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PAL AMAS. VIE

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ticle suivant, nous allons brièvement résumer es faits les plus saillants qui regardent uniquement sa personne.

Dès 1333, le moine calabrais Barlaam commence à écrire ses opuscules polémiques contre la procession du Suint-Esprit ab utrvquc et la primauté du pape. Mais. contrairement à la méthode suivie par les théologiens byzantins, qui en appellent habituellement à l’Écriture et aux Pères, c’est presque uniquement par des arguments de raison, par des syllogismes, qu’il bat en brèche les doctrines catholiques. Quelques-unes de ses dissertations sur la procession — il en a produit dix-huit — sont tombées entre les mains de Palamas. Celui-ci. qui se croit investi d’une mission doctrinale dans l’Église sur la foi d’une vision qu’il a eue récemment, trouve la méthode du Calabrais périlleuse pour l’orthodoxie, et il lui écrit coup sur coup deux lettres pour lui faire des remontrances à ce sujet. Barlaam a-t-il été piqué par cette attaque brusquée, bien que courtoise chus la forme ? Toujours est-il qu’après cet incident il est retourné à Constantinople, et s’est mis à faire une enquête sur la vie et les pratiques de cette catégorie de moines qu’on appelle les hésychastes et dont Palamas est l’un des représentants les plus en vue. Pour se faire révéler tous les arcanes des mystiques, il simule le rôle de disciple et s’adresse non aux plus instruits, mais à un novice. Que lui découvret-il ? Une pratique bizarre, presque scandaleuse, pour arriver au recueillement intérieur et à la vision de la lumière divine dès ici-bas. Cette pratique a été inventée, dit on, par Smc’on’e Nouveau Thco’ogien. El’e existait sûrement au début du xiie siècle. Elle consiste essentiellement à retenir son haleine le plus longtemps possible, et à répéter indéfiniment la prière : Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de moi, le menton appuyé sur la poitrine et le regard fixé sur le milieu du ventre ou le nombril. Cela s’appelle faire rentrer, enfermer son esprit dans son cœur, ou unir son esprit à son âme, car le ventre est considéré comme le siège de l’âme. Après un temps plus ou moins long passé dans ce laborieux exercice, l’hésychaste se voit rempli d’une joie inefîi hic, plongé dans la lumière divine. Il a trouvé le royaume de Dieu caché au dedans de nous. C’est un avant-goût de la béatitude céleste. Cette lumière qui brille à ses yeux, c’est l’éclat même de la divinité, l’éclat dont resplendit le Christ sur le mont Thabor, au jour de sa transfiguration. Les mystiques, dans leurs écrits, et spécialement Syméon le Nouveau Théologien dans ses homélies, n’enseignent-ils pas que les coeurs purifiés voient Dieu dès ici-bas, quoique d’une manière moins parfaite que dans l’autre vie ?

Voilà à peu près ce que répondit le moine à Barlaam, qui tria aussitôt au scandale et dénonça par toute la capitale ce qu’il considérait comme un intolérable abus. Son ami Acindyne et d’autres conseillèrent au Calabrais de garder sa langue et de laisser en paix les caloyers. Comme il n’en faisait rien, ils le dénoncèrent au patriarche Jean XIV Calécas (13341347), homme paisible, fort versé dans le droit canonique, mais peu en théologie, qui avait horreur des controverses, et menaça le détracteur des moines des censures de l’Église, s’il ne mettait un terme à ses attaques. Barlaam reprit alors le chemin de Thessalonique, où les 1 ésych ; stes ne manquaient pas. Loin des foudres patriarcales, il continua sa c ; mpagne contre les mystiques, non sans trouver de nombreux approbateurs, tant parmi les laïcs instruits que parmi les moines rebelles à l’influence des contemplatifs. Il ne se contenta pas de parler. Il commença à écrire un ouvrage contre les pratiques et la doctrine des Jiésychastes. Ces derniers, avant qu’il l’eût lancé dans le public, réussirent à s’en procurer des extraits. Le

