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OXFORD (MOUVEMENT D

A.POGEE

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Résultats.

Cette période est l’apogée du mouvement

d’Oxford : la sympathie grandit autour de ses chefs, dont les publications reçoivent partout bon accueil : en 1838, plus de soixante mille Tracts étaient vendus. Cf. Lelt. and corr.. t. ii, p. 278, 279, 283 ; ils parviennent jusqu’aux États-Unis. Cf. H. -S. Liddon, Lijeoj Pusey, t. n. p. 124. Les clergymen se réunissent pour discuter ces idées nouvelles. Et ce n’est pas seulement à Oxford que l’attention est attirée. Cambridge même, la rivale d’Oxford, s’intéresse au mouvement : ses étudiants cherchent à entrer en relation avec les tractariens. Les adhérents actifs se multiplient : aux amis de la première heure, Bowden, Fr. Rogcrs, Is. Williams, les deux Wilberforce, d’autres se joignent, Fr. Oakley, fellow de Balliol, Ch. Marriott, collaborateur de la Bibliothèque des Pères, ainsi que Church, qui devait écrire l’histoire du mouvement, F.-W. Faber, qui entre dans le parti en 1837 et se convertira un mois après Newman, J. Dalgairns, futur oratorien, A.-J. Christ ie, fellow d’Oriel, qui entrera dans la Compagnie de Jésus, S. Wood, oncle de lord Halifax, J.-R. Scolt, converti en même temps que Manning, ce dernier influencé par le mouvement dès 1837. Tous n’appartenaient pas au High Church : plusieurs vinrent de l’évangélisme (Oakley, Faber, Church, Wood, Manning). L’école libérale fournit moins de recrues. On peut noter cependant Mark Patison, à partir de 1838 ; et, parmi les disciples d’Arnold, les plus réfractaires au mouvement, A. -P. Stanley se sent fortement attiré par Newman, mais finalement reste libéral. Cf. Row. E. Prothero, Life and correspondance of A.-P. Stanley, t. i, p. 134, 196 ; par contre W.-G. Ward est pleinement conquis.

D’une habileté dialectique extraordinaire, d’une grande puissance de discussion, allant naturellement aux extrêmes, semant partout l’agitation, Ward devait donner une tournure décisive au parti tractarien, en montrant l’inconsistance du systèmethéologiqueanglican. D’abord disciple de Whately, puis d’Arnold, lié avec Stanley, il est opposé au mouvement tractarien à ses débuts. Entraîné par ruse aux sermons de Sainte-Marie, puis aux conférences de la chapelle Adam de Brème, il est séduit par Newman ; ses objections contre la position tractarienne, soumises à Rogers, sont réfutées par Newman. Sa conversion est achevée par les conférences dans lesquelles ce dernier démontre la nécessité d’une Église pour interpréter les Écritures. Il acquiert la conviction que « si la chrétienté primitive a été corrompue dans le papisme, elie ne se retrouve pas dans l’anglicanisme ». T. Mozley, Réminiscences, t. ii, p. 5. Cf. W. Ward, W.-G. Ward and Ihe Oxford movement. Il n’avait pas pour l’Église d’Angleterre le même attachement que les chefs du mouvement. Mais, membre de l’Église anglicane, il l’acceptait avec loyauté, tout en la jugeant, la comparant avec l’idéal de l’Église qu’il commençait à se former.

Devenu puissant à Oxford, le parti tractarien pouvait intervenir dans les affaires de l’université. Il le fit dans deux circonstances. La nomination, en 1836, par lord Melbourne du D r Hampden, comme regius professor de théologie, suscite leur première intervention. Esprit spéculatif, le D r Hampden était un orthodoxe rigide, acceptant les doctrines et les Credo de son Église. Il avait publié un volume de sermons, qui contenait un exposé remarquable des arguments scripturaires en faveur de la Trinité et une défense du symbole de saint Athanase. Mais, en même temps, il reprenait la doctrine de l’autorité infaillible et suffisante de l’Écriture et rejetait le consentement de l’Église. Il soutenait qu’il y avait des formules qui pouvaient être des interprétations de doctrines ou des déductions scripturaires, appartenant à une époque ou à une école, qu’il fallait les donner comme telles et

