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ORDRE. FAUSSES CONCEPTIONS

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répéter quelque chose après lui ; mais c’est prendre quelque chose de lui, s’unir à lui, communier avec lui dans un élan de consécration intérieure, en réponse à l’appel qui rayonne de l’Esprit que Jésus incarnait, que Jésus était. L'Église est née de cette expérience ineffable. Elle n’a pas d’autre origine. « La vraie foi en Jésus-Christ peut donc se concilier avec les différentes organisations ecclésiastiques ; elle ne suppose aucune Église particulière. » Ainsi donc, « être chrétien, tout court, sans épithète, c’est aimer JésusChrist, lui donner sa foi, et être animé de son esprit ; cette expérience, d’ordre surnaturel, assure l’appartenance à l'Église invisible et universelle, corps mystique dont le Seigneur vivant est la tête, le chef. Subsidiairement, ou éventuellement, le chrétien se réclame d’une église historique (grecque, romaine, anglicane, protestante). Mais cette adhésion n’est pas indispensable au salut. » Du protestantisme, Paris, 1929, p. 60-61, 91-95, 98-99. Finalement, on le voit, M.Monod rejoint Sabatier et Harnack.

2° Les modernistes, avec nombre de critiques protestants, pensent que le royaume prêché par JésusChrist avait un caractère essentiellement social et collectif, et que, par conséquent, la conception d’un royaume spirituel et intérieur ne saurait être retenue. Mais ce royaume collectif et social est étranger aux conditions de la vie présente. Le royaume messianique prêché par le Christ est le règne final et définitif de Dieu après la fin du monde que Jésus croyait imminente. De l’illusion ou de l’erreur du Christ touchant la proximité de la fin du monde est née, en opposition avec l’idée et l’intention du Christ, non seulement la religion chrétienne, mais même l'Église qui en est la forme naturelle et nécessaire. En Allemagne, cette conception eschatologique du royaume a été retenue par nombre d’auteurs. Citons spécialement : W. Baldensperger, Das Selbstbeivusstsein Jesu im Lichte der messianischen Hoffrmngen seincr Zeit, Strasbourg, 1903 ; I. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche Gotles, Gcettingue, 1900 ; A. Schweitzer, Das Abendmahl im Zusammenhang mit dem Leben Jesu und der Geschichte des Urchristentums. n. Das Messianitàtsund Leidensgeheimnis, Tubingue et Leipzig, 1901 ; Geschichte der Leben-Jesu-Forschunij, Tubingue, 1913 ; I. Schnitzer, i. Hat Jésus das Papsttum gestiftet ? n. Das Pasptlum eine Stiftung Jesu ? Augsbourg, 1910. Pour expliquer l’erreur de Jésus touchant la proximité du royaume eschatologique, Schweitzer distingue trois « personnes » en Jésus-Christ, une, normale, qui partage les joies de la nature, des enfants ; l’autre, pessimiste, qui voit le jugement de Dieu comme imminent ; la troisième, enfin, prophétique, qui considère le royaume de Dieu comme déjà présent et agissant, Geschichte der LebenJesu-Forschung, p. 135, 144-145, 90, 95.

Chez les Français, le représentant de cette opinion est A. Loisy, dont le système eschatologique se trouve esquissé à plusieurs reprises dans les ouvrages suivants : L'Évangile et l'Église, Paris, 1902, p. 24-26, 67, 86, 90-92, 110-113, 180-184 ; Autour d’un petit livre, Paris, 1903, p. 66-70, 156-162, 170-173, 175-177 ; Les évangiles synoptiques, t. i, Celïonds, 1907, p. 225253 ; Simples réflexions sur le décret « Lamentabili » et sur l’encyclique « Pascendi », Ceffonds, 1908, p. 75-77, 98, 107, 127 ; Quelques lettres sur des questions actuelles et sur des événements récents, Ceffonds, 1908, p. 112113, 123-124, 164-165, 236-237. (Références indiquées par Y. de La Brière, art. Église, Dict. apol. de la foi cath., t. i, col. 1222.)

