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OXFORD (MOUVEMENT DM. ORIGINES


il s’enfonça lui aussi dans le protestantisme, ne retenant aucune notion de l’Église, de l’épiscopat, du prêtre ministre des sacrements. Cf. Thureau-Dangin, op. cit., t. i. p. 17-18. Les questions de doctrine et d’interprétation s’effaçaient devant la foi individuelle, la prédication prenait une place importante aux dépens des sacrements.

Ainsi, au début du xixe siècle, les courants les plus divers se heurtaient dans l’Église officielle : méthodisme, évangélisme, latitudinarisme et Haute-Église. Les divergences entre l’anglicanisme et les dissidents tendaient à s’elîacer. Et, pour compléter la confusion des idées, une nouvelle école commençait à se développer à Oxford, vers 1820, l’école libérale, première manifestation de la Broad Church. Elle est représentée par deux maîtres éminents : R. Whately et Th. Arnold. Le premier, fellow d’Oriel, plus tard archevêque de Dublin, voulant réagir contre ce que la religion avait de superficiel et de routinier, amenait à discuter les croyances, à rejeter l’intervention de toute autorité, revendiquait le droit de reviser les professions de foi. d’en écarter tout ce qui paraissait peu conforme à la raison, tout en restant dans l’Église établie. Poursuivant un idéal moral plus élevé, Th. Arnold, fellow d’Oriel et plus tard, « chef de maison » à l’école de Rugby, en 1827, professait sur le dogme les mêmes idées dissolvantes que Wathely, ne conservant guère comme essentiels que les dogmes de l’incarnation et de la Trinité, rêvant de réunir dans l’Église officielle, sans tenir compte des divergences doctrinales qui lui paraissaient secondaires, toutes les sectes protestantes, sous la protection de l’État. Ces idées trouvèrent crédit dans les cercles d’Oxford et Newman sera pendant plusieurs années le disciple de Wathely.

C’est de la Haute-Église que devait sortir le mouvement tractarien. Elle était alors une institution plus politique que religieuse. Elle était une forme du torysme. Ses clergymen. personnes bonnes et respectables, s’inquiétaient peu des doctrines ; trop préoccupés de leur situation matérielle, ils étaient peu populaires. On les désignait sous le sobriquet de high and dry ou de two botlles orthodox. Ils n’étaient pas à la hauteur de leur situation, n’ayant qu’une idée obscure de la fonction et des devoirs du prêtre, craignant en plus d’être soupçonnés de ferveur : l’évêque Lavington jetait le mépris sur l’enthousiasme des méthodistes et des papistes. Cf. R. W. Church, The Oxford movement, Londres, 1892, p. 3-4. « L’Église d’Angleterre avait changé la religion pour la civilisation. » Church, Oceasional papers, t. ii, p. 472.

II. Causes et origines du mouvement.

1° Causes. — Elle se trouvent dans la nécessite de défendre l’Église établie contre les dangers qui la menaçaient. Le mouvement d’Oxford fut d’abord une réaction contre la décadence de la piété dans l’Église officielle, en même temps que contre l’effritement doctrinal auquel la conduisait l’école libérale de Wathely et d’Arnold. Les âmes éprises de piété et de vie religieuse intense ne trouvaient pas à se satisfaire dans un culte froid, sans éclat, où l’eucharistie n’était plus administrée que rarement, où les sermons ne touchaient qu’aux points de doctrine ; elles se sentaient attirées par le méthodisme ou par le catholicisme. Oxford, qui se faisait gloire d’être comme la citadelle de la Haute-Église, supportait difficilement une théologie qui mettait en péril la doctrine des 39 Articles. En 1829, elle avait manifesté son opposition aux théologiens libéraux, en écartant R. Peel, leur candidat, comme représentant de l’université au parlement.

