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Ii.IH

OXFORD (MOUVEMENT D). LE TRACT 90

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leur doctrine, quand les Tracts se développèrent : on n’avait jamais, d’une part, tant exalté la fonction des évoques, revendiqué pour eux une origine si haute et si sacrée, tant insisté sur leur autorité ; d’autre part, le parti évangéliste reprenait faveur auprès des hommes au pouvoir et des autorités ecclésiastiques, et les tractariens les combattaient. Les évêques ne pouvaient soutenir les uns sans mécontenter les autres.

Leur intervention se fait d’abord timidement. L'évêque Phillpotts suggère, dans un mandement de 1836. qu’on établisse la véritable notion de l'Église et des sacrements, mais sans faire allusion aux Tracts. L'évêrpie d’Oxford, Bagot, ami de Newman, mélange les louanges et les critiques à l’adresse du mouvement. Les critiques fuient sensibles à Newman. qui aussitôt propose à son évêque d’abandonner ces publications. Celui-ci refuse, promettant d’apporter des adoucissements au blâme, lors de la publication de son mandement. La première attaque violente partit de Chester. L'évêque J.-B. Sumner dépeint le mouvement comme l'œuvre de Satan ; en 1838, dans un mandement, il dénonce la « mine creusée sous les fondations de l’Eglise protestante par des hommes qui habitent dans ses murailles », la mauvaise foi de ceux qui < siègent dans la chaire des réformateurs et qui trahissent la Réforme ». L'évêque de Londres, Blomfield, félicite son collègue de Calcutta d’avoir critiqué les tractariens et lui-même leur reproche d’avoir « altéré la simplicité de l'Évangile de Jésus-Christ. » A memoirof C.-J.Blomfield, t. ii, p. 15. Cf. Church, op. cit., p. 243-265 ; Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 149-152. Les évêques n’avaient pas compris le but du mouvement ; ils se laissaient arrêter par des détails souvent peu importants. Les tractariens avaient d’ailleurs commis des fautes, le mouvement avait été trop rapide pour être tout à fait salutaire ; les changements apparaissaient trop considérables de 1833 à 1840 dans l’enseignement, les idées, les pratiques du culte privé et public, pour des esprits non préparés. On avait aussi oublié, remarque Church, op. cit., p. 254, la parole de saint Paul : Otnnia mihi licent sed non otnnia expediunt. I Cor., vi, 12. Il aurait fallu distinguer les grandes vérités centrales qui s’imposaient et les points secondaires qui pouvaient attendre.

V. La crise (1840-1843). — 1° Situation du parti en 1840. 2° Le Tract 90. 3° Condamnation du Tract 90. 4° Conséquences de la condamnai ion.

1° Situation du parti en 1840. Le parti tractarien se montre sous un double aspeel : theologique et pratique.

