id. quod est sine velle, et aliud velle eliani sine sapere. In Deo autem non est ita, quia simplet ita natura est, et ideo hoc est illi esse, quod velle, quod sapere… Denzinger, ibid., n. 294. Le pa ! amisme se heurte enfin à l’affirmation dogmatique du concile du Vatican : Deus est substantia spirilualis omnino simplex, Denzinger, n. 1782 ; de sorte que cette doctr/ne considérée dans son principe fondamental n’est pas seulement une grave erreur philosophique ; c’est aussi, du point de vue catholique, une véritable hérésie.

b) Erronées et proches de l’hérésie sont les autres thèses palamites sur la grâce déifiante incréée, les dons du Saint-Esprit incréés, la puissance, la lumière par laquelle on voit la gloire de Dieu (c’est-à-dire la lumière de gloire) incréée ; sur la négation du don incréé ou de l’inhabitation des personnes divines dans l’âme du juste. Pour Palamas, en effet, les personnes divines, pas plus que l’essence divine, n’entrent en relation directe avec les créatures. Ce qui est donné au juste, ce n’est pas la personne même du Saint-Esprit, mais son opération. Tout cela est inconciliable avec la doctrine catholique sur la justification, codifiée par le concile de Trente, sess. vi ; cf. Denzinger, op. cit., n. 799, 809, 821. Ajoutons que la théorie de la grâce incréée et la conséquence qu’en tire Palamas par rapport à l’homme justifié, à qui il décerne