ne pas les considérer tomme affirmations authentiques de la révélation. Il appliquait cette théorie aux 39 Articles, expression de la croyance collective. On l’accuse de latitudinarisme, on lui montre que s’en tenir à la lettre pure de l’Écriture n’était pas suffisant, que rien n’y affirmait une Église organisée, catholique et apostolique. C’est ce que fait Newman, dans Elucidations of D’Hampden’s theological slalement. Hampden répond en affirmant sa croyance orthodoxe. Arnold prend sa défense dans la Revue d’Edimbourg : The Oxford malignants and D 1 Hampden, avril 1836. La question est soumise à la « Convocation » : unc première tentative échoue, grâce au veto des proctors ; mais, le 5 mai 1836, le corps universitaire manifeste sa réprobation. Cf. Church. op. cit., p. 159-176.

C’est encore la nécessité de défendre la doctrine de l’Église anglicane qui explique la position que prend le parti tractarien, lors du projet d’érection à Oxford d’un monument aux martyrs de la Réforme, Cranmer, Ridley et Latimer. La souscription organisée à l’université devait embarrasser les tractariens. Les Réformateurs avaient donné àl’Église anglicane sa doctrine ; ils furent longtemps l’objet d’une grande vénération, Mais les études faites sous l’impulsion du mouvement avaient montré que, sur bien des points, ils étaient indéfendables, qu’ils avaient été des théologiens infidèles et pleins de contradictions, que les circonstances seules leur avaient fait garder les points essentiels du catholicisme et qu’ils étaient attirés plutôt vers les idées de Calvin et de Zwingle. Ainsi pensaient les tractariens. Les amener à souscrire, c’était obtenir le désaveu de leurs idées. Newman et ses amis se tinrent à l’écart et entraînèrent Pusey. La souscription aboutit néanmoins, mais ses promoteurs avaient contraint les tractariens à manifester ouvertement leur déloyauté envers la Réforme.

Attitude des autorités.

Le mouvement tractarien

était un effort loyal pour servir l’Église anglicane. Ses chefs étaient des hommes instruits, de vie austère, estimés dans l’université ; ils combattaient pour ce que l’université considérait comme ce qu’il y avait de plus cher et de plus sacré : les privilèges et le salut de l’Église. Cela aurait dû leur attirer la bienveillance des chefs de l’université et de l’épiscopat. Il n’en fut rien Les chefs de l’université auraient pu agir comme modérateurs ; ils demeurèrent d’abord indilîérents, se laissant troubler seulement par le bruit de quelque tract nouveau. Il y avait chez eux, dit Church, « sereine ignorance ». Op. cit., p. 2 15. Ils se moquaient, plaisantaient, raillaient, criaient au papisme. De l’indifférence, ils devaient bientôt passer à l’aversion, après la publication du Tract 00, n’ayant pas pris soin de se renseigner, d’entrer en relations avec les tractariens, de juger en connaissance de cause et avec justice.

Les évêques étaient loin de la scène, préoccupés d’autres questions. Trois ou quatre seulement étaient théologiens, l’archevêque Howley, Phillpotts d’Exeter, Kaye de Lincoln, Marsh de Peterborough. Trois appartenaient à l’évangélisme, Ryder de Lichficld, et les deux Sumner de Winchester et de Chester. Le plus en vue était celui de Londres, Blomfield, mais il se reconnaissait incompétent dans les questions soulevées par les Tracts. Cf. Church, op. cit., p. 249.

L’attitude des tractariens vis-à-vis des évêques avait été très déférente. Newman aurait voulu les voir prendre la tête du mouvement : la question intéressait l’Église et elle était traitée par des hommes irresponsables. Les tractariens invitaient le clergé à se serrer autour des évêques ; il est vrai qu’en même temps ils écrivaient ne pas souhaiter aux chefs de l’Église « une fin plus heureuse de leur vie que la spoliation de leurs biens et le martyre. » Church, op. cit., p. 250. Les évêques furent d’abord indifférents, puis perplexes sur