Calabrais les tournait en ridicule, les traitait d’omphalopsyques, ôjjiçaÀt^ux 01’e t raillait leur prétention à voir Dieu des yeux du cor] s. Devant te péril de diffamation qui les menaçait, ils dépêchèrent une ambassade à Grégoire Palamas, alors au skile de Saint-Sabbas, qui jouissait déjà parmi eux d’une grande réputation de savoir et de vertu, le suppliant de venir prendre leur défense. Grégoire se laissa persuader. Il quitta l’Athos et descendit à Thessalonique, où on lui montra les extraits du livre de Barlaam. que le moine Isidore, celui-là même qui allait bientôt devenir patriarche, avait dérobés. Cf. Philothée, toc. cit., col. 586. Philothée et d’autres contemporains nous racontent que Palamas, avant d’engager la lutte par la plume contre le Calabrais, le supplia de cesser ses attaques contre les moines, lui faisant remarquer son incompétence en matière de mystique et sa témérité à vouloir censurer ce qu’il ignorait. Ces historiens insinuent que c’est sur le relus de Barlaam à se rendre à ces remontrances que Palamas prit la plume pour défendre les hésychastes. En fait, il ressort clairement de ce que dit Philothée, ibid., col. 589, que c’est Grégoire qui commença la controverse écrite en publiant sa première triade de discours « ’Trrèp -cov teptëç Tjou^a^rvTWV », où il attaquait déjà Barlaam avant que celui-ci eût fait paraître son livre contre les moines. Cette première triade, qui dut voir le jour en 1338, fut suivie d’une seconde, composée après la publication de l’ouvrage du Calabrais, et pendant que celui-ci se rendait à Avignon. On sait, en effet, qu’en 1339 l’empereur Andronic envoya Barlaam en Occident pour négocier l’union des deux Eglises et la préparation d’une croisade. Dans cette seconde triade, Grégoire esquissait déjà sa théorie sur la lumière divine et la distinction réelle entre l’essence de Dieu et son opération. En la parcourant, après son retour d’Occident, Barlaam n’eut pas de peine à s’apercevoir qu’il se trouvait en présence d’une théologie nouvelle, inouïe jusque-là. Beprenant la plume, il remania son premier ouvrage contre les hésychastes, en effaça le sobriquet d’ôjzepo’Xcij/uyci et s’attaqua surtout aux audacieuses nouveautés de « on rival sur l’essence divine et la lumière du Thabor. Au livre ainsi refondu il donna le titre suggestif de « Karà MaaaaXiavcLv ». Ces hérétiques, en effet, prétendaient voir Dieu de leurs yeux corporels. Cf. articles : Euchiti : s, t. v, col. 1454 sq., et Si iïssa liens, t. x, col. 792 sq. Pour répondre à cette nouvelle, édition, Palamas écrivit sa troisième triade contre le Calabrais, accentuant encore plus ses innovations tant sur le fond de la doctrine que sur les formules. N’allait-il pas jusqu’à parler de plusieurs divinités, 6sôty, t£ç ? L’occasion était belle pour Barlaam d’intenter à son rival un procès d’hérésie. Il courut sans retard à Constantinople, ayant en main les écrits du défenseur des hésychastes. Il espérait bien qu’on l’écouterait, cette lois, tellement l’erreur était évidente. On l’écouta, sans doute, mais l’affaire ne devait pas tourner comme il l’espérait.

Sentant venir l’orage — car le patriarche Jean Calécas ne passait pas pour un ami des hésychastes — Palamas prit la précaution de faire approuver sa théologie par ses confrères de l’Athos, par ceux du moins qui y consentirent. Il se rendit à la Sainte Montagne vraisemblablement sur la fin de 1340 ou au début de 1311, exposa longuement sa doctrine, et son ami Philothée, le futur patriarche, en rédigea un précis que signèrent le Ilpwroç ou Premier des monastères alhonites, plusieurs higoumènes et de nombreux moines. Ce fut le tome liagiorilique, ô âyLopeifixoç tqj.oç. dont il est souvent parlé dans l’histoire de la controverse palamite. En voir le texte dans la P. G., t. cl, col. 1225-1236. Muni de ce document, Grégoire n’était plus un isolé. Il avait derrière lui les principaux repré-