D’autres dangers étaient suspendus sur l’Église. I. Russell avait fait voter en 1828 le bill du Test, qui ouvrait l’entrée du parlement aux adversaires de l’Église d’État, aux non-conformistes, et leur permet tait ainsi de prendre part aux mesures et aux réformes ecclésiastiques. En 1829, le bill d’émancipation, proposé par R. Peel était voté, accordant la liberté civile et religieuse aux catholiques. La même année, pour calmer l’Irlande, R. Peel proposait une nouvelle loi, le bill d’apaisement, malgré l’opposition des dignitaires ecclésiastiques. La situation s’aggrave encore en 1830. La révolution de juillet, en France, a sa répercussion en Angleterre. Les wighs prennent le pouvoir. On réclame la réforme du Parlement, la réforme de l’Église. Le premier ministre, Ch. Grey, disait aux prélats de la Chambre haute qu’ « il était temps pour eux de mettre de l’ordre dans la maison » ; J. Hume déclarait à la Chambre basse que tout le pays condamnait l’Église d’État, que ses droits seraient supprimés par l’autorité qui les avait octroyés. Le peuple, aigri par l’opposition de la noblesse et des évêques aux réformes, menaçait le primat de Cantorbéry jusque dans sa cathédrale, attaquait l’évêque de Lichfield après une prédication à Londres, détruisait le palais épiscopal de Bristol… Dans tout le pays, on se détournait de l’Église, que l’on croyait devoir bientôt disparaître. Cf. T. Mozley, Réminiscences, 1. 1, p. 273. « Aucun pouvoir humain n’était capable de la sauver dans son état actuel. » Stanley, Life of Arnold, t. i, p. 326. Enfin la suppression de dix évêchés irlandais par le Parlement, en 1833, est considérée comme un premier acte de persécution : c’est une atteinte aux droits de l’Église qui sera suivie de beaucoup d’autres, si l’Église ne se défend pas énergiquement.

Les écrivains contemporains signalent avec angoisse le grave danger couru par l’Église établie. W. Palmer écrit : « Nous étions entourés d’ennemis intérieurs et extérieurs ^nos prélats insultés et menacés par les ministres d’État ; en Irlande, dix évêchés supprimés. On nous demande d’être reconnaissants de ce qu’une mesure plus radicale n’ait pas été prise. Que va-t-on faire maintenant’?… Le même principe de concessions à la rumeur populaire… sera-t-il appliqué avec plus d’ampleur dans le démembrement de l’Église ? Nous sommes submergés d’écrits sur la réforme de l’Église. Lord Hendley. beau-frère de sir R. Peel, le D r Burton et d’autres personnages influents tracent la voie. Le D r Arnold, de Rugby, ose proposer que toutes les sectes soient unies par un acte du Parlement à l’Église d’Angleterre. Des rapports, apparemment bien fondés, affirment que certains prélats sont favorables à des changements dans la liturgie. Des écrits, largement répandus, demandent l’abolition des Credo (au moins dans le culte public) et surtout du symbole de saint Athanase, la suppression de toute mention de la Trinité, de la doctrine de la régénération par le baptême. Nous ne savons où nous tourner pour trouver quelque chose de supportable… Le gouvernement met son pouvoir au service des agitateurs, qui cherchent ouvertement la ruine de l’Église… Et, le pire de tout, aucun principe dans l’esprit public, auquel nous puissions en appeler ; une complète ignorance de tout fondement rationnel d’attachement à l’Église ; un oubli de son caractère surnaturel d’institution non humaine, mais divine ; l’érastianisme le plus absolu prévalant largement parmi toutes les classes de politiciens. En voilà assez pour faire appel aux cœurs les plus courageux… » W. Palmer. Narrative of evenls connected with the publication of tracts for the times, 1843, p. 96-100, dans Church, The Oxford movement, p. 100-101. La situation est décrite de façon identique par A. -P. Perceval, Collection of papers connected with the theologieal movement, 1842, p. 25. H.-J. Rose avait écrit, en février 1833, à Palmer : « Il est certain qu’il faut faire quelque chose. L’important est que l’on fasse tout de suite ce que l’on veut faire, car le danger est imminent, et je craindrais peu, si je pensais que