Il est toujours et avant tout préoccupé de la notion d'Église. L'Église est-elle une réalité ou une concepLion de l’esprit ? Quels sont ses fondements ? Comment discerner la véritable Église de ses contrefaçons ? L'Église anglicane est-elle la véritable Église ? A-t-ellc besoin de réforme ? Jusqu’ici aucun tractarien n’avait douté de la légitimité do sa position dans l’anglica nisme, considéré d’abord comme la seule véritable Kglise, puis comme une branche de la véritable Église. Un changement notable s'était produit dans l’attitude vis-à-vis de Rome. Le pape n'était plus l’Antéchrist ; l'Église romaine était aussi un rameau de la véritable Église ; mais comme celle d’Angleterre, elle avait ses défauts. Dans un article sur la « Catholicité de l'Église », dans le British critic, janvier 1840, Newnu. n constate que, si l'Église d’Angleterre n’a pas les notes de catholicité et d’unité, elle possède les autres caractères de la véritable Église ; il espère qu’elle pourra s’unir à celle de Rome, quand celle-ci aura laissé de côté ses « corruptions », corruptions qu’il connaît surtout par les théologiens du xviie siècle, qu’il constate dans ce qu’il appelle son esprit d’ambition et d’intrigue, dont il voit une preuve dans l’al liance des catholiques anglais avec O’Connell. dans la politique sans scrupule du clergé romain. En 1841, Newman avait encore la même conviction relativement à son Église : il considère "'Église d’Oxford comme l’Eglise locale ; la vie de l'Église anglicane est une note de sa vérité, elle est le canal divinement établi par lequel la grâce surnaturelle se répand dans l'âme des fidèles. Cf. Leller lo the bishop of Oxford, 29 mars 1841, dans Church, op. cit., p. 276-280. Pusey, Keble, Marriott. Williams sont dans la même tranquillité. D’autres n’ont plus la même assurance. Ward, Oakley Faber, Dalgairns, ne tarderont pas à voir l’inconsistante d’un pareil système : la vérité de l'Église de Rome leur apparaîtra plus clairement, aux dépens de celle d’Angleterre qui se montre incapable de supporter les réformes proposées. Ils sont séduits par tout le système romain : son principe d’autorité, son idéal de la sainteté, ses habitudes de piété. Pour eux, il n’y a pas de milieu, le système anglican est à garder ou à rejeter.

Pratique, le mouvement cherche à développer une véritable vie chrétienne. Son idéal est exposé dès 1833, dans les Esquisses de la vie chrétienne primitive, publiées par le British magazine et réunies en volume sous le titre Church oj Fathcrs : on doit chercher chez les Pères non seulement la doctrine, mais des exemples et des modèles de vie chrétienne. Cette préoccupation morale se retrouvedans leur façon d'étudierl'Évangile. La théologie évangéliste s'était plus occupée de l'œuvre du Christ que de ses exemples ; on regardait les Épîtres de saint Paul comme le dernier mot de l'Évangile, on cherchait des textes pour prouver la suffisance de l’Ecriture, le droit à l’interprétation privée, la doctrine de la justification. Les tractariens recherchent le Christ dans l'Évangile, ses leçons de renoncement et d’abnégation. D’où l’importance donnée à la vie intérieure et aux pratiques d’austérité, recommandées dans les sermons de Sainte-Marie.

Dans cette dernière phase la question doctrinale prend le dessus ; de très vives controverses sont déclenchées par le Tract 90, qui sera en fait le dernier de la série.

2° Le Tract 90.— La question de la souscription aux 39 Articles de l'Église anglicane avait déjà été soulevée au début du mouvement. Les tractariens avaient pris position contre les théologiens libéraux, qui en demandaient la suppression et avaient, en 1835, contribué à faire rejeter le projet de ceux-ci. Cf. Church, op. cit., p. 146-158.

C’est contre eux que la question se posait maintenant, dès lors qu’ils avaient habitué à accorder l’importance qu’elles méritaient aux doctrines de l'Église anglicane. On se demandait si ceux qui partageaient les principes catholiques que les tractariens s’ellorçaientde rétablir dans l’anglicanisme pouvaient loyalement souscrire aux 39 Articles. Newman voyait là un danger pour le parti : affirmer l’incompatibilité entre la confession de foi de l'Église établie et les idées du mouvement, n'était-ce pas une invitation pour certains à quitter cette Église pour celle de Rome ? Pour conjurer ce péril, autant que pour répondre aux accusations de déloyauté, Newman publia, le 27 février 1841, le Tract 90 : Remarks on certain passages in the 39 Articles.

Le but de l’auteur est donc de montrer qu’il n’y a pas opposition réelle entre les 39 Articles et l’enseignement qu’il avait défendu, en s’appuyant sur les théologiens du xvii c siècle, et que certains tendaient à identifier avec la doctrine romaine. Il s’efforce de prouver que les articles n’ont pas touché à ce qui était clairement et évidemment catholique ; qu’il est faux que les définitions du concile de Trente y soient contredites : ce qu’ils condamnent, ce sont les abus et