Pour A. Loisy, « tout l’enseignement moral du Christ est conçu en vue de l’avènement du règne de Dieu, avènement qui n’est pas censé devoir se faire attendre indéfiniment, ou se produire par une lente

transformation de l’humanité, mais qui est supposé prochain, ou plutôt imminent. » Synoptiques, t. i, p. 236. On sait comment, d’après l'école eschatologique, il faut savoir distinguer dans la rédaction des évangiles ce qui appartient en propre aux vues eschatologiques du Christ, et ce qui y a été ajouté par une sorte de « réinterprétation » de la conscience chrétienne de l'âge apostolique, obligée de mettre l'évangile en harmonie avec le développement de l'Église naissante. Mais cette Église n’a été ni prévue ni constituée par le Christ, lequel « n’a fait autre chose, jusqu'à la fin de son ministère, qu’annoncer l’avènement prochain du royaume des cieux ». Quelques lettres, p. 237. L'Église est le résultat logique, mais inattendu de l'Évangile. Ne cherchons donc pas en Jésus un dessein arrêté d'établir son Église sur une hiérarchie et un sacerdoce : il n’y songea point. Voir Décret Lamentabili, prop. 40, 49, 50, 52. On retien dra particulièrement les propositions 49 et 50 :

49. Cena christiana paulatim indolem actionis liturgies ; assumente, lii qui cenie pneesse consueverant, characterem sacerdotalem acquisiverunt,

50. Seniores, qui in christianorum cœtibus invigilandi munere fungebantur, institut i sunt abapostolis presbyteri aut episcopi ad providendum necessariæ crescentium communitatum ordinationi, non proprie ad perpetuandam missionem et potestatem apostolicam.

La cène chrétienne prenant peu à peu le caractère d’une fonction liturgique, ceux qui avaient l’habitude d’y présider ont par là même acquis le caractère sacerdotal.

Les anciens qui étaient chargés de surveiller les réunions des chrétiens ont été institués par les apôtres piètres ou évêques afin de pourvoir au bon ordre nécessaire dans les communautés toujours croissantes, mais non pas à proprement parler afin de perpétuer la mission et le pouvoir apostoliques.

3° Les protestants orthodoxes admettent, avec les catholiques, que_ l'Église a été voulue et instituée par Jésus-Christ, société visible et permanente ici-bas des chrétiens. Mais « ils rejettent la notion d’une hiérarchie perpétuelle, établie de droit divin positif par Jésus-Christ lui-même, hiérarchie qui possède juridiction gouvernante, magistère enseignant, sacerdoce sacrificateur. Pour les protestants, Jésus-Christ n’a rien organisé de semblable ; il n’a pas créé d’intermédiaires obligatoires entre la conscience et Dieu. Sans doute, l'Évangile réclame que les fidèles soient groupés en société permanente : pour prier en commun, pour lire et commenter la parole de Dieu, pour célébrer le baptême et la cène, pour pratiquer la charité fraternelle. Mais il ne s’agit pas d’obéir à une hié rarchie, en tant que dépositaire de l’autorité même du Christ et organe authentique de la vérité chrétienne. Sans doute encore, le bien social de l'Église elle-même exigera une organisation hiérarchique ; car nulle société humaine, visible et permanente, ne peut vivre sans une autorité qui la gouverne. Mais l’organisation hiérarchique dans l'Église n’a pas été constituée, une fois pour toutes, par Jésus-Christ luimême. La raison d'être de cette hiérarchie est. exclusivement, une nécessité pratique du bien commun. Le caractère de la hiérarchie spirituelle dans l'Église ne fut pas, quant à son origine, essentiellement différent du caractère de la hiérarchie temporelle dans l'État. De part et d’autre, le principe fondamental pourra être de droit divin, comme répondant à l’intention manifeste du Créateur. Mais, de part el d’autre aussi, la forme extérieure, la détermination concrète, seront de droit humain ; elles résulteront des conditions particulières de chaque milieu ; elles varieront avec les circonstances historiques de chaque époque… La controverse entre catholiques et protes-